Page:Zola - Vérité.djvu/330

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vous m’emmènerez pour que je vous aide à faire votre classe.

Eperdue, sa mère l’embrassa.

— Oh ! guéris, mon enfant ! et jamais plus il ne faudra mentir, toujours il faudra être bon et juste.

Lorsque Marc quitta la chambre, il s’aperçut que Mme  Édouard était montée au bruit, et qu’elle venait d’assister à toute la scène. Elle l’avait vu mettre dans la poche intérieure de son veston le cahier d’écriture de son fils et le modèle. Silencieusement, elle redescendit avec lui. Puis, elle l’arrêta dans la boutique.

— Je suis désespérée, monsieur Froment. Vous auriez tort de nous mal juger, nous ne sommes que deux pauvres femmes seules qui avons grand-peine à gagner une petite aisance pour nos vieux jours… Je ne vous demande pas de me rendre ce papier. Vous allez en faire usage, et je ne puis m’y opposer, je le comprends bien. Seulement, c’est une vraie catastrophe qui nous tombe là sur la tête… Et, je vous en prie encore, ne me croyez pas une mauvaise femme, si je songe à sauvegarder notre commerce.

Elle n’était pas mauvaise en effet, sans autre foi ni passion que la prospérité de l’humble papeterie. Déjà elle s’était dit que, si l’école laïque l’emportait, elle en serait quitte pour passer au second plan, tandis que Mme  Alexandre tiendrait la boutique, recevrait la clientèle. Mais cela, pourtant, coûtait à son génie des affaires, à son besoin de domination. Et elle cherchait à conjurer autant que possible la catastrophe.

— Vous pourriez vous contenter d’utiliser le modèle, sans produire le cahier de mon fils… Je songe aussi à une chose. Si vous vouliez bien arranger l’histoire, dire par exemple que c’est moi qui ai retrouvé le modèle et qui vous l’ai donné, cela nous ferait jouer un beau rôle… Alors, nous passerions de votre côté, avec éclat, dans la certitude de votre triomphe.