Page:Zola - Vérité.djvu/360

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profondément à lui, aucune force au monde ne vaincrait le tout-puissant amour. Mais, si elle ne l’aimait plus, si elle ne le désirait plus, le furieux effort de ses adversaires n’allait-il pas la lui arracher enfin ? Et, à mesure qu’il la voyait se glacer, il sentait la catastrophe devenir possible, il avait son pauvre cœur serré d’une anxiété croissante, intolérable.

Un fait éclaira Marc un instant, dans l’obscur problème de cette femme adorée, de nouveau mère, et qui semblait cesser d’être amante. Il apprit qu’elle avait changé de directeur, quittant l’abbé Quandieu, le doux prêtre, pour passer au père Théodose, le supérieur des capucins, l’apôtre, l’admirable metteur en scène des miracles de saint Antoine de Padoue. La raison donnée en était l’état de malaise, la faim inapaisée où la laissait le curé de Saint-Martin, trop tiède maintenant pour sa foi ardente ; tandis que le père Théodose, si beau, si grand de ferveur, devait la nourrir du fort pain mystique, dont elle avait le besoin de se rassasier. En réalité, c’était le père Crabot, maître souverain chez ces dames, qui avait décidé le changement, afin de hâter sans doute la victoire certaine, après tant de savante lenteur. Marc ne songeait pas à soupçonner Geneviève d’une intrigue basse avec le capucin superbe, un Christ brun, dont les grands yeux de flammes et la barbe frisée faisaient pâmer les dévotes : il la savait trop loyale, trop digne, de cette dignité du corps qu’il avait reconnue en elle, même aux heures voluptueuses où elle donnait tout son être. Mais, sans pousser les choses à ce point, n’était-il pas admissible, dans l’influence grandissante du père Théodose sur une femme jeune encore, de faire une part à la domination du beau mâle, à la souveraineté sensuelle de l’homme devenu Dieu, parlant en Dieu obéi ? Après les entretiens dévots, surtout après les heures prolongées de confessionnal, elle revenait à son mari toute frissonnante, é