À genoux/L’éternel Foyer

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Alphonse Lemerre (p. 228-229).

X

L’ÉTERNEL FOYER


C’est l’usage que, dans les plus pauvres chaumières,
L’hiver, après le jour, quand toutes les lumières
Sont éteintes et qu’on n’entend plus aucun bruit,
La famille s’assemble autour du feu qui luit ;
Et les mères, et les enfants, et les aïeules
Contentes d’avoir chaud et de n’être plus seules,
Entourent le foyer en présentant leurs mains !
Et c’est l’usage aussi, lorsque sur les chemins
Quelque mendiant passe, au froid, au vent qui lutte,
À la soif, à la faim, aux ténèbres en butte,

Pauvre et meurtri comme un oiseau pris par la mer,
De l’amener devant le feu joyeux et clair,
Et de le faire asseoir parmi les jeunes filles,
Encore qu’il soit tout tremblant sous ses guenilles,
Car pour avoir sa place au foyer généreux
Il suffit d’être bon et d’être malheureux.

Plus tard, après les durs labeurs, après les peines,
Après l’exil, après le froid, nos âmes pleines
D’amour s’élèveront vers les deux infinis ;
Et nous nous trouverons ensemble réunis
Devant le clair foyer que le ciel nous assure.
Mais ceux qui n’auront pas gardé leur âme pure
Ne seront point admis au séjour des élus,
Et dans les soirs d’hiver on ne les verra plus
Venir comme autrefois chauffer leurs mains tremblantes,
À côté des enfants aux prunelles brillantes
Et des vierges chantant et causant tour à tour,
À l’éternel foyer du rêve et de l’amour.