Égalité des hommes et des femmes (1910)

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ÉGALITÉ DES HOMMES ET DES FEMMES

1622


A LA REYNE[1]


Madame,


Ceux qui s’adviserent de donner un Soleil pour devise[2] au Roy vostre Pere, avec ce mot, Il n’a point d’Occident pour moy, firent plus qu’ils ne pensoient : parce qu’en representans sa grandeur qui voit presque tousjours ce Prince des Astres sur quelqu’une de ses terres, sans intervale de nuict ; ils rendirent la devise hereditaire en vostre Majesté, presageans vos vertus, et de plus, la beatitude des François sous vostre Auguste presence. C’est dis-je chez vostre Majesté, Madame, que la lumiere des vertus n’aura point d’Occident, ny consequemment l’heur et la felicité de nos Peuples qu’elles esclaireront. Or comme vous estes en l’Orient de vostre aage et de vos vertus ensemble, Madame, daignez prendre courage d’arriver en mesme point au midy de luy et d’elles, je dis de celles qui ne peuvent meurir que par temps et culture : car il en est quelques unes des plus recommandables, entre autres la Religion, la charité vers les pauvres, la chasteté et l’amour conjugale, dont vous avez touché le midy dès le matin. Mais certes il faut le courage requis à cet effort aussi grand et puissant que vostre Royauté, pour grande et puissante qu’elle soit : les Roys estant battus de ce malheur, que la peste infernale des flatteurs qui se glissent dans les Palais, leur rend la vertu et la clairvoyance sa guide et sa nourrice, d’un accez infiniment plus difficile qu’aux inferieurs. Je ne scay qu’un seur moyen à vous faire esperer, d’atteindre ces deux midys en mesme instant : c’est qu’il plaise à V. M. se jetter vivement sur les bons livres de prudence et de mœurs : car aussi tost qu’un Prince s’est relevé l’esprit par cet exercice, les flatteurs se trouvans les moins fins ne s’osent plus jouër à luy. Et ne peuvent communement les Puissans et les Roys recevoir instruction opportune que des mors : parce que les vivans estans partis en deux bandes, les foux et meschans, c’est-à-dire ces flateurs dont est question, ne sçavent ny veulent bien dire pres d’eux ; les sages et gens de bien peuvent et veulent, mais ils n’osent. C’est en la vertu certes, Madame, qu’il faut que les personnes de vostre rang cherchent la vraye hautesse, et la Couronne des Couronnes : d’autant qu’ils ont puissance et non droit de violer les loix et l’equité, et qu’ils trouvent autant de peril et plus de honte que les autres hommes à faire ce coup. Aussi nous apprend un grand Roy luy mesme, que toute la gloire de la fille du Roy est par dedans. Quelle est cependant ma rusticité, tous autres abordent leurs Princes et Roys en adorant et loüant, j’ose aborder ma Reyne en preschant ? Pardonnez neantmoins à mon zele, Madame, qui meurt d’envie d’ouyr la France crier ce mot, avec applaudissement, La lumière n’a point d’Occident pour moy, par tout où passera vostre Majesté nouveau Soleil des vertus : et d’envie encore de tirer d’elle, ainsi que j’espere de ses dignes commencemens, une des plus fortes preuves du Traicté que j’offre à ses pieds, pour maintenir l’egalité des hommes et des femmes. Et non seulement veu la grandeur unique qui vous est acquise par naissance et par mariage, vous servirez de miroir au sexe et de sujet d’émulation aux hommes encore, en l’estenduë de l’Univers, si vous vous eslevez au prix et merite que je vous propose : mais aussitost, Madame, que vous aurez pris resolution de vouloir luyre de ce bel et précieux esclat, on croira que tout le mesme sexe esclaire en la splendeur de vos rayons. Je suis de vostre Majesté

Madame,
Tres-humble et Tres-obeissante servante et subjecte.
Gournay.


ÉGALITÉ DES HOMMES ET DES FEMMES.


La pluspart de ceux qui prennent la cause, des femmes, contre 1 cette orgueilleuse preferance que les hommes s’attribuent, leur rendent le change entier : 2 r’envoyans la preferance vers elles. 3 Moy qui fuys toutes extremitez, je me contente de les esgaler aux hommes : la nature s’opposant 4 pour ce regard autant à la superiorité qu’à l’inferiorité. Que dis-je, il ne suffit pas à quelques gens de leur preferer le sexe masculin, s’ils ne les confinoient encores d’un arrest irrefragable et necessaire à la quenoüille, 5 ouy mesme à la quenoüille seule[3]. 6 Mais ce qui les peut consoler contre ce mespris, c’est qu’il ne se faict que par ceux d’entre les hommes ausquels elles voudroient moins ressembler : personnes à donner vraysemblance aux reproches qu’on pourroit 7 vosmir sur le sexe féminin, s’ils en estoient, et qui sentent en leur cœur ne se pouvoir recommander que par le credit 8 de l’autre. D’autant qu’ils ont ouy trompetter par les ruës, que les femmes manquent de dignité, manquent aussi de suffisance, voire du temperament et des organes pour arriver à 9 cette-cy, leur eloquence triomphe à prescher ces maximes : et tant plus opulemment, de ce que, dignité, suffisance, organes et temperament sont 10 beaux mots : n’ayans pas appris d’autre part, que la premiere qualité d’un 11 mal habill’homme, c’est de cautionner les choses soubs la foy populaire et par ouyr dire. 12 Voyez tels esprits comparer ces deux sexes : la 13 plus haute suffisance à leur advis où les femmes puissent arriver, c’est de ressembler le commun des hommes : autant 14 eslongnez d’imaginer, qu’une grande femme se peust dire grand homme, le sexe 15 changé, que de consentir qu’un homme se peust eslever à l’estage d’un Dieu. Gens plus braves qu’Hercules vrayement, qui ne desfit que douze monstres en douze combats ; tandis que d’une seule parolle ils desfont la moitié du Monde. Qui croira cependant, que ceux qui se veulent 16 eslever et fortifier de la foiblesse d’autruy, 17 se puissent eslever ou fortifier de leur propre force ? Et le bon est, qu’ils pensent estre quittes de leur effronterie à vilipender 18 ce sexe, usants d’une effronterie pareille à se loüer et 19 se dorer eux mesmes, je dis par fois en particulier comme en general, 20 voire à quelque tort que ce soit : comme si la vérité de leur vanterie recevoit 21 mesure et qualité de son impudence. Et Dieu sçait si je 22 congnois de ces joyeux vanteurs, et dont les vanteries sont tantost passées en proverbe, entre les plus eschauffez au mespris des femmes. Mais quoy, s’ils prennent droict d’estre 23 galans et suffisans hommes, de ce qu’ils se declarent tels comme par Edict ; pourquoy 24 n’abestiront-ils les femmes par le contrepied d’un autre Edict ? 25 Et si je juge bien, soit de la dignité, soit de la capacité des dames, je ne pretends pas à 26 cette heure de le prouver par raisons, puisque les opiniastres les 27 pouroient debattre, ny par exemples, d’autant qu’ils sont trop communs ; 28 ains seulement par 29 l’aucthorité de Dieu mesme, des 3 arcsboutans de son Eglise et de ces grands 31 hommes qui ont servy de lumiere à l’Univers. 32 Rengeons ces glorieux tesmoins en teste, et reservons Dieu, puis les Saincts Peres de son Eglise, 33 au fonds, comme le tresor.

