Page:Zola - Vérité.djvu/599

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vos enfants, le peuple ne vaudra que ce que l’instituteur le fera, et l’instituteur ne peut valoir lui-même que ce que les Écoles normales l’auront fait.

Très ému, Salvan protestait, avec sa modeste bonhomie.

— Des hommes comme moi, mes enfants, mais il y en a partout, il y en aura partout, lorsqu’on leur permettra d’agir. Le Barazer m’a beaucoup aidé en me maintenant à mon poste, sans trop me garrotter. Ce que j’ai fait, Mauraisin lui-même est presque obligé de le faire, car l’évolution l’emporte, la besogne une fois commencée ne s’arrête plus. Et vous verrez le successeur de Mauraisin comme il enfantera des instituteurs encore plus libérés que ceux qui sont sortis de mes mains… Une chose qui me ravit et dont vous ne parlez pas, c’est que le recrutement des Écoles normales se fait beaucoup mieux aujourd’hui. Ma grosse inquiétude, jadis, était de voir la défiance, le mépris, où était tombée la situation d’instituteur, si mal payée et si peu honorée. Mais, depuis que les traitements sont augmentés, depuis qu’un véritable honneur s’attache aux plus humbles membres de l’enseignement, les candidats arrivent de toutes parts, on peut choisir et constituer un excellent personnel !… Et, si j’ai rendu quelques services, dites-vous bien que j’en trouve récompense au-delà de tout espoir, en voyant mon œuvre ainsi réalisée et continuée. Je ne veux plus être qu’un spectateur, j’applaudis à vos efforts, et je suis si heureux dans la calme retraite de ce jardin, où ma seule joie est de vivre oublié, excepté de vous autres, mes enfants.

Tous s’attendrirent, autour de la grande table de pierre, sous le berceau dont les roses embaumaient. Du beau jardin verdoyant, de la campagne entière, venait une sérénité infinie.

Chaque année, depuis la réinstallation de ses parents à Jonville, Louise venait passer les vacances près d’eux. Et au sortir de sa chère École normale de Fontenay, où