À genoux/Le Survivant

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Alphonse Lemerre (p. 138-139).
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XXVI

LE SURVIVANT


 
Le matin, après la tumultueuse orgie,
Quand la prunelle éteinte et la lèvre rougie
Je rentre dans mon cher réceptacle d’amours,
La Bien Aimée arrive en robe de velours,
Marchant avec un bruit rhythmique et monotone,
Comme elle m’apparut ce dernier soir d’automne
Dans une impérissable illusion ! Alors,
Se rouvrent lentement mes yeux dans le remords
De survivre à tant d’âme éteinte et dans la honte
De descendre toujours quand l’amour toujours monte.

Et je me revois seul comme aux jours écoulés,
À cause de mes vieux rêves qui sont allés
Retrouver les joyeux astres dans la nuit brune
Et dormir avec eux sous la divine lune.
Je vois encor monter sur moi pleines d’ennuis
Mes nouvelles amours et mes nouvelles nuits,
Pleines d’enchantements vagues et de chimères,
Puis les femmes dont les lèvres m’étaient amères
Alors, et qu’aujourd’hui j’aime jusqu’à mourir.
Cependant que je vois lentement se rouvrir,
Cloué comme un fanal au-dessus de ma porte,
Le regard de la Bien Aimée aujourd’hui morte.