À la surface des choses/L’énergie/Masse de l’énergie

La bibliothèque libre.

MASSE DE L’ÉNERGIE


46. Réalité de l’énergie. — Malgré ce qu’a de séduisant la conception de l’énergie indestructible, on pouvait soutenir encore il y a peu d’années que cette conception n’apporte rien qui ne soit contenu dans le Principe d’Équivalence. On ne le peut plus depuis qu’Einstein a montré que la masse d’un système matériel varie proportionnellement à son énergie interne, ce qui du même coup assigne une limite supérieure à l’énergie que peut perdre ce système matériel. Résultat capital, que nous allons obtenir par un raisonnement ultérieur plus simple dû à Paul Langevin.

47. Équations de Langevin. — La forme que je viens de donner au Principe d’Équivalence, et la définition qui en résulte pour l’Énergie, antérieures à la théorie de la Relativité, ont résisté aux remaniements que cette théorie a imposés en Énergétique. Et Paul Langevin a prouvé, par la belle démonstration qu’on va lire[1] que à la condition d’appliquer en « Relativité » le Principe d’équivalence ainsi compris, on peut établir l’Inertie de l’Énergie et calculer cette inertie.

Nous considérerons le changement défini par l’arrêt, relativement à un référentiel stellaire, d’un mobile d’abord animé de la vitesse dans ce référentiel, étant admis que rien d’intrinsèque ne s’est passé dans le mobile, en sorte que des observateurs liés à ce mobile lui trouvent exactement les mêmes propriétés, soit quand il est animé de la vitesse soit quand il est arrêté.

Nous avons déjà établi au moins en première approximation et nous regardons comme rigoureusement exact, que la direction de la vitesse n’intervient pas dans la valeur du changement « arrêt » (isotropie de tout référentiel de Galilée). Ce changement, ou énergie cinétique , sera donc mesuré par un nombre de la forme , la fonction devant être la même pour tous les référentiels stellaires ou référentiels de Galilée, puisque la Physique y est la même (Principe de Relativité). Toutes les observations d’effets produits par des arrêts de projectiles concordent pour suggérer que cette fonction est continue et a une dérivée ; nous l’admettrons.

Nous allons réussir à déterminer cette fonction en considérant deux processus différents d’arrêt du mobile.

Soient deux référentiels stellaires , , (« wagons ») animés, par rapport à un troisième (« voie »), de vitesses égales et contraires et . Nous imaginerons un couple de mobiles identiques , animés par rapport au « wagon » de vitesses égales et contraires et et un couple identique , par rapport au « wagon » .

Nous supposerons d’abord (I) que et sont perpendiculaires à la direction de glissement de ou sur . Alors, par raison de symétrie, les vitesses de , et , relativement à la « voie » auront même valeur absolue (fig. 11, I).

Puis nous supposerons (II) que et sont parallèles à la direction de glissement des « wagons » sur la « voie ». Si alors, par rapport à cette « voie », la vitesse de est celle de est (conditions symétriques) et si celle de est celle de est (fig. 11, I).

Discutons d’abord le cas (I). Nous pouvons arrêter simultanément les quatre mobiles par rapport à la « voie ». Par exemple au moyen de cordons qui leur feront simultanément actionner les palettes d’un calorimètre de Joule en repos relativement à la « voie » et qui, par raison de symétrie, ne recevra aucune impulsion ; le changement produit dans ce calorimètre, changement qui paie le quadruple arrêt, sera .

— Mais nous pouvons aussi arrêter nos mobiles , , par rapport au « wagon » et nos mobiles par rapport au « wagon »

Fig. 11.


puis alors seulement les arrêter par rapport à la « voie ». Et l’ensemble des changements ainsi produits, qui doit encore payer le quadruple arrêt par rapport à la voie, devra aussi être égal à . Calculons cette somme :

L’arrêt relativement à des mobiles pourra se faire par cordons actionnant les palettes d’un calorimètre de Joule immobile dans ce wagon, et qui ne recevra aucune impulsion ; le changement de ce calorimètre, qui paie l’arrêt dans le wagon sera . De même l’arrêt de dans le wagon aura la valeur . Soit, en tout, pour les arrêts dans les deux wagons.