Platon à qui nul n’a debattu le tiltre de divin, et consequemment Socrates son interprete et 34 Protecole en ses Escripts ; (s’il n’est là mesme celuy de Socrates, son plus divin Précepteur) 35 leur assignent mesmes droicts, facultez et 36 functions, en leurs Republiques et par tout ailleurs. Les maintiennent, 37 en outre, avoir surpassé maintefois tous les hommes de leur Patrie : comme en effect elles ont inventé partie des plus beaux arts, 38 ont excellé, 39 voire enseigné cathedralement et souverainement 40 sur tous les hommes en toutes sortes de 41 perfections et vertus, dans les plus fameuses villes antiques entre autres Alexandrie, premiere 42 de l’Empire apres Rome[4]. 43 bis Dont il est arrivé que ces deux 43 Philosophes, miracles de Nature, ont creu donner plus de lustre à des discours de grand poix, s’ils les prononçoient en leurs livres par la bouche de Diotime et d’Aspasie : Diotime que ce 44 dernier ne craint point d’appeller sa maistresse et Preceptrice, en quelques unes des plus hautes sciences, luy Precepteur et maistre 45 du genre humain. Ce que Theodoret releve si volontiers en l’Oraison de la Foy, ce me semble ; qu’il paroist bien que l’opinion favorable au sexe luy estoit fort plausible. 46 Après tous ces tesmoignages de Socrates, sur le faict des dames ; on void assez que s’il lache quelque mot au Sympose de Xenophon contre leur prudence, à comparaison de celle des hommes, il les regarde selon l’ignorance et 47 l’inexperience où elles sont nourries, ou bien au pis aller en general, 48 laissant lieu fréquent et spatieux aux exceptions : à quoy les 49 deviseurs dont est question ne s’entendent point.

Que si les dames 50 arrivent moins souvent que les hommes, aux degrez 51 d’excellence, c’est merveille que 52 le deffaut de bonne 53 instruction, 54 voire l’affluence de la mauvaise expresse et professoire ne face pis, 55 les gardant d’y pouvoir arriver du tout. 56 Se trouve til plus de difference des hommes à elles que d’elles à elles mesmes, selon l’institution qu’elles ont 57 prinse, selon qu’elles sont eslevées en ville ou village, ou selon les Nations ? Et 58 pourquoy leur institution 59 ou nourriture aux affaires et 60 Lettres à l’egal des hommes, ne rempliroit elle 61 ce vuide, qui paroist 62 ordinairement entre les testes 63 des mesmes hommes et les leurs : 64 puis que la nourriture est de telle importance qu’un de ses membres 65 seulement, c’est à dire le commerce du monde, abondant aux Françoises et aux Angloises, et manquant aux Italiennes, celles cy sont de gros en gros de si 66 loing surpassées par celles là ? Je dis de gros en gros, car en détail les dames d’Italie 67 triumphent parfois : et nous en avons tiré 68 deux Reynes à la prudence desquelles la France a trop d’obligation[5]. 69 Pourquoy vrayment la nourriture ne frapperoit elle ce coup, de remplir la distance qui se void entre les entendemens des hommes et des femmes ; veu qu’en cet exemple icy le moins surmonte le plus, par l’assistance d’une seule de ses parcelles, je dis ce commerce et conversation : l’air des Italiennes estant plus subtil et propre à subtilizer les esprits, comme il paroist en ceux de leurs hommes, confrontez communement contre ceux là des François et des Anglois ? Plutarque 70 au Traicté des vertueux faicts des femmes maintient ; que la vertu de l’homme et 71 de la femme est mesme chose. Seneque d’autre part publie aux Consolations ; qu’il faut croire que la Nature n’a point traicté les dames ingratement, ou restrainct et racourcy leurs vertus et leurs esprits, plus que les vertus et les esprits des hommes : 72 mais qu’elle les a doüées de pareille vigueur et de 73 pareille faculté à toute chose honeste et loüable. Voyons ce qu’en juge apres ces deux, le tiers chef du 74 Triumvirat de la sagesse humaine et morale en ses Essais. Il luy semble, dit il, et si ne sçait pourquoy, qu’il se trouve rarement des femmes dignes de commander aux hommes. N’est ce pas les mettre en particulier à l’egale contrebalance des hommes, et confesser, que s’il ne les y met en general il craint d’avoir tort : bien qu’il peust excuser sa 75 restrinction, sur la pauvre et disgraciée 76 nourriture de ce sexe. 77 N’oubliant pas au reste d’alleguer 78 et relever en autre lieu de son mesme livre, 79 cette authorité que Platon leur depart en sa Republique : et qu’Anthistenes nioit toute difference au talent et en la vertu des deux sexes. Quant au Philosophe Aristote, 80 puisque remuant Ciel et terre, il n’a point 81 contredit en gros, que je scache, l’opinion qui favorise les dames, il l’a confirmée : s’en rapportant, 82 sans doubte, aux sentences de son pere et grand pere spirituels, Socrates et Platon, comme à chose constante et fixe soubs le credit de tels 83 personnages : par la bouche desquels il faut advoüer que le 84 genre humain tout entier, et la raison mesme, ont prononcé leur arrest. Est-il 85 besoing d’alleguer infinis autres 86 anciens et modernes de nom illustre[6], ou parmy ces derniers, Erasme, 87 Politien, Agripa, 88 ny cet honneste et pertinent Precepteur des courtizans[7] : 89 outre tant de fameux Poëtes si contrepoinctez tous ensemble aux mespriseurs du sexe feminin, et si partisans de ses advantages aptitude et disposition à tout office et 90 tout exercice louable et 91 digne ? Les dames en verité se consolent 92 que ces 93 descrieurs de leur merite ne 94 se peuvent prouver habiles gens, si tous ces 95 esprits le sont : et qu’un 96 homme fin ne dira pas, encores qu’il le 97 creust, que le mérite et 98 passedroit du sexe feminin tire court 99, pres celuy du masculin ; jusques à ce que 100 par arrest il ait faict 101 declarer tous ceux là buffles, 102 affin d’infirmer leur tesmoignage si contraire à 103 tel decry. Et 104 buffles faudroit il encores declarer des Peuples entiers et des plus 105 sublins, entre autres ceux de Smyrne en 106 Tacitus : qui pour obtenir 107 jadis à Rome presseance de noblesse sur leurs voisins, allegoient estre descendus, ou de Tantalus fils de Jupiter ou de Theseus petit fils de Neptune ou d’une Amazone, laquelle par 108 ce moyen ils 109 contrepesoient à ces Dieux. 110 Pour le regard de la loy Salique, qui prive les femmes de la couronne, elle n’a lieu qu’en France. Et fut inventée au temps de Pharamond, 111 pour la seulle consideration des guerres contre l’Empire duquel nos Peres secoüoient le joug : le sexe féminin estant 112 vraysemblablement d’un corps moins propre aux armes, par la necessité du port 113 et nourriture des enfans[8]. Il faut remarquer encores 114 neantmoins, que les Pairs de France ayans esté créez en premiere intention comme une espece de personniers des Roys, ainsi que leur nom le declare : les dames Pairaisses de leur chef ont seance, privilege et voix deliberative par tout où les Pairs en ont et de mesme estendue. 115 Comme aussi 116 les Lacedemoniens ce brave et genereux Peuple, consultoit de toutes affaires privées et publiques avec ses femmes[9]. 117 Bien a servy cependant aux François, de trouver l’invention des Regentes, pour un equivalent des Roys 118 ; car sans cela combien 119 y a il que leur Estat fust par terre ? 120 Nous sçaurions bien dire aujourd’huy par espreuve, quelle necessité les minoritez des Roys ont de cette recepte. Les Germains ces belliqueux Peuples, 121 dit Tacitus, qui apres plus de deux cens ans de guerre, furent plustost 122 triumphéz que vaincus ; portoient dot à leurs femmes, non au 123 rebours. 124 Ils avoient au surplus des Nations, 125 qui n’estoient jamais regies [que] par ce sexe. Et quand Aenee présente à Didon 126 le sceptre d’Ilione, les 127 scoliastes disent, que cela provient, de ce que les dames filles aisnées 128, telle qu’estoit cette Princesse, regnoient anciennement aux maisons Royalles. Veult on deux plus beaux envers à la loy Salique, si deux envers elle peut souffrir ? Si 129 ne mesprisoient pas les femmes nos anciens Gaulois, ny les Carthaginois aussi ; lorsqu’estans unis en l’armée 130 d’Hanibal pour passer les Alpes, ils establirent les dames Gauloises arbitres de leurs 131 differends. 132 Et quand les hommes desroberoient à ce sexe en plusieurs lieux, 133 part aux meilleurs advantages ; 134 l’inegalité des forces corporelles plus que des spirituelles, ou 135 du merite, peut facilement estre cause 136 du larrecin et de 137 la souffrance : forces corporelles qui sont 138 vertus si basses, que la beste en tient plus par dessus l’homme, que l’homme par dessus la femme. Et si ce mesme Historiographe 139 Latin nous apprend, qu’où la force regne, l’equité, 140 la probité, la modestie mesme, sont les attributs du vainqueur ; s’estonnera-on, 141 que la suffisance et les merites en general, soient ceux de nos hommes, privativement aux femmes.

