Page:Zola - Vérité.djvu/644

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fauve traqué, forcé par la faim. Sans doute, son ordre l’avait renvoyé de communauté en communauté, dans les plus pauvres et les plus obscures, jusqu’au jour où, jeté dehors comme trop compromettant, il avait quitté la robe, roulé par les chemins la tare du religieux défroqué. Alors, dans quels pays lointains s’était-il rendu, quelle vie de privations et de hasards avait-il menée, par quelles aventures inavouables et par quels vices immondes avait-il passé : c’était ce qu’on ne saurait jamais, ce qu’on lisait seulement un peu sous la peau tannée de son visage, au fond de ses yeux flambants de souffrance et de haine. Certainement, le plus clair de ses ressources avait dû longtemps lui venir de ses complices d’autrefois, qui achetaient son éloignement et son silence. Quand il avait écrit lettres sur lettres, quand il devenait menaçant, il recevait de petites sommes, il pouvait traîner quelques mois encore sa vie d’épave rejetée par tous. Puis, un temps était venu où il n’avait plus reçu de réponse ; ses lettres, ses menaces restaient sans effet aucun ; ses anciens supérieurs s’étaient lassés de ses exigences voraces, peut-être aussi pensaient-ils qu’il n’était plus dangereux, après tant d’années écoulées. Et, en effet, il avait eu l’intelligence de comprendre que des aveux de sa part n’offriraient plus contre eux rien de bien grave, et que ces aveux, d’ailleurs, lui feraient perdre sa dernière chance de leur tirer quelque argent. Mais il s’était décidé à venir rôder autour de Maillebois, connaissant son Code, se sachant couvert par la prescription. Depuis de longs mois, il vivait donc là, dans l’ombre, des pièces de cent sous arrachées à la peur des accusateurs de Simon, qui tremblaient toujours de leur affreux triomphe de Rozan. Il était leur remords, leur châtiment, se dressant à leur porte, les avertissant de l’infamie certaine dont ils seraient frappés. Et il devait commencer de nouveau à les lasser de cette persécution à domicile, car il débordait de