Mais les calories développées dans chaque wagon (par exemple sous forme de glace fondue), en repos relativement à ce wagon, ne sont pas en repos relativement à la voie. Or, il n’y a aucune raison pour que la fusion d’un morceau de glace en mouvement par rapport à la voie ait la même valeur que la fusion du même morceau de glace au repos (ou, si on préfère, on ne reçoit peut-être pas la même énergie en arrêtant le morceau de glace ou l’eau qui provient de sa fusion). Du moins, ici encore, la direction du mouvement ne peut avoir d’importance, nos référentiels étant isotropes. Si est la valeur d’une calorie immobile, la valeur de cette calorie animée de la vitesse sera . Cela nous donne pour valeur de l’arrêt des mobiles dans les wagons animés par rapport à la voie des vitesses et

Enfin, reste à arrêter par rapport à la voie les 2 mobiles maintenant au repos dans et les 2 mobiles maintenant au repos dans . Ce qui pourra se faire au moyen de cordons actionnant simultanément les palettes d’un dispositif de Joule sans lui communiquer d’impulsion (par raison de symétrie) en y produisant le changement . De sorte qu’au total on aura :

.

Bref, les fonctions et devront vérifier l’identité

    . (I)

(où est la vitesse résultant de la composition des deux vitesses rectangulaires et ).


Discutons maintenant le cas (II), supposant les parallèles aux . Ici encore nous pourrons utiliser deux processus différents : nous arrêterons simultanément, sur la voie, et par dispositif de Joule qui ne recevra pas d’impulsion, et de même simultanément et  ; ou bien nous arrêterons d’abord chaque couple dans le wagon correspondant, puis nous arrêterons sur la voie les 4 mobiles maintenant animés des vitesses ou . Raisonnant comme dans le cas (I), nous obtiendrons ainsi l’équation fonctionnelle :


ou

    . (II)
est la vitesse résultant de la composition des vitesses parallèles et .

Ces équations fonctionnelles (I) et (II) obtenues par application du Principe d’Équivalence vont déterminer les fonctions et si nous tenons compte de la formule de composition des vitesses. En première approximation nous utiliserons la formule établie (I23) dans l’hypothèse où la notion de simultanéité est valable ; en seconde approximation (grandes vitesses) nous utiliserons la formule générale d’Einstein (III8).


48. Valeur de l’énergie cinétique pour de faibles vitesses. — En première approximation, nous avons, pour résultante de vitesses rectangulaires et

.

L’identité (I) devient donc :


c’est-à-dire, si nous écrivons au lieu de et au lieu de

.

Dérivons par rapport à , nous obtenons :


qui impose en particulier :


d’où résulte que l’équation précédente peut s’écrire :

.

Hors le cas singulier, provisoirement réservé, où serait une constante auquel cas serait égal à et identiquement égal à 1, cette équation (où l’on reconnaît l’équation qui définit la fonction exponentielle) n’est vérifiée que par la fonction

(g0arbitraire). ( arbitraire).

Intégrant, et tenant compte de ce que l’énergie cinétique est nulle pour nul, on trouve

d’où résulte pour , qui est égal à  :
.

Introduisons dans (II) ces expressions de et  ; nous obtenons, après division par (ce qui réserve le cas de nul) :


ou, après simplifications évidentes

.

Or, en première approximation, les étant parallèles aux


ce qui donne pour l’équation précédente :

vérifiée seulement pour égal à 1, donc précisément pour nul. Mais alors est égal à la constante et à en même temps que devient égal à 1 : nous retombons sur le cas singulier réservé. Cette solution seule possible convient en effet, les équations de Langevin, (y remplacer les en fonction des et ) étant alors vérifiées.

Ainsi, pour de faibles vitesses, est égal à 1, ce qui signifie que la calorie en mouvement coûte le même prix que la calorie en repos. D’autre part, est égal à (qu’on peut écrire ), ce qui signifie que l’énergie cinétique est pour un objet donné proportionnelle au carré de la vitesse. Nous retrouvons la loi d’abord obtenue (V7) en supposant connue la loi de la chute des corps, puis établie (V31) en combinant déjà, de façon différente, le Principe de relativité avec la règle de composition des « faibles » vitesses.


49. Expression de l’énergie cinétique valable pour toute vitesse réalisable. — Combinons maintenant, en seconde approximation le Principe d’Équivalence et la formule générale de composition des vitesses.

Nous avons à voir ce que deviennent alors les équations fonctionnelles de Langevin.

Dans le cas (I) (les perpendiculaires aux ) chaque vitesse résultante prend l’expression (III8) :

.

L’équation fonctionnelle (I) devient donc :


qui va reprendre une forme déjà discutée si nous posons, comme nous le pouvons :

 ;xxx


avec


d’où résulte pour , c’est-à-dire pour , la valeur en sorte que notre équation fonctionnelle (I) prend une forme


que nous venons de discuter et qui impose

.

D’autre part notre équation fonctionnelle (II) s’écrit, après division par (ce qui réserve le cas de nul) :




d’où :

Or (les étant parallèles aux ) il faut écrire (Einstein) :


en sorte que


et notre équation (II) devient donc, après division par le facteur commun  :


équation du type connu :


qui n’est vérifiée (avec différent de zéro) que si est nul ou égal à comme on voit en dérivant par rapport à .

L’hypothèse, déjà réservée, de nul, entraînerait égal à 1 et égal à . Mais alors l’équation II, (y exprimer les en et par les formules d’Einstein), n’est pas vérifiée. Reste donc seule possible pour la valeur ce qui entraîne :


expressions qui vérifient en effet les équations de Langevin.

L’énergie cinétique , égale à peut donc s’écrire, développant en série :


qui pour petit se réduit au premier terme lequel doit alors se confondre avec de sorte que :


et que l’énergie cinétique de la masse animée de la vitesse est donnée pour toute vitesse par la formule


qui se réduit bien à pour petit, comme on voit en développant en série , et qui devient infinie quand tend vers .

Nous avons ainsi obtenu l’expression de l’énergie cinétique pour les grandes vitesses, énergie qui devient infinie quand la vitesse du mobile tend vers celle de la Lumière. Cela s’accorde avec l’impossibilité (II26) que la Matière puisse atteindre la vitesse de la Lumière.

Sur cette même formule, nous voyons que, même aux plus grandes vitesses, les énergies cinétiques de deux mobiles qui ont même vitesse sont entre elles comme leurs masses : s’il a fallu 3 fois plus de peine pour communiquer à un mobile une certaine vitesse que pour la communiquer à un mobile , il faudra se donner 3 fois plus de peine dans le cas de n’importe quelle autre vitesse, si grande soit-elle. La masse définie aux faibles vitesses mesure pour toute vitesse la capacité d’énergie cinétique et sa définition comme telle (38) subsiste alors que la définition par la loi d’inertie aurait pu présenter des difficultés. La masse garde pour toute vitesse sa signification essentielle. On voit pourquoi nous n’avons pas voulu adopter les expressions de « masse longitudinale » et « masse transversale ».

50. Inertie de l’énergie. Loi d’Einstein. — Maintenant il est facile de montrer que la masse d’un système matériel où s’effectuent des changements efficients, en sorte qu’il perd ou gagne de l’énergie, varie en proportion de l’énergie perdue ou gagnée.

Soit un système de masse , (disons de la glace) en repos dans un référentiel stellaire, capable de subir un changement efficient (ce sera par exemple la fusion de cette glace qui a même valeur dans tout référentiel stellaire.

Soit placé un tel système dans chacun de nos deux « wagons » et animés de vitesses égales et contraires et par rapport à notre « voie » .

Nous pouvons alors de deux manières différentes, réaliser le changement que nous allons dire :

a) nous pouvons arrêter, par rapport à , au moyen d’un dispositif de Joule, les deux corps avant de les changer, ce qui fournira déjà l’énergie


puis alors les changer (fondre la glace) en leur fournissant à chacun l’énergie , ce qui en définitive donne pour valeur du changement global

b) ou bien nous pouvons, de la voie, changer les deux corps (fondre la glace) en laissant chacun immobile dans son « wagon », ce qui exigera pour l’énergie des calories ainsi créées en mouvement par rapport à la voie :


puis nous pouvons arrêter les systèmes ainsi transformés (eau de fusion), et dont la masse a pu varier et devenir , ce qui nous fournira l’énergie

soit pour le même changement global :

Égalant ces deux expressions de ce même changement nous avons :


ou simplement :


ou, en langage ordinaire (loi d’Einstein) :

La masse d’un corps dont l’énergie interne varie s’accroît d’une masse égale au quotient de l’accroissement d’énergie interne par le carré de la vitesse de la lumière.

