Page:Zola - Vérité.djvu/682

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elle aussi appelée à Beaumont, à l’ancienne direction de Mlle Rouzaire. Et leur aîné, Edmond, entré au lycée, y faisait de très remarquables études.

Adrien se mit à plaisanter, en l’embrassant, heureux de la voir se montrer charmante pour son ancien maître.

— Grand-mère, c’est très bien, te voilà avec monsieur Froment… Et, tu ne sais pas ? nous te choisissons, ce sera toi, le jour où Simon reviendra, qui iras lui offrir un bouquet à la gare.

Mais elle redevint grave et méfiante.

— Ah ! ça, non, bien sûr ! Je n’ai pas envie de me mettre dans la peine. Vous êtes tous des fous avec vos idées nouvelles.

On prit congé, au milieu des rires, et Adrien emmena Marc, pour le conduire enfin chez le maire, Léon Savin. La ferme des Amettes, que celui-ci dirigeait, occupait plus de cinquante hectares, à la sortie de Maillebois, au bout du quartier neuf. Après la mort de sa mère, il y avait recueilli son père, l’ancien petit employé, âgé de soixante et onze ans ; et, de ses deux aînés, Achille et Philippe, les jumeaux, le second était mort, le premier, employé lui aussi, frappé un jour de paralysie en plein bureau, se trouvait dans un tel état de santé, sans un sou, qu’il avait dû lui faire également une petite place à son foyer. D’ailleurs, Marc, par le mariage de son fils Clément avec Charlotte, la fille d’Hortense Savin, la sœur des trois frères, morte depuis longtemps, était allié à cette famille. Mais le mariage s’était conclu contre son gré, de sorte que, tout en laissant Clément agir selon son cœur, il avait préféré se tenir à l’écart. Il était d’esprit trop large pour faire à Charlotte un crime des légèretés de sa mère, séduite à seize ans, mariée ensuite, puis disparue, enterrée au loin. Il n’en nourrissait pas moins certaines préventions, et il lui avait fallu violenter ses sentiments intimes, lorsque Adrien, dans leur désir commun