Au surplus l’animal humain n’est homme ny femme, à le bien prendre, les sexes estants faicts non simplement, 142 mais secundum quid, comme parle l’Eschole : c’est à dire pour la seule propagation. L’unique forme et difference de cet animal, ne 143 consiste qu’en l’ame humaine. Et s’il est permis de rire 144 en passant, le quolibet ne sera pas hors de saison, 145 nous apprenant ; qu’il n’est rien plus semblable au chat sur une fenestre, que la chatte. L’homme et la femme sont tellement uns, que si l’homme est plus que la femme, la femme est plus que l’homme. L’homme fut creé masle et 146 femelle, dit l’Escriture, ne 147 comptant ces deux que pour un. 148 Dont Jesus-Christ est appellé fils de l’homme, bien qu’il ne le soit que de la femme. 149 Ainsi parle apres le grand Sainct Basile[10] :150 La vertu de l’homme et de la femme 151 est mesme chose, puis que Dieu leur a decerné mesme creation et mesme honneur : masculum et 152 fœmininam fecit eos. Or en ceux de qui la Nature est une et mesme, il faut 153 que les actions aussi le soient, et que l’estime et 154 loyer en suitte soient pareils, où les œuvres sont pareilles. Voila donc la 155 deposition de ce puissant 156 pilier, et venerable 157 tesmoing de l’Eglise, Il n’est pas mauvais de se souvenir sur ce poinct, 158 que certains ergotistes anciens, ont passé jusques à 159 cette niaise arrogance, de debattre au sexe feminin l’image de Dieu a difference de l’homme : 160 laquelle image ils devoient, selon ce calcul attacher à la barbe. 161 Il 162 failloit 163 de plus et par consequent, desnier aux femmes l’image de l’homme, ne 164 pouvant luy ressembler, sans qu’elles ressemblassent à celuy 165 auquel il ressemble. Dieu mesme leur a departy les dons de Prophetie 166 indifferamment avec les hommes[11], 167 les ayant establies aussi pour Juges, instructrices et conductrices de son Peuple fidelle en paix et en guerre : 168 et 169 qui plus est, 170 rendu triomphantes avec luy des hautes victoires, 171 qu’elles ont aussi maintefois emportées et arborées en divers 172 lieux du Monde : mais sur quelles gens, 173 à vostre advis ? Cyrus et Theseus : à ces deux on adjouste Hercules, 174 lequel elles ont sinon vaincu, du moins bien battu. Aussi fut la cheute de Pentasilée, 175 couronnement de la gloire d’Achilles : oyez Seneque et Ronsard parlans de luy.

L’Amazone il vainquit dernier effroy des Grecs.
176. Pentasilée il rua sur la poudre.

