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Page:Zola - Vérité.djvu/449

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sourdement : du bonheur à tous les siens, ah ! certes, ce serait du nouveau, car ni la grand-mère, ni la mère ne lui en avaient guère donné, à lui ; et, si Mlle Mazeline accomplissait un tel miracle, de faire d’une fille quelque chose de propre et d’utile, il l’irait dire à Mlle Rouzaire. Puis, agacé de voir sa femme rire, comme rajeunie, embellie par l’enfant, il la força de se remettre au travail, d’un mot si rude, qu’elle baissa la tête sur son ouvrage, les yeux gros de larmes.

Et, Marc s’étant levé, il revint à sa préoccupation :

— Alors, vous ne me conseillez rien, pour mon fainéant de Philippe… Par M. Salvan, qui est l’ami de M. Le Barazer, vous lui auriez peut-être une petite situation à la préfecture.

— En effet, on pourrait tenter cela. Je vous promets d’en parler à M. Salvan.

Dans la rue, la tête basse, la marche ralentie, Marc résuma le résultat de ses trois visites, faites ainsi coup sur coup, aux parents de ses anciens élèves. Sans doute, il avait trouvé Achille et Philippe, les fils de l’employé Savin, d’esprit plus mûri, plus libéré, que ceux du maçon Doloir, Auguste et Charles, qui, eux-mêmes, étaient dégagés de la basse crédulité de Fernand, le fils du paysan Bongard. Chez les Savin encore, il venait de constater l’aveugle entêtement du père, n’ayant rien appris, rien oublié, s’attardant dans la même ornière de stupide erreur ; tandis que les enfants à peine avaient évolué vers un peu plus de raison et de logique. Un léger pas était fait dont il devait se contenter. Mais quelle tristesse, à comparer son effort de quinze années bientôt au peu d’amélioration obtenu ! Un frisson le prit, devant tout ce qu’il faudrait d’obstiné travail, de dévouement, de foi, parmi l’humble monde des instituteurs primaires, avant de les voir réussir à changer les petits et les souffrants, abêtis, asservis, salis, en hommes conscients et