À bout portant/Le policeman
Le Policeman
Il serait le meilleur ami de l’homme, s’il en avait le flair ; on l’appelle tout de même limier.
C’est probablement pour cela qu’une chanson populaire dit qu’il rend les chiens heureux.
Mais par contre, il déteste le cambrioleur et fuit sa compagnie.
Conscient de son utilité publique, il évite les rixes : un coup est si vite attrapé.
Les ruelles ont été faites pour lui servir de refuge.
Des gens malveillants disent qu’il n’a pas inventé la poudre ; erreur : il est le père de celle d’escampette.
S’il voit un homme les mains couvertes de sang, tout de suite, sa perspicacité lui fait dire : Cet homme a les mains ensanglantées.
Il s’illustre en illustrant les journaux illustrés. Dans ces feuilles il est brave téméraire, intrépide, fougueux, voire chevaleresque — s’il est dans ta police montée — mais il ne l’est nulle part ailleurs.
Il est tellement modeste qu’il n’entre dans les buvettes que par la porte dérobée.
Il brille dans toutes les réceptions municipales de l’éclat de ses boutons jaunes.
Il bat la semelle sur le pavé et les pochards sur la nuque. Il connaît cependant les égards dûs à un échevin en goguette.
Peu fier, il tutoie tout le monde, excepté le recorder qu’il appelle : À votre honneur !
Les étudiants, qui n’ont pas la bosse du génie, ont au moins celle qu’a fait pousser son bâton.
C’est le cicérone des Don Juan ou le Bottin des dames galantes.
Toujours content, hiver, été, automne, printemps, sans cesse il fredonne : « Le temps est beau pour la saison. »
Les servantes et les cuisinières assurent qu’il est beau comme un astre, Phœbé, probablement, puisque l’on dit la rousse.
Ce charme l’amène à connaître la qualité de vos cigares et de vos vins.
Son gros ventre étant vide de reconnaissance, il arrête vos enfants s’il glissent dans la rue.
Echappé d’une boîte antique, il a reçu le nom de Pandore.
Ailleurs il est policier, sergent de ville, gardien de la paix ; ici, pays du beau parler frança, il est policeman.