Page:Zola - Vérité.djvu/295

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Comme elle avait cessé de pratiquer, il croyait l’avoir acquise à ses idées de pensée libre, sans même s’être donné la peine de l’en instruire. Au fond, il soupçonnait bien un peu de lâcheté de sa part, l’ennui d’une éducation à refaire, la peur aussi de se heurter à des obstacles, de gâter leur adorable paix d’amour. Mais, puisque leur vie marchait heureusement ainsi, pourquoi courir ce risque de querelles, dans la certitude où il était que leur grande tendresse suffirait toujours à maintenir leur bonne entente ?

Et voilà que la crise était venue, menaçante. Lorsque Salvan, autrefois, s’était occupé du mariage, il n’avait pas caché à Marc son inquiétude de l’avenir, pour deux époux si mal appareillés. Aussi, désireux de se tranquilliser un peu, avait-il simplement conclu, avec Marc, que l’homme fait la femme, dans un ménage qui s’adore. Tout mari, auquel on confie une jeune fille ignorante, n’est-il pas le maître de la refaire à sa volonté, à son image, lorsque cette jeune fille l’aime ? Il est le dieu, il peut la recréer, par la toute-puissance de l’amour. Mais une langueur, un aveuglement l’envahissent lui-même, et Marc n’avait constaté que plus tard la réelle ignorance où il était demeuré du cerveau de sa Geneviève, tout un cerveau de femme inconnue, ennemie, dont le réveil lent se produisait, au choc des circonstances. C’était le bas âge, la jeunesse qui renaissaient, la fillette blanche sous l’aile de son ange, fiancée de Jésus, belle en un coin de chapelle, à tête encore bourdonnante de l’aveu de ses fautes. Le bain tiède de religiosité où elle avait grandi était indélébile, l’Église imprégnait à jamais l’enfant de sa flamme et de son odeur, et tout repoussait plus tard, le bercement des orgues, le troublant éclat des cérémonies, la poésie des cloches. La