Page:Zola - Vérité.djvu/359

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être ensemble, bien que faisant deux lits. Et, désormais, c’était la séparation totale, le mari et la femme allaient vivre en étrangers.

Les nuits suivantes, Geneviève s’obstina de la sorte à s’enfermer chez elle. Puis, l’habitude prise, elle ne se montra plus à Marc que vêtue, coiffée, comme si la moindre intimité de toilette l’eût gênée à présent. Elle était enceinte de sept mois, elle avait d’abord profité de son état pour rompre tous rapprochements conjugaux ; et, à mesure qu’elle approchait de ses couches, elle témoignait une répugnance croissante des caresses, le plus léger effleurement la faisait se reculer, inquiète et maussade, elle si tendre, si passionnée autrefois. Étonné, il mettait cela, les premières semaines, sur le compte de ces perversions singulières qui accompagnent parfois certaines grossesses, se soumettant d’ailleurs, attendant le réveil du désir, avec une fraternelle affection. Il avait cependant senti sa surprise croître, en la voyant arriver à la répulsion, presque à la haine, car il lui semblait que la naissance d’un nouvel enfant aurait au contraire dû la rapprocher de lui, les unir l’un à l’autre plus étroitement. Et, d’autre part, son inquiétude augmentait, il savait le terrible danger des querelles, des malentendus d’alcôve : tant que la femme et l’homme demeurent aux bras l’un de l’autre, ils sont une même chair, il n’y a pas de rupture possible, les pires sujets de dispute se fondent chaque nuit dans un baiser ; mais, dès que l’étreinte a cessé, dès qu’il y a divorce consenti, le moindre conflit devient mortel, sans réconciliation possible. Aussi, dans la débâcle de certains ménages qui étonne souvent, inexplicable, la cause profonde est toujours l’arrachement charnel, le lien de chair coupé à jamais. Tant que sa Geneviève était restée à son cou, l’adorant, le voulant, Marc n’avait pas tremblé de la campagne qu’on menait pour la lui reprendre. Il la savait