À bout portant/Cri du coeur !

La bibliothèque libre.
Éditions du Devoir (p. 57-58).

Cri du Cœur !

En ce siècle où la réclame est le nerf du commerce, croiriez-vous qu’il est des marchands qui la fuient ?

Cela pourtant est l’exacte vérité ; l’histoire, que l’on vient de me narrer, le prouve.

Le héros est un Juif de la rue Craig. Je ne le nommerai point, puisqu’il abhorre l’annonce et, ensuite, parce que vous ne fréquentez point sa boutique.

Or donc, un certain jour, un agent d’une fabrique de timbres de caoutchouc se présente chez ce Salomon quelconque. Le Juif, flairant un client possible, s’avance avec des airs de félin prêt à dévorer sa victime. La bouche en cœur il demande :

You want to buy ?

Le Juif parle — si on peut dire — de préférence la langue de Shakespeare, malgré « Le Marchand de Venise ».

L’agent répond non. Tout de suite, le fils d’Israël change de masque et s’écrie, en levant les mains à la hauteur de ses oreilles :

I don’t want nothing !

L’homme aux timbres de caoutchouc ne se tient pas pour battu ; il commence à vanter sa marchandise.

Il en démontre l’utilité.

— Tenez, dit-il avec ces timbres vous pouvez, à peu de frais, avec un tampon encreur, imprimer votre nom et votre adresse sur les paquets, lorsque vous faites une vente.

Vat’s the use, anyway ?

— Vos clients retiennent votre adresse et reviennent faire des achats.

Get out ! Ven a customer buys here, I want him to forget the place. (authentique).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .