À genoux/Les lendemains

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Alphonse Lemerre (p. 186-187).

XIII

LES LENDEMAINS


 
Oh ! que de vers sur sa table j’ai composés
Le matin, après les magnifiques baisers
De la nuit ! Que de vers encor tout pleins de fièvres,
Encor tout imprégnés de l’odeur de ses lèvres,
Débordants de couleurs, de parfums et d’accords,
Rhythmiques comme les reflux de son grand corps,
Et si beaux qu’aujourd’hui, portant sa dure chaîne,
Mon cœur désenchanté les reconnaît à peine !
Le lit était auprès de la table, et j’avais
Sous mes yeux son chevet, le plus doux des chevets,

Sur qui tombait sa lourde et chaude chevelure !
Par moments je sentais passer une brûlure
Sur mes lèvres ; c’était le souvenir distinct
D’un baiser de la nuit qui n’était pas éteint
Et qui m’enveloppait comme d’immenses vagues.
Et j’écrivais longtemps, tandis que de lents, vagues
Et suprêmes reflets descendaient de ses yeux
Et langoureusement rampaient sur les soyeux
Tapis, sur les fleurs d’or des murs et sur les sièges,
Comme de blancs rayons de lune sur les neiges.