« Il faut laisser maisons et vergers et jardins »
Apparence
« Il faut laisser maisons et vergers et jardins »
VI
Il faut laisser maisons et vergers et jardins,
Vaisselles et vaisseaux que l’artisan burine,
Et chanter son obseque en la façon du Cygne,
Qui chante son trespas sur les bors Maeandrins.
C’est fait, j’ay devidé le cours de mes destins,
J’ay vescu, j’ay rendu mon nom assez insigne :
Ma plume vole au Ciel pour estre quelque signe
Loin des appas mondains qui trompent les plus fins.
Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne
En rien comme il estoit, plus heureux qui sejourne
D’homme fait nouvel Ange aupres de Jesus Christ,
Laissant pourrir çà bas sa despoûille de boue,
Dont le sort, la fortune, et le destin se joue,
Franc des liens du corps pour n’estre qu’un esprit.
[Œuvres, éd. 1587, t. I, p. 525 Sonnets pour Helene, liv. II, lxxvi.]