Page:Zola - Vérité.djvu/404

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Et, déjà, il marchait vers la porte, lorsque la grand-mère lui barra le passage.

— Vous ne pouvez la voir, c’est impossible… N’est-ce pas ? vous n’avez pas envie de la tuer, et votre vue serait certainement pour elle l’émotion la plus terrible. Elle a failli mourir pendant ses couches. Depuis deux jours, elle est sans couleur et sans voix, la moindre fièvre la rend comme folle, on a dû emporter l’enfant en évitant de le lui montrer… Ah ! vous avez raison d’être fier de votre œuvre, le ciel foudroie tout ce que vous avez sali.

Alors, Marc, ne se contenant plus, soulagea son cœur en paroles basses et tremblantes.

— Mauvaise femme, qui avez vieilli dans la cruauté morne de votre Dieu et qui achevez d’anéantir toute votre descendance… Votre œuvre à vous est notre torture, la mort lente dont nous agonisons. Vous vous acharnerez à dessécher votre race, tant qu’elle gardera dans sa chair un peu de sang, un peu de bonté humaine… Depuis son veuvage, vous avez comme supprimé de la douce vie votre fille ici présente, vous lui avez enlevé jusqu’à la force de parler et de se plaindre. Et, si votre petite-fille se meurt là-haut, d’avoir été arrachée à son mari et à son enfant, c’est encore vous qui l’avez voulu, car vous seule avez servi d’instrument aux abominables ouvriers de ce crime… Ah ! oui, ma pauvre, mon adorée Geneviève, que de mensonges, que d’effrayantes imbécillités il a dû falloir pour me la reprendre ! Puis, ici, on l’a tellement abêtie, pervertie de noire religion, de pratiques démentes, qu’elle n’est même plus femme, ni épouse, ni mère. Son mari est le diable, qu’elle ne pourrait revoir sans tomber à l’enfer, son enfant est le produit inquiétant de son péché, qui la mettrait en péril de damnation, si elle lui donnait le sein… Eh bien ! écoutez, de tels forfaits ne se consommeront pas jusqu’au bout. Oui, la vie a toujours raison, elle emporte les ténèbres et leurs cauchemars