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Page:Zola - Vérité.djvu/421

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— Tu te souviens, mon papa, maman m’avait dit : « Je t’expliquerai le catéchisme, moi. » Et j’avais répondu : « C’est ça, tu me feras répéter mes leçons, et tu sais, je ne mets aucune mauvaise volonté à comprendre. » Alors, comme je n’ai jamais compris rien de rien au catéchisme, maman a donc voulu me l’expliquer ; et le malheur, c’est que je continue à ne comprendre rien du tout… Ça me met dans un gros embarras. J’ai peur de lui faire de la peine, j’en suis réduite à feindre de saisir brusquement quelque chose. Mais je dois avoir l’air si bête, qu’elle finit toujours par interrompre la leçon d’un air fâché, en me traitant de sotte… L’autre jour encore, à propos du mystère de l’Incarnation, elle m’a répété qu’il ne s’agissait pas de comprendre, mais de croire ; et, comme j’ai eu le malheur de lui répondre que je ne pouvais pas croire, sans comprendre, elle m’a dit que c’était là une phrase de toi, mon papa, et que le diable nous prendrait tous les deux… Oh ! j’ai pleuré, j’ai pleuré !

Elle souriait pourtant, et elle ajouta plus bas :

— Le catéchisme, ça m’a plutôt détachée des idées de maman. Il y a là-dedans trop de choses qui me tourmentent… Maman a bien tort de vouloir me les entrer quand même dans la tête.

Son père l’aurait embrassée. Allait-il donc avoir la grande joie de trouver en sa fille une exception, un de ces petits cerveaux pondérés, mûris de bonne heure, dans lesquels la raison semble pousser comme dans une terre propice ? Les autres fillettes, à cet âge trouble de la puberté, sont si gamines encore, si agitées d’un frisson nouveau, toute une proie facile aux contes bleus, aux rêveries mystiques ! Et quelle chance rare, si la sienne échappait au sort commun de ses compagnes envahies, conquises par l’Église, grâce à l’heure louche où le prêtre s’emparait d’elles ! Grande et forte, très saine, elle venait de se former sans accident. Mais, si elle était déjà