En 1915
J’ai trouvé dans des vieux papiers, datant
des débuts du vingtième siècle, de l’an
mil neuf cent quinze (1915) exactement, un
journal dont la lecture m’a bien égayé.
C’est une preuve de plus que les peuples
de cette époque avaient conservé, sous leur
prétendu vernis de civilisation, les mœurs
sauvages de leurs ancêtres des temps primitifs.
Si l’on examine l’histoire, on voit que
vers 1912 une grève de houilleurs bouleversa
le monde. Le charbon — j’explique
ici pour les jeunes lecteurs que le charbon
était un combustible noir dégageant un gaz
nauséabond (on peut en voir un morceau
admirablement bien conservé au Musée de
Ramezay) — le charbon, dis-je, devint un
article très rare et suivant la mentalité
anti-sociale d’alors, tout le monde voulut
en avoir ; résultat : le charbon devint un
article de grand luxe. J’en trouve la preuve
dans le journal de 1915 et je reproduis
textuellement :
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CARNET MONDAIN.
Grande réception hier chez la duchesse du Vieuxcastel. L’hôtesse portait pour la première fois la belle rivière en anthracite que tous ont admirée chez les bijoutiers Cohen & Rosembloom.
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TESTAMENT.
On a ouvert hier, le testament de feu Eustache Sucrauplâtre, le sympathique et richissime épicier mort récemment. La fortune du défunt se trouve répartie ainsi : À sa famille : trois tonnes de charbon ; à diverses institutions : l’intérêt d’une tonne d’anthracite ; à son neveu, Fêtard : trois onces de coke, etc., etc.
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MALADIE À LA MODE.
L’appendicite a vécu. Hier le Prince de Galles s’est fait traiter pour le charbon. Le charbon sera, prévoit-on dans les cercles médicaux, la maladie à la mode cette année.
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EXÉCUTION DE MARTIN.
Le shérif Lepire n’ayant pas réussi à trouver un exécuteur des hautes œuvres, a opéré lui-même ce matin, en pendant le bandit Martin. Martin, on s’en souvient, détourna du trésor municipal un plein tombereau de cendres.
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