177 Ont elles au surplus, 178 (ce mot par occasion) moins excellé de foy, qui comprend toutes les vertus principales, que de 179 suffisance et de force magnanime et guerrière ? Paterculus nous apprend, qu’aux proscription[s] Romaines, la fidelité des enfans fut nulle, des affranchis legere, des femmes tresgrande. Que si Sainct Paul, 180 suyvant ma route des tesmoignages saincts, leur deffend le ministere et leur commande le silence en l’Eglise : il est evident que ce n’est point par aucun mespris : ouy bien seulement, de crainte qu’elles n’esmeuvent les tentations, par cette montre si claire et 181 publique qu’il faudroit faire en ministrant et 182 preschant, de ce qu’elles ont de grace et de beauté plus que les hommes. Je dis 183 que l’exemption de mespris est evidente, puisque cet Apostre parle de Thesbé comme de sa coadjutrice en l’œuvre de nostre Seigneur, 184 sans toucher le grand credit de Saincte Petronille vers sainct Pierre : 185 et puis aussi que la Magdeleine est nommée en l’Eglise egale aux Apostres, par Apostolis[12]. 186 Voire que l’Eglise et eux-mesmes 187 ont permis une exception de ceste reigle de silence pour elle, qui prescha trente ans en la Baume de Marseille au rapport de toute la Provence. Et si quelqu’un 188 impugne ce 189 tesmoignage 190 de predications, on luy demandera que faisoient les 191 Sibyles, sinon prescher l’Univers par 192 divine inspiration, sur 193 l’evenement futur de Jesus-Christ ? 194 Toutes les anciennes Nations concedoient la Prestrise aux femmes, indifferemment avec les hommes. Et les Chrestiens sont au moins forcez de consentir, qu’elles 195 soyent capables d’appliquer le Sacrement de Baptesme : mais quelle faculté de distribuer les autres, leur peut estre justement deniée ; si celle de distribuer cestuy-là, leur est justement 196 accordé ? De dire que la necessité des petits enfans mourans, ait forcé les Peres anciens d’establir cet usage en despit d’eux : il est certain qu’ils n’auroient jamais creu que la necessité les peust dispenser 197 de mal faire, jusques aux termes 198 de permettre violer et diffamer l’application d’un Sacrement. Et partant concedans 199 ceste faculté de distribution aux femmes, on void à clair qu’ils 200 ne les ont interdites de 201 distribuer les autres Sacremens, que pour maintenir tousjours plus entiere 202 l’auctorité des hommes ; soit pour estre 203 de leur sexe, soit afin qu’à 204 droit ou à tort, la paix fust plus asseurée entre les deux sexes, par la foiblesse et 205 ravallement de l’un. Certes sainct 206 Ierosme escrit sagement 207 à nostre propos[13] ; qu’en matiere du service de Dieu, l’esprit et la doctrine doivent estre considerez, non le sexe. Sentence qu’on doit generaliser, pour permettre aux Dames à plus forte raison, toute 208 action et science honneste : et cela 209 suyvant aussi les intentions du mesme sainct, qui 210 de sa part honnore et 211 auctorise bien fort 212 leur sexe. 213 Davantage sainct Jean l’Aigle et le plus chery des Evangelistes, ne mesprisoit pas les femmes, non plus que sainct Pierre, 214 sainct Paul et ces 215 deux Peres, j’entends sainct Basile 216 et sainct Ierosme[14] ; puis qu’il leur addresse ses Epistres particulierement : sans parler d’infinis autres Saincts ou Peres, qui font pareille addresse de leurs Escrits. Quand au faict de Iudith je n’en daignerois faire mention s’il estoit particulier, cela s’appelle dépendant du mouvement et 217 volonté de son auctrice : non plus que je 218 ne parle des autres de ce qualibre ; bien qu’ils soient immenses en quantité, comme ils sont autant heroiques en qualité de toutes sortes, que ceux qui couronnent les plus illustres hommes. Ie n’enregistre point les faicts privez, de crainte qu’ils 219 semblent, 220 non advantages et dons du sexe, 221 ains boüillons d’une vigueur privée 222 et specialle. 223 Mais celuy de Iudith merite place en ce lieu, 224 parce qu’il est bien vray, que son dessein tombant au cœur d’une jeune dame, entre tant d’hommes 225 lasches et faillis de cœur, à tel 226 besoing, en si haulte et si difficile entreprise, et pour 227 tel fruict, que le salut d’un Peuple et d’une Cité fidelle à Dieu : semble plustost estre 228 une inspiration et 229 prerogative divine 23 vers les femmes, qu’un traict purement 231 voluntaire. Comme aussi le semble estre celuy de la Pucelle d’Orleans, accompagné de mesmes circonstances environ, mais de plus ample 232 et large utilité 233, s’estendant jusques au salut d’un grand Royaume et de son Prince[15].

234   Cette illustre Amazone instruicte aux soins de Mars,
Fauche les escadrons et brave les hazars :
Vestant le dur plastron sur sa ronde mammelle,
Dont le bouton pourpré de graces estincelle :
Pour couronner son chef de gloire et de lauriers,
Vierge elle ose affronter les plus fameux 235 guerriers.

Adjoustons que la Magdelene est la seule ame, à qui le Redempteur 236 ait jamais prononcé 237 ce mot, et promis 238 cette auguste grace : En tous lieux où se preschera l’Evangile il sera parlé de toy. 239 Jesus-Christ 240 d’autrepart, declara sa tres heureuse et tres glorieuse resurrection aux dames les premieres, 241 affin de les rendre, 242 dit un venerable Pere ancien, Apostresses aux propres Apostres : 243 cela comme lon sçait, avec mission expresse : Va, dit-il, à cette cy mesme, et recite aux Apostres et à Pierre ce que tu as veu. Sur quoy il faut 244 notter, qu’il manifesta sa nouvelle naissance 245 esgalement aux femmes qu’aux hommes, en la personne 246 d’Anne fille de Phanuel, qui le recongneut 247 en mesme instant, que le bon vieillard Sainct Simeon. Laquelle naissance, d’abondant, les Sybilles 248 nommées, ont predite seules entre les Gentils, excellent privilege du sexe féminin. Quel honneur faict aux femmes aussi, ce songe survenu chez Pilate ; s’addressant à l’une d’elles privativement à tous les hommes, et en telle et si 249 haulte occasion. Et si les hommes se vantent, que Jesus-Christ soit 250 nay de leur sexe, on respond, qu’il le 251 failloit par necessaire bien 252 sceance, ne se pouvant pas sans scandale, mesler jeune et à toutes les heures du jour et de la nuict parmy les presses, 253 aux fins de convertir, secourir et sauver le genre humain, s’il eust esté du sexe des femmes : 254 notamment en face de la malignité des Juifs. Que si quelqu’un au reste est si fade ; d’imaginer masculin ou feminin en Dieu, bien que son nom semble sonner le masculin, ny consequemment besoin 255 d’acception d’un sexe plustost que de l’autre, pour honnorer 256 l’incarnation de son fils ; 257 cettuy cy 258 monstre à plein jour, qu’il est aussi mauvais Philosophe que Theologien. 259 D’ailleurs, l’advantage qu’ont les hommes par son incarnation en leur sexe ; (s’ils en peuvent tirer un advantage, veu cette necessité remarquée) est compensé par sa conception tres precieuse au corps d’une femme, par l’entiere perfection de 260 cette femme, unique à porter nom de parfaicte entre toutes les creatures purement humaines, depuis la cheute de nos premiers parens, et par son 261 assumption unique 262 en suject humain aussi. 263 Finalement si 264 l’Escripture a déclaré le mary, chef de la femme, la plus grande sottise que l’homme 265 peust faire, c’est de prendre cela pour 266 passedroict de dignité. Car veu les exemples, 267 aucthoritez et raisons nottées en ce discours, par où l’egalité des graces et 268 faveurs de Dieu vers les deux 269 especes ou sexes est prouvée, 270 voire leur unité mesme, et veu que Dieu prononce : Les deux ne seront qu’un : et prononce 271 encores : L’homme quittera pere et mere pour 272 suivre sa femme ; il paroist que 273 cette declaration 274 n’est faicte que par le besoin 275 expres de nourrir 276 paix en mariage. 277 Lequel besoin requeroit, sans 278 doubte, qu’une des parties 279 cedast à l’autre, 280 et la prestance des forces du masle 281 ne pouvoit pas souffrir que la 282 soubmission 283 veint de sa part. Et quand bien il seroit veritable, selon que quelques uns maintiennent, que 284 cette soubmission 285 fut imposée à la femme pour 286 chastiement du peché de la pomme : 287 cela encores est bien esloigné de conclure à la pretendue 288 preferance de dignité en l’homme. Si l’on 289 croioit que 29 l’Escripture luy commendast de ceder à l’homme, comme indigne de le contrecarrer, voyez l’absurdité qui suivroit : la femme se 291 treuveroit digne d’estre 292 faicte à l’image du Createur, de jouyr de la tressaincte 293 Eucaristie, des mysteres de la Redemption, du Paradis et de la vision voire possession de Dieu, non pas des advantages et 294 privileges de l’homme : seroit-ce 295 pas declarer l’homme plus precieux et 296 relevé que 297 telles choses, et partant commettre le plus grief des blasphemes ?



