Page:Zola - Vérité.djvu/665

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péchait point par la violence, semblait plutôt porter la religion en terre, d’un air de sombre entêtement, sans rien concéder aux impies du siècle. Il s’était surtout réfugié dans le culte du Sacré-Cœur, il avait pavoisé son église de tous les drapeaux nationaux dont ne voulaient plus les communes voisines, de grands drapeaux bleu, blanc, rouge, avec d’énormes cœurs saignants, brodés en or et en soies vives. En outre, tout un autel ruisselait d’autres cœurs, en orfèvrerie, en porcelaine, en étoffe bourrée de son, en cuir gaufré, en carton peint, des cœurs de toutes les dimensions, arrachés des poitrines, chauds et palpitants encore, comme fendus en deux d’un coup de couteau, montrant les fibres de la chair, pleurant des larmes de sang, un véritable étal de boucherie où ces lambeaux de supplicié achevaient de souffrir et de mourir. Mais cette seconde incarnation de Jésus, si grossière, ne touchait plus les foules, qui avaient compris qu’un peuple, frappé de désastres, se relève par le travail, par la raison, et non par la pénitence, aux pieds de monstrueuses idoles. À mesure que les religions vieillissent, tombent à des idolâtries plus charnelles et plus basses, elles semblent se pourrir elles-mêmes, se désagréger en une moisissure dernière. Et, surtout, si l’Église catholique agonisait ainsi, c’était, selon le mot de l’abbé Quandieu, qu’elle avait voulu son propre suicide, le jour où elle s’était rangée du côté de l’iniquité et du mensonge, elle qui se disait la Maison du Dieu de toute justice et d’éternelle. Comment n’avait-elle pas prévu, en se mettant avec les menteurs et les faussaires, qu’elle consentait à disparaître avec eux, dans la honte de leur infamie, le jour inévitable où l’innocent et le juste triompherait sous l’éclatant soleil ? Elle n’avait plus pour maître véritable le Jésus d’innocence, de douceur et de charité, si ouvertement renié, chassé de son temple ; elle n’y gardait que ce cœur matériel, ce fétiche barbare, ramassé