Page:Zola - Vérité.djvu/539

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est frappé, on peut le suivre dans la disgrâce. L’avenir est à nous.

Quelques jours encore se passèrent. À Maillebois, la congrégation, profitant de sa victoire, s’occupait à monnayer la situation. Tout un vaste effort était tenté pour rendre à l’école des frères sa prospérité ancienne. C’était là le but, profiter de la honte infligée à l’école laïque, célébrer les vertus de l’école congréganiste, où ne poussaient que des fleurs de simplicité et d’innocence ; et plusieurs familles furent conquises, les frères allaient gagner à la rentrée, une dizaine d’élèves. Mais, chez les capucins, l’imagination et l’audace se montrèrent plus étonnantes encore. En somme, n’était-ce pas le glorieux saint Antoine de Padoue, qui avait tout conduit, tout obtenu de la bonté de Dieu ? Car le fait n’était pas niable, on devait à lui seul la recondamnation de Simon, grâce aux pièces de vingt sous et quarante sous que tant d’âmes pieuses avaient versées à son tronc, en lui demandant le définitif écrasement du juif. Il y avait là un nouveau miracle, jamais son pouvoir ne s’était si hautement affirmé, les offrandes se multipliaient, affluaient de toutes parts. Et le père Théodose, encouragé, illuminé, venait d’avoir une brusque idée de génie, pour tirer du saint une autre moisson de gros sous. Il lançait une stupéfiante affaire financière, il émettait des obligations hypothécaires de cinq francs sur le paradis. Des circulaires, des prospectus inondaient le pays, expliquant le fonctionnement ingénieux de cette mise en actions des béatitudes célestes. Chaque obligation était divisée en dix coupons de cinquante centimes, chacun à valoir sur le trésor des bonnes œuvres, prières et saintes messes, le tout payable ici-bas au comptant et remboursable au ciel, à la caisse du miraculeux saint Antoine. Des primes devaient en outre allécher les souscripteurs, vingt titres donnaient droit à une statuette coloriée du saint, et cent