.

Cette masse entre avec l’énergie, subsiste avec elle, sort avec elle, en est inséparable. Bref :

Toute énergie a une inertie, mesurée par le quotient de sa valeur par le carré de la vitesse de la lumière.

Ceci s’applique à toutes les formes d’énergie : potentielle, cinétique, thermique, chimique, lumineuse. Il est particulièrement intéressant de comprendre qu’un corps lumineux, le Soleil par exemple, perd continuellement de la masse, transportée par la Lumière qui le fuit.

51. Origine du rayonnement des étoiles. — Nous voici amenés à discuter l’origine du prodigieux rayonnement qui jaillit intarissablement des étoiles. Notre Soleil, par exemple, envoie par minute 2 calories sur chaque centimètre carré de surface terrestre normale aux rayons, soit en tout, par seconde, environ ergs (qui, selon la découverte d’Einstein, ont une masse gr. soit environ quatre millions de tonnes par seconde).

J’ai insisté sur ce que, d’après les sédiments où l’on trouve des vestiges d’êtres analogues à certains mollusques actuels, les conditions climatériques, qui sont réglées par ce rayonnement, ont peu changé depuis un temps probablement bien supérieur à un milliard d’années. (Le Soleil a rayonné pendant ce temps plus que le millième de sa masse actuelle).

Il n’y a pas de combustion connue qui pourrait expliquer même quelques milliers d’années de ce rayonnement. Une explication moins insuffisante fut proposée par Lord Kelvin, qui plaçait l’origine de la chaleur solaire dans l’énergie de gravitation libérée par la condensation de la masse solaire à partir d’une masse nébuleuse primitive très raréfiée (37). Supposant toutes les parcelles solaires venues de distances infinies, lord Kelvin estimait qu’il expliquait au plus une quinzaine de millions d’années du rayonnement au taux actuel. Curieusement, il allait jusqu’à dire que, « puisqu’il n’y a pas d’autre explication possible », il faut que les géologues fassent tenir l’évolution des êtres vivants dans cette durée !

Mais même un grand physicien ne peut assigner de limite aux possibilités de la Nature. Et, depuis, on a découvert, avec les transmutations, des transformations matérielles dégageant colossalement plus d’énergie que nos réactions chimiques les plus violentes. J’ai fait observer, en même temps qu’Eddington (1919) qu’il suffisait que le soleil primitif eût été fait d’hydrogène, qui probablement peut se transformer en hélium avec perte de un centième de sa masse, soit un dégagement de 250 milliards de calories par gramme, pour expliquer cent milliards d’années de rayonnement solaire au taux actuel. Durée où l’Évolution ne manque plus de temps ! Et d’autres transformations plus profondes, qui donneraient au rayonnement d’une Étoile, au taux actuel avec évanouissement presque total en Lumière, une durée supérieure au trillion d’années, ont pu être imaginées.

Si une quantité donnée de matière peut perdre toute sa masse, elle perdra, par gramme initial, l’énergie ergs. Telle est l’énergie maximum qu’on peut espérer extraire de matière en repos dans un référentiel stellaire. Mais dans un autre référentiel de vitesse par rapport au premier, on en pourrait extraire au total l’énergie


qui n’a pas de limite théorique actuelle.

52. Pression de radiation. Impulsions reçues ou communiquées par la lumière. — Considérons une paroi que frappe normalement de la Lumière, c’est-à-dire que frappe (nous le savons maintenant) de la masse (qui n’est pas de la Matière) cheminant avec la vitesse de la Lumière. Il nous est alors difficile de ne pas évoquer le cas d’une paroi qui reçoit une grêle de projectiles (V26) et qui subit, de ce fait, une pression numériquement égale à l’impulsion des projectiles arrêtés.

Ceci conduit à penser que la Lumière exerce une « pression de radiation » sur un obstacle qui l’absorbe (ou sur lequel elle prend appui si elle est réfléchie ou émise) ; et que cette pression sera numériquement égale à l’impulsion attribuable à la Lumière (aux photons absorbés ou émis).

