Page:Zola - Vérité.djvu/666

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un soir de bataille, parmi les membres épars de son Dieu mourant, dans l’espérance d’agir encore sur les nerfs malades des pauvres d’esprit. L’abbé Quandieu, chargé d’ans et d’amertume, venait de s’éteindre dans la solitude, en répétant : « Ils ont recondamné et crucifié une seconde fois Jésus, l’Église en mourra. » Et l’Église en mourait.

D’ailleurs, elle ne s’en allait pas seule, c’étaient aussi les classes aristocratiques et bourgeoises, sur lesquelles elle avait tenté vainement de s’appuyer, qui s’effondraient et l’entraînaient avec elles. Toute l’antique force nobiliaire, militaire, même tous les pouvoirs d’argent, tombaient en poudre, se dévorant entre eux, frappés de folie impuissante, depuis que le travail réorganisé répartissait justement la richesse nationale. Et il s’était passé, à la Désirade, des faits caractéristiques qui montraient dans quelle misère finale disparaissaient ces riches et ces puissants, dont les mains débiles voyaient glisser entre leurs doigts les millions, comme de l’eau clair. D’abord, Hector de Sanglebœuf y perdit son siège à la Chambre, quand le corps électoral, éclairé et moralisé par l’école, se débarrassa des candidats réactionnaires, d’opinions violentes. Mais le grand malheur pour les châtelains de la Désirade fut la mort de la marquise de Boise, cette femme exquise, intelligente et accommodante, qui, pendant si longtemps avait fait régner une paix prospère dans le ménage, en restant la vieille maîtresse du mari, en devenant l’amie tendre de la femme. Dès qu’elle ne fut plus là, Sanglebœuf, stupide et vaniteux, se dérangea gravement, perdit au jeu des sommes considérables, se laissa tomber aux amours crapuleuses, si bien qu’un jour on le rapporta en morceaux, roué de coups ; et il en mourut trois jours plus tard, sans qu’on osât déposer une plainte, dans la crainte de trop de boue pour sa mémoire. Sa femme, la belle et indolente Lia d’autrefois, la Marie pieuse