FIN





VARIANTES ET ADDITIONS DE L’OMBRE
ET DES
ADVIS OU PRESENS
DE MADEMOISELLE DE GOURNAY


* = 1626 ; ** = 1634 ; *** = 1641


I. ceste* — cette** + 2. renvoyans* — car ils renvoyent la preference*** + 3. Quant à moy qui fuis*** + 4. aussi pour ce regard*** + 5. ouy mesmes* + 6. Toutesfois ce qui** + 7. vômir sur le sexe* + 8. de masculin* — du masculin** + 9. ceste-cy* + 10. de beaux mots*** + 11. mal habille homme* + 12. Parmy les roulades de ces hauts devis, oyez tels cerveaux comparer ou mesurer ces deux sexes* + ou mesurer (supprimé)*** + 13. supréme excellence* + 14. esloignez* + 15. simplement* + 16. relever** + 17. doibvent pretendre, de pouvoir se relever ou fortifier** + 18. le sexe féminin, usans* + 19. ou plustost à*** + 20. et encores à quelque tort et fauce mesure que ce soit** + 21. poids et qualité* + 22. cognois* + 23. galands* + 24. ne rendront-ils les femmes bestes* + 25. Il est raisonnable, que leur boule aille roulant jusques au profond de sa route. Mon Dieu que ne prend-il quelquefois envie à ces suffisances, de fournir un peu d’exemple juste et précis, et de pertinente loy de perfection, à ce pauvre sexe ?* + 26. ceste* + cette** + 27. pourroient* + 28. ouy bien seulement* + 29. l’authorité* + 30. Peres arcs-boutans** + 31. Philosophes qui* + 32. Rangeons* + 33. au fond* + 34. protocole en ses Escrits*, -f-35. puisqu’ils n’ont jamais eu qu’un sens et qu’une bouche*** +36. fonctions* + 37. outre plus* — de plus** + 38. notamment les caracteres Latins** — mes-mement les caractères Latins*** + 39. ont enseigné* + 40. pardessus les hommes* + 41. Disciplines*** + 42. Cité** + 43. esprits, precepteur et disciple* + 43bis. Après la phrase qui finit par : « de l’Empire apres Rome », Marie de Gournay a introduit dans la deuxième et dans la troisième édition de ses Mélanges un long paragraphe d’exemples à l’appui de sa thèse : « Hypathia tint ce haut bout en un siege si celebre. Mais que fit moins en Samothrace Themistoclea sœur de Pythagoras, sans parler de la Sage Theano sa femme ; puis qu’on nous apprend A qu’elle lisoit comme luy la Philosophie, ayant eu pour Disciple ce frere mesme, qui pouvoit à peine en toute la Grece trouver des Disciples dignes de luy ? B Qui estoit-ce aussi que Damo sa fille, es mains de laquelle en mourant il C deposa ses Commentaires et le soin de provigner sa Doctrine, avec ces mysteres et cette gravité dont il avoit usé toute sa vie ? Nous lisons en Ciceron mesme le Prince des Orateurs, quel lustre et quelle vogue avoient à Rome et prez de luy, l’eloquence de Cornelia mère des Gracches : et de plus, celle de Laelia fille de Caïus, qui est à mon advis Sylla**. — A. que celle-là dictoit comme luy*** — B. Qu’estoit-ce aussi *** — C. desposa *** — Ny la fille de Laelius, non plus que celle d’Hortensius, ne manquent pas en Quinctilien d’un Eloge celebre, au sujet de cette esquise Vertu. Quoy donc ? si Ticobrahe le fameux Astrologue et Baron Danois, eust vescu de nos jours ; n’eust-il point solemnisé ce nouvel Astre, qui s’est n’agueres descouvert en son voisinage, appellons ainsi, Mademoiselle de Schurman : l’emulatrice de ces illustres Dames en l’eloquence, et de leurs Poetes Lyriques encores, mesmement sur leur propre Langue Latine, et qui possede avec celle-là, toutes les autres antiques et nouvelles, et tous les Arts liberaux et nobles ?*** — Mais Athenes auguste Reyne de la Grece et des Sciences, seroit-elle seule entre les chefs des Villes, qui n’eust point veu les Dames triompher au supreme rang des Precepteurs du Genre-humain, tant par des Escrits illustres et plantureux que de vive voix ? Areté fille d’Aristipus acquit en cette A noble Cité cent dix Philosophes pour Disciples, tenant publiquement la Chaise que son père avoit quittee par la mort : et comme elle B eut en outre publié plusieurs excellens Escrits, les Grecs l’honorerent de cet eloge : Qu’elle avoit eu la plume de son Pere, l’ame de Socrates, la langue d’Homere. Je ne specifie icy que celles qui ont leu publiquement aux lieux plus celebres, et avec un lustre esclatant : car ce seroit chose ennuyeuse par son finité de nombrer les autres grands et doctes esprits des femmes. C Et pourquoy la seule Royne de Saba alla-elle adorer la sagesse de Salomon, mais encore à travers tant de Mers et de Terres qui les separoient, sinon parce qu’elle la cognoissoit mieux que tout son Siecle ? ou pourquoy la cognoissoit-elle mieux, que par une correspondance de Sagesse, égalle ou plus proche que D toutes les autres ? C’est en continuant aussi l’estime et la defference que les femmes ont meritées, que ce double miracle de Nature Precepteur et Disciple nommez à l’entrée de cette Section ; ont creu donner plus de E lustre à des discours de F grand poids, ** — A. glorieuse*** — B. eust outre cela, tracé*** — C. Eh pourquoy la seule Royne de Saba fut-elle*** — D. toutes celles des autres testes de ce temps là ?*** — E. poids*** — F. grande importance*** + 44. premier* + 45 . de toutes les Nations que le Soleil esclaire*** + 46. Voyez A de plus la longue et magnifique comparaison que ce fameux Philosophe Maximus Tyrius, faict de la methode d’aymer du mesme Socrates, à celle de cette grande Saphon. Combien aussi ce Roy des Sages se chatouille-t’-il d’espoir, d’entretenir en l’autre Monde la suffisance des grands hommes et des grandes femmes que les Siècles ont portez : et quelles délices se promet-il de cet exercice, en la divine Apologie par laquelle son grand Disciple nous rapporte ses derniers discours ?** — A. Voyez en suyte*** + 47. l’experience*** + 48. avec dessein de laisser lieu frequent et spacieux*** + 49. diverseurs sur qui nous sommes ne s’entendent point. Pour le regard de Platon on nous recite encores, qu’il ne vouloit pas commencer à lire, que Lastemia (j’ai leu ce nom de la sorte) et Axiothea ne fussent arrivées en son auditoire, disant ; Que cette première estoit l’entendement, cette autre la memoire, qui sçauroient comprendre et retenir ce qu’il avoit à dire*** + 50. Si donc*** + 51. de l’** + 52. ce*** + 53. éducation*** + 54. et encores* — et mesmes*** + 55. et qu’elle ne les garde*** + 56. S’il le faut prouver* + 57. receüe* + 58. donc* — consequemment*** + 59. ou nourriture (supprimé)* + 60. aux* + 61. ceste distance vuide** — la distance vuide*** + 62. d’ordinaire*** +63. d’eux et d’elles ?