Éléments de paléographie/I/1/3

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CHAPITRE III.

des ères autres que l’ère chrétienne.


§I. de l’ère mondaine d’alexandrie et des plus anciens calculs chronologiques, commençant à la création du monde.

La première année de l’ère chrétienne correspond, savoir :

  • Suivant l’historien Josèphe, à l’an du monde 4163 ;
  • Suivant Clément d’Alexandrie, à l’an du monde 5624 ;
  • Suivant Théophile d’Antioche, à l’an du monde 5515 ;
  • Suivant Eusèbe de Césarée, à l’an du monde 5199 ;
  • Suivant Jules Africain, à l’an du monde 5500.

Les quatre premiers calculs n’ont été suivis dans aucun pays. Celui de Jules Africain a été adopté par les Alexandrins ; on le nomme ère d’Alexandrie. Or cet auteur avançait de trois ans l’époque de l’Incarnation ; car, selon les calculs ordinaires, son année 5503 du monde répond, non à la quatrième, mais à la première année de l’ère chrétienne[1]. L’ère des Alexandrins subit une réforme à la fin de l’année 284 de notre ère chrétienne. En tenant compte de la différence de trois ans dont nous venons de parler, cette année était pour eux la 287e depuis la naissance de J. C., et par conséquent la 5787e depuis la création du monde. La réforme consista à retrancher dix ans au calcul de Jules Africain, en sorte que la fin de notre année 284, qui était pour eux l’an 287 de J. C. et l’an du monde 6787, devint l’an 277 de J. C. et l’an du monde 5777.

Ainsi, pour les temps antérieurs à l’an 284, les Alexandrins donnent à la naissance de J. C. une date plus ancienne de trois ans ; et, à partir de l’an 284, ils lui donnent au contraire une date de sept ans plus récente.

§II. ère mondaine d’antioche.

Une réforme introduite vers la fin du ive siècle dans le système de Jules Africain donna naissance à une ère nouvelle qui fut en usage, dit-on, dans l’église d’Antioche. Panodore, moine égyptien, auteur de cette réforme, retrancha dix ans aux calculs de Jules Africain, en sorte que l’an du monde 5490 répondit à l’an 5500 des Alexandrins. Mais comme en 284 les Alexandrins avaient aussi retranché dix années aux calculs de Jules Africain, à partir de la réforme de 284, l’ère mondaine d’Antioche se confond avec l'ère mondaine d’Alexandrie. Seulement il faut remarquer que, dans l’ère d’Antioche, la première année de l’ère chrétienne concorde avec la fin de l’année 5493 et le commencement de l’année 5494 ; tandis que, depuis la réforme des calculs de Jules Africain, la première année de notre ère correspond à la seconde partie de l’année 5490 et à la première partie de l’année 5491 de l’ère mondaine d’Alexandrie.

§III. ère mondaine de constantinople.

Suivant l’ère de Constantinople, les huit premiers mois de la première année de l’Incarnation correspondent aux huit derniers mois de l’an du monde 5509. Cette ère, qui date du milieu du viie siècle, a été depuis cette époque constamment suivie par l’église grecque. Elle a été en usage chez les Russes jusqu’à Pierre le Grand. On distingue, dans l’ère de Constantinople, l’année ecclésiastique, qui a commencé tantôt au 21 mars, tantôt au 1er avril ; et l’année civile, commençant au 1er septembre[2]. Les auteurs de l’Art de vérifier les dates présument qu’il pouvait y avoir aussi une autre année civile,

qu’ils appellent romaine ou consulaire, et qui aurait commencé au 1er janvier.

§IV. ère des séleucides, des grecs ou des syro-macédoniens, autrement dite ère d’alexandre.

