Page:Zola - Vérité.djvu/661

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la séparation totale de l’Église et de l’État, et les millions jadis donnés aux prêtres pour qu’ils entretinssent dans le peuple l’abêtissement séculaire du troupeau à tondre et la haine destructive de la République, allaient recevoir un meilleur emploi, en servant à doubler les traitements des instituteurs primaires. D’un coup, la situation changeait, l’instituteur n’était plus le pauvre hère, le valet mal payé, méprisé des paysans, devant le curé mieux tenté, engraissé par son casuel et les cadeaux des dévots. Ce dernier cessait d’être le fonctionnaire, émargeant au budget, soutenu à la fois par le préfet et l’évêque ; et, du coup, toute la considération des campagnes s’en allait de lui, il n’inspirait plus aux terriens ni respect ni peur, il n’était plus qu’un sacristain de hasard, à la charge des derniers fidèles qui voulaient bien, de loin en loin, lui payer encore une messe. Les églises devenaient, comme les théâtres, des lieux de spectacles publics, des entreprises simplement commerciales, entretenues par les spectateurs payants, les derniers amateurs des cérémonies qu’on y représentait. Il était hors de doute que beaucoup seraient forcées de fermer leurs portes, quelques-unes faisaient de mauvaises affaires, menacées de faillite prochaine. Et rien ne fut plus typique que le cas où se trouva le terrible abbé Cognasse, dont les emportements avaient longtemps désolé le Moreux et Jonville. Ses nombreux procès restaient célèbres, il ne comptait plus les amendes pour oreilles de gamin à demi arrachées, coups de pied allongés dans les jambes des femmes, coups de pierres tombant en grêle du mur de son presbytère sur les passants qui ne faisaient pas le signe de la croix. Cependant, il durait, même au milieu du tracas des assignations, parce qu’il était comme inamovible, faisant partie de la chose publique, exerçant une fonction rétribuée et gouvernementale. Puis, tout d’un coup, lorsqu’il représenta simplement une opinion, une croyance,