À bas la calotte/Mais châtrez-les donc !

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Bibliothèque anti-cléricale (p. 39-42).

MAIS CHÂTREZ-LES DONC !


Encore un de la clique noire qui fait parler de lui ! Encore un de ces cochons ensoutanés qui vient de salir un enfant !

Cette fois, le misérable est un évêque, et l’enfant est une petite fille de treize ans.

On a arrêté le sale prêtre ; tous les journaux honnêtes vouent à l’exécration publique le nom de ce prélat lubrique qui se faisait appeler Monseigneur Maret, et c’est à qui plaindra la pauvre fillette que l’infâme a non-seulement déshonorée, mais encore, paraît-il, pourrie.

Et c’est là tout ce que l’on sait faire !

Depuis quelque temps il ne se passe pas une semaine sans que l’on apprenne un nouveau scandale clérical, quand ce ne sont pas plusieurs qui éclatent à la fois. On jette les hauts cris. Le parquet met en prison le coupable, lorsque celui-ci n’a pas été religieusement averti ; on le condamne plus ou moins ; les feuilles républicaines s’indignent, fulminent, publient le procès pour l’édification des mères de famille ; et puis… tout le monde s’occupe d’autre chose, en attendant que ça recommence, et c’est toujours la même chanson, toujours la même histoire, toujours la même comédie !

Ah çà ! est-ce qu’il ne serait pas temps de prendre une mesure énergique à l’égard de tous ces gaillards, de tous ces polissons dont les ignobles exploits soulèvent de dégoût le cœur même des habitués de cours d’assises ? Est-ce que, au lieu de fulminer et de s’indigner, il ne vaudrait pas mieux entreprendre une campagne dans le but d’amener un résultat sérieux ?

Quoi ! nos enfants sont chaque jour exposés à être souillés par des êtres plus vils que les brutes les plus infectes, et, quand un malheur arrive, on se contente de serrer les poings, de livrer à la justice le scélérat ! Et la société, notre société du dix-neuvième siècle, punissant seulement le forfait accompli, ne songe pas à en prévenir de nouveaux !

Quand comprendra-t-on qu’il n’y a qu’un seul remède, qu’un seul préservatif contre ces écœurantes explosions de libertinage et d’obscénité : — couper le mal dans sa racine ?

Raisonnons un peu.

Voici des gens, des hommes comme les autres hommes, qui viennent à nous, se rasent une partie du crâne, s’affublent d’une robe de couleur sombre, et nous disent : — « Maris, vous pouvez sans crainte nous introduire auprès de vos femmes ; pères, vous pouvez sans danger nous confier vos filles. Qu’avez-vous à redouter de nous ? Nous avons, sur les autels, prêté serment de chasteté. »

Donc, ces gens-là, parce qu’ils ont juré une chose impossible, doivent être crus sur parole ?

Quand un banquier quelconque prend un caissier, est-ce qu’il lui demande : — « Avez-vous fait vœu de probité ? » — Non, il exige de lui une garantie ; il lui fait verser un cautionnement répondant des sommes qu’il va lui confier.

Pourquoi la société, puisqu’elle tolère dans son sein des individus qui en définitive la déshonorent, pourquoi ne prend-elle pas vis-à-vis de ces individus des précautions matérielles ? Pourquoi, lorsqu’elle leur confie une école ou une paroisse, ne leur fait-elle pas à la porte déposer — ce que j’appellerai un cautionnement ?

Voyons ! l’être qui se couvre du manteau de la religion pour mieux accomplir ses turpitudes, le misérable qui invoque un serment de chasteté afin de séduire plus facilement les jeunes filles ingénues, cet être-là, ce misérable-là croit-il une seule minute à l’engagement solennel qu’il prend ?

Sous prétexte que dans le troupeau noir toutes les brebis ne sont pas galeuses, on ne se munit d’aucun préservatif contre la gale. On attend avec une stupide patience que les Messeigneurs Maret se démasquent et que la syphilis se soit déclarée chez les fillettes de treize ans. Alors, on dit : — « Nous connaissons maintenant une brebis galeuse de plus. »

Eh bien ! c’est du propre ! c’est cela qui fait honneur à notre civilisation !

Sous ce rapport-là, ma foi, je trouve les Turcs plus avancés que nous. Eux, au moins, ils ne confient leurs femmes et leurs filles qu’à des hommes dont ils sont matériellement sûrs.

Pourquoi ne prendrions-nous pas les mêmes précautions ?

Vous voulez être prêtre, pouvoir seul à seul causer dans les sacristies avec les personnes du beau sexe ? — Très-bien. Donnez-nous les arrhes de votre virginité.

Ah ! si la castration devenait obligatoire pour quiconque prétend jusqu’à la fin de ses jours rester pieusement célibataire, combien peu nombreux seraient les endosseurs de soutane ! Je vous garantis que le vin blanc de la messe n’aurait pas beaucoup d’amateurs et que le confessionnal serait souvent désert.

Et cependant, si, par mesure de moralité et d’hygiène, on imposait aux ecclésiastiques cette opération chirurgicale, auraient-ils le droit de protester ?

— Soyons logiques. Si Monseigneur Maret, en entrant dans les ordres, avait été diminué à la façon d’Abeilard et d’Origène, il ne serait pas aujourd’hui en prison et sur le point de passer en cour d’assises. Au lieu d’être le coq du village, il n’en eût été que le chapon ; situation moins agréable peut-être, mais plus avantageuse quant à ses conséquences finales.

Conclusion :

Le mieux, à la vérité, serait de purger complètement la société de ce monde-là.

Mais si, suivant le système de la République progressiste, selon les lenteurs de la politique de l’au fur et à mesure, nous devons, pendant encore quelques années, garder chez nous la clique noire, du moins mettons-la dans l’impossibilité de nuire physiquement, en attendant qu’elle n’ait plus aucune action intellectuelle ou morale.

Vous ne voulez pas nous débarrasser tout d’un coup de ces gens-là ? — Soit. — Mais alors, châtrez-les donc !