On trouve chez les Grecs deux ères d’Alexandre : l’une qui date de l’an 324 avant J. C., et qui n’a presque pas été employée ; l’autre, plus connue sous le nom d’ère des Séleucides, des Grecs ou des Syro-Macédoniens, et qui date de trois cent onze ans et quatre mois avant J. C., ou, suivant d’autres auteurs, de trois cent dix ans et quatre mois. La première année de l’ère chrétienne concorde donc pendant ses huit premiers mois avec la 312e ou la 311e année de l’ère des Séleucides. L’année de l’ère des Séleucides commençait chez les Grecs de Syrie au mois de septembre, chez les autres Syriens au mois d’octobre. Ces deux usages existent encore aujourd’hui en Arabie. À Tyr, on la comptait du 19 octobre ; à Gaza, du 28 de ce mois ; à Damas, de l’équinoxe du printemps. Les Juifs adoptèrent l’ère des Séleucides quand ils furent soumis aux rois de Syrie. Ils commençaient l’année à l’équinoxe d’automne. On prétend qu’ils ont employé cette ère jusqu’à la fin du xve siècle. Telle est, en résumé, l’opinion émise par les auteurs de l’Art de vérifier les dates. Il est bon de faire remarquer qu’ils ne sont pas entièrement d’accord avec une dissertation de Jacobus Usserius, insérée dans le tome VIII du Thesaurus Antiquitatum græcarum. Suivant ce dernier, le commencement de l’année, dans l’ère des Syro-Macédoniens, a été pendant longtemps fixé au 24 septembre[3]. Il indique en outre un ordre différent pour la concordance des mois syro-macédoniens et des mois romains. (Voyez ci-après l’explication qui précède le tableau B.)

§V. de l’ère césaréenne d’antioche, de l’ère actiaque et de l’ère des augustes.

L’ère césaréenne d’Antioche se rapporte à l’érection d’un monument que César éleva dans cette ville en mémoire de la victoire de Pharsale, l’an de Rome 706, avant J. C. 48. Les Syriens commencèrent cette période à l’automne de l’an 706, et les Grecs à l’automne de l’année précédente ; c’est-à-dire que l’automne de la première année de l’ère chrétienne correspond, selon les Syriens, au commencement de la 49e année de l’ère césaréenne d’Antioche, et au commencement de la 50e selon les Grecs. Le premier de ces calculs est constaté par les actes, le second par les médailles.

L’ère actiaque lire son nom de la bataille d’Actium, qui fut livrée le 2 ou le 3 septembre de l’an 723 de Rome, avant J. C. 31. Voici les différents commencements de cette ère :

En Égypte 29 août an de Rome 723, avant J.-C. 31.
Chez les Grecs d’Antioche 1er septembre an de Rome 723, avant J.-C. 31.
Chez les Romains 1er janvier an de Rome 723,[4] avant J.-C. 31.

Cette ère a porté aussi le nom d’ère d’Antioche, chez les Grecs et les Syriens.

On trouve enfin trace d’une autre ère, dite ère des Augustes, qui commence à l’an 727 de Rome, avant J. C. 27.

§VI. de l’ère julienne.

L’ère julienne date de la réformation du calendrier exécutée par Jules-César quarante-cinq ans avant la naissance de J. C. Les inexactitudes que renfermait le calendrier de Numa, en s’accumulant pendant sept siècles, avaient produit un tel dérangement que les mois d’hiver tombaient en automne, et ceux du printemps en hiver. Jules-César ordonna que l’année 707 de Rome (qu’on nomma l’année de confusion) serait composée de 445 jours, et qu’à l’avenir chaque année aurait 365 jours, mais que, tous les quatre ans, on intercalerait un jour après le 24 février, c’est-à-dire que l’on répéterait le sixième jour des calendes de mars. De là le nom d’année bissextile.

C’est le 1er janvier de l’année suivante, 45e avant J. C, que commença la première année julienne. Elle fut bissextile. Mais les pontifes, au lieu d’ajouter le jour intercalaire dans les années 5, 9, 1 3, 17, etc., firent cette addition dans les années 4, 7, 10, 13, etc., de sorte qu’au bout de trente-sept ans, il y avait eu trois intercalations de trop. Auguste corrigea cette erreur en omettant les intercalations des années 41, 45 et 49. L’équilibre ayant été ainsi rétabli, on reprit les intercalations dans les années 53, 57, 61, 65, etc.

Pour trouver à quelle année de l’ère chrétienne correspond une année de l’ère julienne, il suffit de retrancher le nombre 45 à l’année de l’ère julienne ; et, réciproquement, une année de l’ère chrétienne étant donnée, en y ajoutant

45 on aura l’année qui lui correspond dans l’ère julienne.

§VII. ère d’espagne.

