Page:Zola - Vérité.djvu/420

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viol d’une conscience par la peur, tâchant de lire dans les yeux de l’enfant si elle était ébranlée.

Elle en était parfois émue, mais on lui contait de trop abominables choses. Alors, elle disait de son air calme et raisonnable :

— C’est drôle, mon papa, ce bon Dieu qui serait si méchant ! Grand-mère, aujourd’hui, a prétendu que, si je manque une seule fois la messe, le diable me coupera les pieds en petits morceaux, pendant toute l’éternité… Ce ne serait pas juste. Et puis, vraiment, ça ne me paraît guère possible.

Il se rassurait un peu. Dans son scrupule de ne pas violenter cette intelligence naissante, il ne discutait pas directement les étranges leçons reçues chez ces dames, il se contentait d’un enseignement général, basé sur la raison, d’un continuel appel à la vérité, à la justice, à la bonté. Et ce qui le ravissait, chez sa fille, c’était cet éveil précoce du bon sens, ce besoin inné de la logique et de la certitude, qu’elle devait tenir de lui. Avec quelle joie, de la fillette encore fragile, en proie aux faiblesses, aux enfantillages de son âge, il voyait se dégager une femme d’esprit clair et solide, de cœur tendre ! Ses inquiétudes venaient de la crainte qu’on ne détruisît, les promesses de cette belle moisson future. Et il se calmait, les jours seulement où l’enfant l’étonnait par ses raisonnements de grande et sage personne déjà.

— Oh ! tu sais, continuait-elle, je suis très polie avec grand-mère. Je lui réponds que, si je ne vais pas à confesse et si je ne fais pas ma première communion, c’est que j’attends d’avoir vingt ans, comme tu me l’as demandé… Ça m’a l’air très raisonnable. Et, alors, je suis très forte, en ne sortant pas de là, parce que, n’est-ce pas ? quand on a raison, on est très fort.

Parfois, malgré son affection, sa déférence pour sa mère, elle s’égayait, plaisantait doucement.