Échos et reflets/Les Éternelles Amoureuses

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Les Éternelles Amoureuses


Les éternelles amoureuses
Ont gardé l’éternel printemps.
Leurs chevelures ténébreuses
Répandent leurs anneaux flottants…
Ô charme lointain d’Aspasie !
Sur ses lèvres viennent mourir
Le sanglot de la poésie
Et le cri rouge du désir.
Cléopâtre, l’Isis profonde,
Étend ses lascives pâleurs

Sur sa galère qui fend l’onde
Tel un cygne parmi les fleurs.
L’éclair des rames et des voiles
Où frémit le souffle des chants,
Parsème le Cydnus d’étoiles
Sous les roses d’or des couchants.
Béatrice aux yeux d’amarante,
Madone enfant, blancheur de jour,
Fait refleurir au cœur de Dante
Le pouvoir de l’ancien amour…
Béatrice, lointaine et chaste,
Pour qui Dante versa jadis
Son amour magnifique et vaste
Et pur comme un parfum de lys !
Odette, la consolatrice,
Calme les royales douleurs,
Rayon d’astre sur un supplice,
Arc-en-ciel à travers les pleurs !
Diane de Brézé, brûlure
De pourpre et d’or au fond des soirs,
Ruissellement de chevelure
Sur la nuit chaude des yeux noirs,

Exagère ses langueurs feintes,
Ses gestes mièvres et cruels,
Chasseresse des forêts peintes
Aux soleils artificiels.
La blondeur de la Fornarine
Que nul rêve n’endolorit,
Fruit italien, chair divine,
Échappe aux tourments de l’esprit.
La rose rouge, Gabrielle,
S’épanouit sur les chemins
De l’aventure sensuelle
Et des soirs bleus sans lendemains.
Ninon, prêtresse et Piéride,
Chanson d’un immortel avril,
Joint à la volupté perfide
Des mains de femme un front viril.
Et voici, comme des fleurs sombres,
Le sourire, pareil à l’arc
Du grave Erôs, le tisseur d’ombres,
Le sourire de la Duparc.
Flammes de ses cheveux d’automne,
Glauques frissons de ses yeux verts,

Elle a le regard d’Hermione
Qui réveille les nobles vers,
La strophe qui s’exalte et pleure.
Montespan à l’altier profil,
Fontanges, triomphe d’une heure,
Songent dans un divin exil ;
Et la plaintive La Vallière
Ressemble à l’ange des soupirs,
Lys et sanglots dans la lumière,
Encens rare des repentirs !
Alambiquant sa grâce exquise,
L’inoubliable Pompadour
Poudre ses cheveux de marquise,
Pastel animé de Latour.
La Dubarry, lascive et folle,
Courbe la vieillesse du roi
Sous le charme de sa parole
Et de son amoureuse loi.
Dans les luxures du silence,
Parabère aux longs regards bruns
Où s’appesantit l’indolence,
Laisse un sillage de parfums.

Les chevelures ténébreuses
Répandent leurs anneaux flottants…
Les éternelles amoureuses
Ont gardé l’éternel printemps.