Page:Zola - Vérité.djvu/533

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il sembla disparaître avec David, dans la vallée lointaine, perdu au milieu des hautes cimes. On sut seulement grâce à un article de journal, que sa famille l’avait rejoint. Et dès lors, il s’effaça totalement, sa personne finit par tomber à l’oubli.

Le jour même où la famille Simon devait se trouver réunie, au désert, dans la paix d’une grande tendresse encore frissonnante, Marc, appelé par une lettre pressante de Salvan, se rendit près de ce dernier, à l’École normale. Et, dès leur poignée de main, ils en parlèrent, ils évoquèrent la scène si touchante et si douce, qui se passait très loin d’eux, au bout de la France.

— Ce doit être notre récompense à tous, dit Salvan. Si nous n’avons pu tirer immédiatement de l’affaire sa grande sanction sociale, nous aurons au moins fait ce bonheur, ce doux martyr aux bras de sa femme et de ses enfants.

— Oui, dit Marc, j’évoque cette scène, depuis ce matin. Je les vois paisibles, riants, sous le vaste ciel bleu. Et pour lui, le pauvre homme, si longtemps rivé à sa chaîne, quelle joie ce doit être de marcher librement, de respirer la fraîcheur des sources, l’odeur pure des plantes et des arbres ! Et pour eux, les chers petits et la chère femme, quelle chimère réalisée, le ravoir enfin, le promener comme un grand enfant qui sort de maladie, lui sourire, en le regardant renaître. Vous avez raison, c’est là notre unique récompense.

Il se tut, puis il ajouta plus bas, avec l’amertume secrète d’un combattant qui ne pouvait se consoler d’avoir vu son arme brisée en sa main :

— Notre rôle est bien fini… La grâce était sans doute inévitable, mais elle nous a enlevé toute notre force d’action… Il n’y a plus qu’à attendre la moisson du bon grain semé par nous, s’il veut bien lever un jour, dans le dur terrain auquel nous l’avons confié.

— Oh ! il lèvera,