Cette pression, prévue par divers physiciens (notamment par le physicien italien Bartoli, et par le physicien anglais Maxwell, dès 1874) pour d’autres raisons que nous indiquerons par la suite, existe, en effet, et elle est mesurable (Lebedef, Poynting, etc.). On peut le constater, par exemple, en éclairant par un rayon lumineux (flux d’énergie mesuré au calorimètre) une palette verticale fixée à un bout d’un fléau soutenu par un fil de torsion (comme dans la balance de Coulomb) ; le fléau tourne jusqu’à ce que le couple de torsion équilibre celui exercé par la pression de radiation, ce qui mesure cette dernière.

On s’est ainsi assuré que la pression de radiation existe, et qu’elle est (selon la prévision de Maxwell) numériquement égale à l’énergie contenue dans le cylindre de lumière incident ayant la longueur 1 et la section 1. Nous admettrons ici, comme loi expérimentale, cette égalité entre et .

Cette pression de radiation doit être égale (V26) à l’impulsion transportée par la lumière, contenue dans le cylindre de section 1 et de longueur , qui vient frapper la paroi pendant l’unité de temps. L’énergie de cette quantité de lumière est , donc sa masse est ou .

L’impulsion de cette masse de lumière étant , ou , est donc égale à soit . En d’autres termes :

L’impulsion possédée par une masse donnée de lumière a même mesure que le produit de cette masse par la vitesse de la Lumière :


de même que l’impulsion d’une masse matérielle animée de la vitesse a même mesure que le produit de cette masse par sa vitesse.

La loi de conservation de l’impulsion restera applicable : la masse de lumière qui s’absorbe dans un obstacle de masse lui communiquera une vitesse telle que

Réciproquement, si la lumière est émise (ou réfléchie) une impulsion égale sera communiquée par recul à la matière.

La conservation de la quantité de mouvement ou impulsion du système isolé, s’étend ainsi à un système contenant de la Matière et de la Lumière (émise ou absorbée).


53. L’énergie est pesante. Expression générale de la gravitation universelle. — Tout système matériel est pesant, d’un poids exactement proportionnel à sa masse. Nous n’avons aucune raison, aucun moyen, de distinguer dans cette masse une fraction attribuable à la Matière, et une fraction attribuable à l’énergie qu’elle transporte. (L’hydrogène qui perd de l’énergie en devenant de l’hélium perd en effet du poids aussi bien que de la masse).

Nous devons donc prévoir que l’énergie sous toutes ses formes est pesante aussi bien que massive. En particulier les photons dont nous démontrerons (VIII) qu’ils transportent l’énergie de la Lumière sont pesants, et nous devons nous attendre à ce que le rayon de lumière qui passe auprès d’une étoile soit dévié par elle (Einstein) bien que très faiblement en raison de son énorme vitesse. Ce qui a été vérifié, au cours d’une éclipse, par visée d’étoiles vues près du contour du Soleil.

Si l’énergie protéiforme est pesante, elle obéit à la loi de la gravitation universelle dans les conditions de localisation que celle-ci suppose, en sorte que :

Deux énergies et localisées sous n’importe quelle forme par rapport à un référentiel de Galilée s’attirent en raison inverse du carré de leur distance et proportionnellement à leurs quantités.


Cette attraction newtonienne vérifie donc l’équation :


est la constante de gravitation, c’est-à-dire :


avec égal à environ .


54. Matière et photons formes de l’énergie. — Nous voici amenés à penser que toute matière est en définitive une forme particulière très condensée de l’énergie. Nous n’avons plus alors à nous étonner que (V37) les forces de gravitation soient exactement proportionnelles aux masses : si une bille d’acier et une bille d’ivoire ont mêmes inerties, c’est qu’elles contiennent la même quantité d’énergie, et nous étions par là justifiés à dire qu’elles contiennent la même quantité de matière (V17).

Le Photon constitue une autre forme condensée de l’Énergie. Il est bien remarquable que, sous la forme matière, l’énergie ne peut atteindre la vitesse qu’elle a nécessairement sous la forme photons.

Dire que Matière et Lumière sont deux formes de l’Énergie suggère la possibilité de transformation réciproque de Matière en Lumière et de Lumière en Matière.

En nous penchant « à la surface des choses », nous avons deviné aux profondeurs la réalité essentielle Énergie.





  1. Démonstration inédite, exposée oralement au Collège de France, et à la Société de Physique (Strasbourg 1920).