À l’heure des mains jointes (1906)/Viens, Déesse de Kupros
VIENS, DÉESSE DE KUPROS…
Mon orgueil n’a connu que le blâme et l’affront,
Et l’impossible gloire au loin rit et chatoie…
Puisque le noir laurier ne ceindra point mon front,
Remplis la coupe d’or et verse-moi la joie !
Je me couronnerai de pampre, vers le soir.
Grâce au vin bienfaisant qui chante dans les moelles,
Je me verrai marcher vers l’azur et m’asseoir
Parmi les Dieux, devant le festin des étoiles.
Verse le vin de Chypre et le vin de Lesbos,
Dont la chaude langueur sourit et s’insinue,
Et, l’heure étant sacrée au roux Dionysos,
Prends le thyrse odorant et danse, ardente et nue.
Je bois l’été, le chant des cigales, les fruits,
Les fleurs et le soleil dans le creux de l’amphore ;
Car la nuit du festin est brève entre les nuits
Et le pampre divin se flétrit dès l’aurore.