*** + 64. veu mesmement, que l’éducation* — veu mesmement, que l’instruction*** + 65. seul* + 66. loin* + 67. triomphent par fois* + 68. des Reynes et des Princesses qui ne manquaient pas d’esprit** + 69. Pourquoy vrayment la A nourriture ne frapperoit-elle ce coup de remplir la A bis distance qui se void entre les entendemens des hommes et des femmes ; veu qu’en B cét exemple B bis icy, le moins surmonte le plus, par C l’assistance d’une seule C bis de ses parcelles, je dis ce commerce et D, D bis conversation ? E l’air des Italiennes E bis estant plus subtil et propre à subtiliser les esprits, que celuy d’Angleterre ny de France : comme il paroist en la capacité des hommes de ce climat Italien, confrontée communément contre celle-là des François et des Anglois. F Quoy que j’aye touché ceste consideration en autre endroict, l’occasion m’oblige de la retoucher en ce lieu, sur un suject different.* — A. l’intervalle** — A bis. bonne façon de les nourrir ne pourroit elle arriver à remplir l’intervalle qui se trouve entre les entendemens des hommes et les leurs*** — B. que je viens d’alleguer les pires naissances surmontent les meilleures** — B bis. l’exemple*** — C. des parcelles de la nourriture des dames** — C bis. l’assistance seule et simple de ce commerce*** — D. cette** — D bis. de cette conversation du monde*** — E. car** — E bis. est** — F, mais j’ay touché cette consideration ailleurs*** + 70. en l’Opuscule* + 71. et celle de la femme sont mesme chose*** + 72. ains au contraire*** + 73. faculté pareille à toute chose honneste** + 74. Triomvirat* + 75. restriction** + 76. façon de laquelle on nourrit ce sexe** — manière de laquelle etc.*** + 77. Sans oublier*** + 78. favorablement* + 79. ceste* + 80. puisque* (supprimé) + 81. contredict l’opinion qui favorise les Dames, s’il ne l’a contredicte en A gros à cause de la mauvaise institution, et sans nier les exceptions ; panant, il l’a confirmée* — A. en general*** + 82. vraysemblablement*** + 83. sages* + 84. Genre-humain*** + 85. besoin* + 86. esprits* + 87. Politian, Agrippa* — Boccace, le Tasse aux œuvres qu’il écrit en prose** + 88. cét honneste* — l’Honneste*** + 89. et* + 90. à* + 91. de haute entreprise*** + 92. de ce* + 93, décrieurs* + 94. peuvent prouver qu’ils soient* + 95. Autheurs* — Autheurs vieux et nouveaux** + 96. habile homme* + 97. creut.* + 98. le* — le privilege*** + 99. aupres de* — aupres de ceux du masculin*** + 100. par arrest** (supprimé) + 101. declarer ces mesmes Autheurs* — passer tous ces Escrivains pour des resveurs*** + 102. afin* + 103. à telle sentence** — à une telle sentence, au cas qu’il entreprist de la prononcer*** + 104. resveurs faudroit-il proclamer encores*** + 105. subtils* + 106. Tacites* — Tacite** + 107. autrefois** + 108. consequent*** + 109. comparoient*** + 110. en dignité. à ces Dieux* — à ces Dieux en dignité. Les Lesbiens ne chercherent A pas moins d’ambition ny moins de gloire en la naissance de Saphon, puisqu’il se trouve aujourd’huy partout, mesmement en Hollande ; que leur monnoye portoit pour seule marque la figure d’une jeune dame, la lyre en la main avec ce mot, Lesbos. N’estoit-ce pas recognoistre que le plus grand honneur qu’eux et leur Isle eussent jamais eu, c’estoit d’avoir bercé l’enfance de cette heroïne ? Et puisque nous sommes tombes davanture sur les Poetisses nous apprenons que Corinne gaigna publiquement le prix sur Pindare en leur art : et qu’à dix-neuf ans qui bornerent la vie d’Erinne, elle auroit faict un Poëme de trois cens vers, eslevé à tel degré d’excellence qu’il B arrivoit à la majesté d’Homere. Les dames ont-elles sceu choisir en ces deux Poëtes, à qui debattre glorieusement la victoire, ou C pour le moins l’égalité ?** — A. pas moins de gloire en la naissance*** — B entroit en paralele avec la majesté d’Homere : et jettoit Alexandre dans un doute, s’il devoit plus estimer le bon-heur d’Achille, d’avoir rencontré pour Herault ce grand Poète, ou celuy de ce mesme Poëte, d’avoir eu pour Rivale une telle Heroïne*** — C. du moins*** + 111. Par la seule*** + 112. vray-semblablement** + 113. et de la**. + 114. pourtant*** + 115. on peut voir Hotman pour l’étymologie des Pairs : et du Tillet et Matthieu en l’Histoire du Roy, pour les Dames Pairresses.* + 116. est-ce chose digne de consideration, que les Lacedemoniens*** + 117. au rapport de Plutarque* — au rapport de Plutarque et Pausanias, Suïdas, Fulgose et Laërtius, respondront de la pluspart des autres authoritez ou témoignages que i’ay recueillis cy-devant : à quoy A je puis adjouster, que le Theatre de la Vie humaine[16], B sans obmettre l’Horloge des Princes[17], récitent plusieurs nouvelles de cette cathegorie dont ils nomment leurs Autheurs.** — A. j’adjousteray*** — B. avec l’Horloge des Princes que je puis alleiguer en tel cas ;*** + 118. pendant les minorités*** + 119. y-at’il* + 120. Nous sçaurions bien dire aujourd’huy par espreuve, quelle necessité les minoritez des Roys ont de cette recepte (supprimé)** + 121. dit Tacite* — ce dit Tacite*** + 122. triomphez* — trompetez en Triomphe,** + 123. contraire* + 124. ayans* — et si avoient*** + 125. entr’eux* + 126. la couronne et*** + 127. Scolastiques* — Scholiastes** + 128. comme estoit ceste* + 129. Si est-ce que nos anciens Gaulois, ny les Carthaginois A encores, ne meprisoient* — A. avec eux*** + 130. Hannibal* + 131. differens* + 132. que si les hommes desrobent* + 133. sa part des* + 134. ils ont tort de faire un tiltre de leur usurpation et de leur tyrannie, car l’inégalité** + 133. des autres branches du mérite* — 136. de ce* + 137. sa souffrance* + 138. au reste, des vertus*** + 139. Tacite*** + 140. l’integrité* + 141. s’estonnera-t’on que la A suffisance et les merites en general, soient les attributs de nos hommes* — A. prudence, la sagesse et toutes sortes de bonnes qualitez en general** + 142. estans faicts non simplement ny pour constituer une difference d’especes, mais pour la seule propagation* + 143. consistent qu’en l’ame raisonnable*** + 144. en passant chemin*** + 145. lequel nous apprend*** + 146. femesle ce dit* + 147. comtant* + 148. et Jesus-Christ*** + 149. perfection entiere et consumée de la preuve de cette unité des deux sexes.