Page:Zola - Vérité.djvu/664

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et comme morte depuis longtemps déjà, après le collège de Valmarie, dont les vastes bâtiments et le parc magnifique seraient prochainement mis en vente, on verrait bientôt disparaître les dernières communautés, leurs maisons enseignantes, leurs usines, leurs fabriques de toute espèce, leurs domaines princiers, ces milliards acquis sur l’imbécillité humaine et dépensés pour maintenir le troupeau humain dans l’obscur servage, sous le couteau de l’égorgeur.

Pourtant, à Maillebois, près de l’école des frères, morne, avec ses volets clos sur les salles abandonnées, où les araignées tissaient leurs toiles, la communauté des capucins desservait toujours la chapelle consacrée à saint Antoine, dont la statue, peinte et dorée, restait debout. Très âgé, le père Théodose y était un des rares survivants de l’époque héroïque, lorsque, le saint faisait de grosses recettes, à coups de miracles. Mais, vainement, son imagination fertile de financier génial inventait encore d’extraordinaires combinaisons, mettant Dieu à la portée des plus petites bourses, le zèle était mort, de très rares dévotes venaient à peine déposer quelques pièces de dix sous, dans les troncs mangés de poussière. Le bruit courait que le saint avait perdu son pouvoir. Il ne retrouvait même plus les objets égarés. Une vieille femme monta sur une chaise, le souffleta un jour, parce qu’au lieu de guérir l’une de ses deux chèvres malade, il avait aussi laissé mourir l’autre. C’était, au milieu d’une indifférence moqueuse, la fin d’une des plus basses superstitions, grâce au bon sens public, enfin réveillé par un peu de juste connaissance. Et, à la paroisse, dans la très vieille et très vénérable église Saint-Martin, le curé Coquard, subissant la même aventure que le curé Cognasse, à Jonville, se sentait de plus en plus abandonné, menacé d’officier bientôt au milieu du désert et des ténèbres d’une nécropole. Lui, rigide, triste et muet, ne