« J’ai longtemps voyagé, courant toujours fortune »

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LVIII


J’ai long-tans voyagé, courant tousjours fortune
Sus une mer de pleurs, à l’abandon des flots
De mille ardans soupirs et de mille sanglots,
Demeurant quinze mois sans voir soleil ny lune.


Je réclamois en vain la faveur de Neptune
Et des astres jumeaux, sourds à tous mes propos,
Car les vents depitez, combatans sans repos,
Avoient juré ma mort sans esperance aucune.

Mon desir trop ardant, que jeunesse abusoit,
Sans voile et sans timon la barque conduisoit,
Qui vaguoit incertaine au vouloir de l’orage.

Mais durant ce danger un écueil je trouvay,
Qui brisa ma nacelle, et moy je me sauvay,
A force de nager évitant le naufrage.