*** + 150. en sa premiere Homilie de l’Hexameron* + 151. sont* + 152. foeminam* + 153. conclure*** + 154. le** + 155. declaration* + 156. athlete* + 157. tesmoin* + 158. poinct-là** + 159. ceste* — cette** + 160. duquel ils devoient*** + 161. le caractere d’une telle image*** + 162. falloit* + 163. d’ailleurs** + 164. pouvans* + 165. dont il porte la ressemblance*** + 166. indifferemment* + 167. et les a constituées*** + 168. ès personnes d’Olda[18] et de Debora* + 169. et davantage** + 170. les a rendues triomphantes avec ce peuple* + 171. Elles les ont d’ailleurs maintes fois* — De plus elles les ont maintes fois** — en temoins dequoy, leurs Cantiques ont l’honneur de tenir rang dans la Saincte Bible, et pareillement ceux de Marie Sœur de Moyse et d’Anne fille de Phanuël. De plus, elles les ont plusieurs fois*** + 172. climats* + 173. encores ?* + 174. qu’elles ont*** + 175. un* + 176. Penthasilée* — Pentasilée** + 177. ny Virgile n’a sceu consentir à la mort de Camille, au milieu d’une furieuse armée, qui sembloit ne redouter qu’elle ; sinon par l’embusche et la surprise d’un traict tiré de loing. Epicharis, Læena, Porcia, la mère des Machabées, nous pourront-elles servir de preuve, combien les Dames sont capables de cét autre triomphe de la force magnanime, qui consiste en la constance et en la souffrance des plus aspres travaux ?** + 178. ce mot par occasion (supprimé)** + 179. force considérée en toutes ses espèces ?** + 180. suivant* + 181. si** + 182. en*** + 183. qu’on void evidemment que le mespris en est hors** + 184. outre que Saincte Tecle et Appia, tenoient rang au nombre de ses plus chers enfans et Disciples*** + 185. Et sans adjouster que la Magdeleine** + 186. entre autres au Calendrier des Grecs publié par Genebrard* + 187. Apostres** + 188. reproche* + 189. témoignage** + 190. des predications de la Magdeleine*** + 191. Sybiles*** + 192. inspiration divine** + 193. l’advenement* + 194. et faudra qu’il nous die apres, s’il peut nier celles de Saincte Catherine de Sienne, que le bon et Sainct Evesque de Genève me vient d’apprendre.*** — Au reste, toutes nations* — Au reste toutes les Nations** + 195. soient* + 196. accordée* + 197. de prevariquer*** + 198. d’octroyer une permission de violer et de profaner*** + 199. cette** + 200. les en ont estimées dignes et qu’ils*** + 201. communiquer*** + 202. l’authorité* + 203. eux-mesmes du sexe masculin*** + 204. droict*+ 205. le ravalement*** + 206. Hierosme* + 207. en ses Epistres, sur nostre propos* — en ses Epistres** + 208. action et toute science honneste** — autre Science et toute action des plus exquises et solides, disons en un mot, de la plus haute Classe :*** + 209. suivant* + 210. par tous ses Escrits** — honore* + 211. authorise** + 212. ce*** + 213. de sorte qu’il dédie à la Vierge Eustochium ses Commentaires sur Ezechiel, A jaçoit qu’il fust deffendu aux Sacrificateurs mesmes, d’estudier ce Prophete avant trente ans. B Je lisois l’autre jour un deviseur, declamant contre l’authorité que les Protestans concedent vulgairement à l’insuffisance C des femmes, de feuilleter l’Escriture : en quoy je trouvay qu’il avoit la meilleure raison du monde, s’il eust D faict pareille exception sur l’insuffisance des hommes, en cas de telle permission vulgaire : insuffisance E neantmoins qu’il ne peut voir, F d’autant qu’il ont l’honneur de porter barbe comme luy.* — A. quoy** — B. Quiconque lira ce que Sainct Gregoire encores escrit au sujet de sa sœur, ne le trouvera pas moins favorable vers elles que S. Hierosme** — C. pretenduë*** — D. fait*** — E. toute fois*** — F. parce qu’ils** + 214. et*** + 215. troi** + 216. Sainct Hierosme et Sainct Gregoire** + 217. de la** + 218. je parle*** + 219. ne** + 220. non tant* +221. que* + 222. et speciale* + 223. semblent estre quelques bouillons d’une vigueur personnelle, plustost que des advantages et des dons du sexe feminin*** + 224. puisqu’il est** + 225. lasches et (supprimé)*** + 226. besoin, en si difficile entreprise* + 227. un*** + 228. un don d’inspiration* — une faveur d’inspiration*** + 229. un don de prerogative*** + 230. et particuliere* — et speciale** — et speciale envers*** + 231. humain et volontaire** + 232. et large (supprimé)*** + 233. d’autant qu’il s’estendit*** + 234. Ceste* + 235. gueriers** + 236. ayt* + 237. cette parolle*** + 238. ceste* + 239. D’ailleurs*** + 240. declara*** + 241. afin* + 242. selon le noble mot de Sainct Hierosmes, au Prologue, sur le prophete Sophronias* — selon le celebre mot etc.*** + 243. et comme*** + 244. observer** + 245. également aux femmes et aux hommes** — en mesme instant et de mesme sorte aux femmes qu’aux hommes*** + 246. d’Anna fille de Phanuel prenommée*** + 247. à* — par l’esprit Prophétique, à mesme instant** — par l’esprit Prophétique avecque le bon vieillard Sainct Simeon alors qu’il fut circoncis : et devant eux saincte Elisabet, dés qu’il estoit encore enveloppé dans les cachettes du ventre Virginal*** + 248. que je viens d’alleguer*** + 249. haute* + 250. nai* — né** + 251. falloit* + 252. seance* + 253. afin* + 254. signamment* — mesmement** + 255. du choix** + 256. ou relever*** + 257. cestuy* + 258. montre** + 259. D’autre part*** + 260. ceste* + 261. assomption* + 262. aussi** — encores en un suject*** + 263. Qui plus est, il se peut dire à l’adventure, de son humanité, qu’elle emporte cét A advantage par dessus celle-là de Jesus-Christ ; que le sexe qui n’est point necessaire en luy, pour la B redemption son office propre, l’est en elle pour la maternité, son office aussi.* — A. prerogative*** — B. Passion et pour la Ressurrection et la Redemption des humains, ses offices propres*** + 264. l’Escriture* + 265. peut** + 266. un** + 267. authoritez* + 268. des*** + 269. sexes** + 270. ouy leur unité* — disons** + 271. en suite*** + 272. se donner à*** + 273. ceste* + 274. de l’Evangile* + 275. exprex*** + 276. la*** + 277. Ce besoin*** + 278. doute* + 279. conjoinctes*** + 280. A la commune foiblesse des esprits ne pouvant souffrir, que la concorde naquist du simple discours de raison, ainsi qu’elle eust deu faire eu un juste contrepoids B d’authorité mutuelle : comme* — A car la commune foiblesse des esprits ne pouvoit souffrir*** — B. d’authorité mutuelle : ny** + 281. ne pouvoit permettre aussi* — permettre aussi** + 282. submission* + 283. vint* + 284. ceste submission* + 285. fust* + 286. chastiment* + 287. mangée** + 288. prétendue preference* + 289. croyoit* + 290. Escriture* + 291. trouveroit* + 292. faite*** + 293. Eucharistie* + 294. des** + 295. point* + 296. plus relevé** – plus haut*** + 297. toutes ces choses***.



