Page:Zola - Vérité.djvu/596

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du côté de l’instituteur Mignot, à chaque querelle avec l’abbé Cognasse, entraînant le conseil municipal, menaçant de déserter l’église, si le curé continuait à les traiter en troupeau conquis. Jamais encore le Moreux, ce coin tranquille et perdu, où il n’y avait pas un pauvre, ne s’était ouvert si largement au souffle nouveau. Cela provenait beaucoup de la situation plus heureuse, plus digne, faite depuis quelques années aux instituteurs. Sans cesse, on se préoccupait d’eux, des lois amélioraient leur condition, les traitements les plus bas se trouvaient maintenant fixés à douze cents francs, sans retenue. Et l’effet ne se faisait pas attendre : si Férou, autrefois, était tombé dans le mépris des paysans, mal payé, loqueteux, minable, en regard de l’abbé Cognasse, engraissé par le casuel et les cadeaux, honoré et redouté, Mignot se relevait aujourd’hui, pouvant vivre dignement, grandi, mis en sa vraie place, la première. Tout un mouvement emportait le pays, dans la lutte séculaire entre l’Église et l’École, à se déclarer pour cette dernière, dont la victoire semblait désormais certaine.

— Oh ! continua Mignot, ils sont encore très ignorants, vous n’imaginez pas un tel trou d’engourdissement et de routine. Ils possèdent des terres, ils ont toujours mangé du pain, ils se laisseraient tondre volontiers comme jadis, dans la crainte des nouveautés et de l’inconnu de demain. Mais, tout de même, il y a déjà quelque chose de changé, et je le vois aux saluts qu’on m’adresse, au rôle de plus en plus prépondérant que joue l’école… Tenez ! ce matin, lorsque l’abbé Cognasse est venu dire sa messe, il a trouvé juste trois femmes et un gamin dans l’église ; et, en partant, il a fait claquer la porte de la sacristie, il a menacé de ne plus revenir. À quoi bon déranger pour rien le bon Dieu et lui-même ?

Marc s’était mis à rire.

— Oui, je sais, il recommence à se fâcher au Moreux.