À Horace (Guaita)

La bibliothèque libre.

Rosa MysticaAlphonse Lemerre, éditeur (p. 149-151).


À Horace


Rimeur d’odelettes sublimes
Avant Ronsard !
Adepte badin du grand art,
Ils sont d’or les vers que tu limes !

Si nous t’avons tous blasphémé,
Illustre maître,
Avant de t’avoir pu connaître
Et, partant, de t’avoir aimé,


Nous implorons de ta clémence
Notre pardon :
Qui n’a pas mordu le chardon
À son quart d’heure de démence ?

Nous t’avons maudit bien souvent,
Ô mon Horace !
Tes plus beaux vers portent la trace
De notre courroux — au couvent :

Quand — titre à tes odes lutines —
Nous inscrivions :
« Pensum », crois-tu que nous buvions
L’hydromel des muses latines ?…

Dans le noir collège odieux
On nous enseigne,
— Si qu’à l’avouer mon cœur saigne —
La haine et le mépris des dieux.


Mais les dieux, exempts de rancune,
Versent encor
Sur les ingrats vos rayons d’or,
Poésie — ou Soleil — ou Lune !

Phœbus a vidé son carquois ;
Il nous pardonne,
Et notre faible esprit s’étonne
De ses audaces d’autrefois ;

Reniant notre ire première,
Nous pâlissons
D’avoir été des polissons…
Et nous acclamons la lumière !


Avril 1883.