À bout portant/Galanterie policière

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Éditions du Devoir (p. 15-16).

Galanterie Policière


La galanterie comme l’amour n’est point sujet qui prête à badinage.

Deux agents de police, qui avaient probablement oublié leur Musset, viennent d’attraper, pour leur manque de mémoire, un savon conditionné de la part de leur chef.

L’aventure est toute récente.

Les deux Pandores, l’autre soir, entrant chez eux, prirent le tramway — les agents ne passent pas une journée sans prendre quelque chose. — C’était à l’heure où dans le véhicule « payez en entrant » les passagers prennent le nom de sardines. Les deux subalternes de M. Campeau avaient malgré la foule, on ne sait par quel hasard, réussi à s’installer commodément chacun sur un siège.

Pour leur malheur, comme dans la fable, deux poules survinrent, pardon : deux femmes, et allèrent se placer en face d’eux. Les policiers, même devant un cambrioleur n’auraient pas été plus impassibles ; ils ne bougèrent d’un pouce, et les deux dames restèrent debout.

Le lendemain, — comment expliquer ce miracle, puisque les femmes ne sont pas bavardes, — le chef Campeau apprenait la conduite peu galante de ses deux hommes.

Sur l’heure, il fit traduire les coupables devant lui, et après leur avoir lu une ou deux pages d’un traité de politesse, les condamna à quinze heures de travail supplémentaire. (authentique).

À dater de ce jour, la police devint un corps d’élite ; à côté d’elle, le Vert-galant eût été un grossier personnage.

Mais comme dit l’Anglais : Too much of a good thing, is good for nothing.

Peu de jours plus tard un autre agent était encore amené devant le chef.

— On me rapporte que vous vous êtes conduit comme un polisson.

— Ben, j’va vous dire, chef. J’étais dans les chars, y étaient ben paquetés ; quand tout à coup, une criature se plante devant moé. J’étais pas capable de grouiller pour y donner ma place, quand j’ai vu ça, comme j’connais la discipline, j’y ai offert de s’asseoir su mes genoux…