À mon Ami Émile Deschamps

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À

MON AMI ÉMILE DESCHAMPS.


Cher Émile Deschamps ! charmant, divin poète,
Peintre délicieux dont la docte palette
Au superbe arc-en-ciel emprunte ses couleurs,
Pour mieux, frappant les sens, s’infiltrer en nos cœurs ;
Toi qui Génie actif, ardent (par parenthèse),
Fus un des fondateurs de la Muse Française,
Parmi sa jeune armée, enrôlant, c’était beau !
Nodier, Guiraud, Soumet, Vigny, Latouche, Hugo !
Troupe disciplinée, et forte en vaillantise,
Arborant pour drapeau « l’Ode à la Paix conquise ! »
Toi qui sus, en un soir, par « Un tour de Faveur »
Au théâtre emporter d’assaut le prix d’honneur !
Toi l’Auteur inspiré de ces pages sublimes
Du dernier Roi des Goths, en magnifiques rimes.
Qui nous refait la vie, et nous rend à la fois
Rodrigue et ses amours, Rodrigue et ses exploits !
Toi qui cédant parfait à la mélancolie
Nous donna ces beaux vers : « Ce que pas on n’oublie ! »[1]
Ce que l’on n’oubliera jamais…
C’est à l’Auteur de Tes succès
Que je viens sans façon dédier mon ouvrage,
D’un frère en Apollon daigne accepter l’hommage.
Si mes « Rayons et mes Reflets, »
Rappellent de tes vers les parfums, les bouquets,
Ce délicieux assemblage,
De roses et de lis, de muguets et d’œillets,

De ta charmante Muse enfin le doux ramage,
Je me dirai : « Sur moi, ne peut plus rien l’orage.
Et tranquille sous ton laurier.
Et sous son magnifique ombrage,
J’abrite à jamais mon cimier.

Poète ami… je n’en dis davantage.
Mais te suis dévoué — de cela sois certain !


Le Chevalier de Châtelain. »


Castelnau Lodge.


Juin. 1863.
  1. Voir ce joli poème, page 390.