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  1. Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne, femme de Louis XIII.
  2. Il m’a paru superflu de relever les variantes que présente cette dédicace dans l’Ombre et dans les éditions des Advis de Mademoiselle de Gournay. Elle y a d’ailleurs changé fort peu de chose. Mais il est curieux de constater qu’en 1622 elle a l’air d’ignorer la mort de Philippe III, décédé le 31 mars 1621. En effet, en 1622 elle dit encore : « au Roy vostre Pere… qui voit » et en 1626 cette phrase est ainsi modifiée : « au feu Roy vostre Pere… qui voyoit. »
  3. On renvoyait la femme désireuse de s’instruire à la quenouille, comme on l’a renvoyée plus tard au pot au feu. Cet argument commode, tiré des occupations ordinaires de la ménagère, a été très employé. Dans les epistres invectives de ma dame Helisenne, composées par ladicte dame : De Crenne [1543] : nous trouvons un passage où la quenouille est également invoquée. Il s’agit de la quatrième épître intitulée Epistre exhibée par ma dame Helisenne à Elenot, lequel excité de presumption temeraire, assiduellement contemnoit les dames qui au solatieux exercice literaire se veulent occuper : mais pour le divertir de sa follie, icy est faicte commemoration des splendides et gentilz espritz, d’aucunes dames illustres. Helisenne indignée s’écrie : « Et parlant en general, tu dis que femmes sont de rudes et obnubilez espritz : parquoy tu conclus, qu’autre occupation ne doibvent avoir que le filler… J’ay certaine évidence par cela, que si en ta faculté estoit, tu prohiberois le bénéfice literaire au sexe femenin, l’improperant de n’estre capable des bonnes lettres. »
    Anne-Marie de Schurman qui est un peu l’élève en féminisme de Marie de Gournay dit, elle aussi : « Je sçay bien, que pour ne nous pas laisser inutiles, on nous donne en partage l’esguille et le fuseau, et que l’on nous dit que cet employ doit estre celuy de nostre sexe. »
  4. Hypathia (n. d. a.)
  5. Dans le traité de l’education des enfans de France, écrit à l’occasion de la première grossesse de Marie de Médicis, Mademoiselle de Gournay fait déjà la même remarque. « Les femmes Françoises, dit-elle, voire les Angloises avec elles, ont un specieux advantage sur celles des autres nations en esprit et galanterie, ouy mesmes sur celles d’Italie, où naist en gros le plus subtil peuple de l’Europe. Et ne sçauroit cét advantage proceder, que de ce que ces premieres sont recordees, polies et affilées au moins par la conversation, les aultres non : recluses qu’elles sont en des cachots, ou pour le meilleur marché, peu meslees parmy le monde. »
    Dans l’édition de 1634, cette phrase : « deux Reynes à la prudence desquelles la France a trop d’obligation » devient « des Reynes et des Princesses qui ne manquaient pas d’esprit. » Cette reculade n’est pas la seule trace d’opportunisme qu’on puisse relever dans l’œuvre de Marie de Gournay.
  6. Erasme, Epist : et Colloq. Politia, Epist : Agripa, Precel : du sexe feminin. (N. d. a.)
  7. Courtizan. (N d. a.) B. Castiglione, auteur du Cortegiano.
  8. Hotman pour l’etymologie des Pairs : du Tillet et Math. Histoire du Rov pour les Dames Pairresses. (N. de l’auteur).
  9. Plut. (N. d. a.)
  10. Homil. I. (N. d. a.)
  11. Olda Debora.
  12. Entre autres au Calendrier des Grecs, publié par Genebrard.
  13. Epist. (N. d. a.)
  14. Electra. (N. d. a.)
  15. Aeneid. I. allusion. (N. d. a.) (Marie de Gournay cite ici sa propre traduction.)
  16. L’ouvrage que Marie de Gournay cite est le volumineux Theatrum Vitæ humanæ de Lycosthenes et Zwinger (1571).
  17. Il s’agit ici du Livre doré de Marc Aurele ou l’Horloge des princes de Guevara, traduit d’espagnol en français en 1537.
  18. Hulda, prophétesse.