L’ère d’Espagne date du 1er janvier qui suivit la conquête de l’Espagne, achevée par Auguste l’an 716 de Rome, 39e avant J. C. Cette ère eut cours en Afrique, en Espagne et dans celles de nos provinces méridionales qui furent soumises aux Wisigoths. Depuis le ixe siècle, on y joignait quelquefois dans les dates les années de l’ère chrétienne. Quelquefois aussi on a confondu ces deux calculs. L’ère d’Espagne fut abolie dans la Catalogne en 1180, dans le royaume d’Aragon en 1350, dans celui de Valence en 1358, dans celui de Castille en 1393. L’an 39 de l’ère d’Espagne commence au 1er janvier de l’ère chrétienne, c’est-à-dire qu’il faut retrancher 38 d’une année quelconque de l’ère d’Espagne pour trouver l’année correspondante de l’ère chrétienne[5].

Il paraît que l’usage de l’ère d’Espagne cessa en Portugal dès le commencement du xiie siècle, sous le règne d’Alphonse Henriquez, fondateur de la monarchie portugaise. Quelques auteurs prétendent cependant que cette ère y fut employée jusqu’en 1415, ou même en 1422.

§VIII. ère de dioclétien et des martyrs.

Dioclétien, en montant sur le trône, donna son nom à une ère nouvelle, que ses persécutions contre l’église firent appeler ensuite ère des martyrs. Les années de cette ère sont réglées sur le calendrier égyptien. L’année égyptienne se composait autrefois de douze mois de trente jours chacun, à la suite desquels venaient cinq jours intercalaires, nommés épagomènes. La seizième année de l’ère julienne, les astronomes d’Alexandrie décidèrent que tous les quatre ans on ajouterait un sixième épagomène. On peut remarquer en passant que les divisions de ce calendrier répondent à celles de notre calendrier républicain, qui partageait l’année en douze mois de trente jours chacun, après lesquels venaient cinq ou six jours complémentaires. Comme l’année égyptienne commençait le 29 août de l’année julienne, le commencement de l’ère dioclétienne répond au 29 août de l’an 284 de l’ère chrétienne. Quand on lui substitua le nom d’ère des martyrs, on ne lui assigna pas un autre commencement, quoique l’édit de persécution lancé par Dioclétien date seulement de l’an 303.

Nous avons dit que le commencement de l’année dans l’ère des martyrs PARTIE I. — CHAPITRE III. 49

pondait au 29 août de l’année julienne ; mais l’année intercalaire, ayant un jour de plus, ne se termine que le 29 août au lieu du 28. Par conséquent elle recule au 3o août le commencement de l’année qui suit. Cette nouvelle année, au contraire, finit avec le 28 août , parce qu’elle concorde avec l’année bissextile du calendrier de Jules-César.

S IX. de l’ère de la fondation de rome et de la période julienne. On peut aussi considérer comme une ère l’époque de la fondation de Rome, qui a servi de point de départ à la chronologie de plusieurs historiens. Suivant l’opinion la plus généralement suivie, Rome fut fondée le 2 1 avril de l’an 753 avant J. C. L’an 2 de la fondation de Rome n’a donc commencé que le 21 avril de l’an 782 avant J. C. Mais, parmi les auteurs qui ont employé cette époque , il en est plusieurs qui font cadrer les années de la fondation de Rome avec l’année vulgaire. Dans ce système, l’an 2 de la fondation de Rome court du 1 er janvier au 3i décembre de l’an 762 avant J. C, et par conséquent le i cr janvier de Tan I er de l’ère chrétienne tombe le premier jour de l’an de Rome 754. On voit donc que, pour trouver à quelle année de la fondation de Rome appartient une année quelconque de l’ère chrétienne, il suffit d’ajouter à l’année de l’ère chrétienne le nombre 753. Le tableau A indique la modification qu’on doit faire subir à cette formule quand on considère le 2 j avril comme le premier jour des années de la fondation de Rome. On a aussi indiqué au bas de ce tableau le calcul à faire pour ramener aux années avant J. C. les 7.53 premières années de la fondation de Rome, de même que les années de toutes les ères antérieures à l’ère chrétienne. Pour se rendre raison de la formule indiquée, il suffit de remarquer que les années de la fondation de Rome antérieures à l’ère chrétienne suivent une progression croissante depuis 1 jusqu’à 753, pendant que les années avant J. C. suivent une progression décroissante depuis 753 jusqu’à 1 ; en sorte que, si Ton ajoute les chiffres des termes qui se correspondent dans ces deux progressions, on obtient pour résultat de l’addition le nombre 754. Il en résulte qu’en retranchant le chiffre d’une année quelconque avant J. C. du nombre fixe 754, on obtient pour reste l’année correspondante de la fondation de Rome , et, par la même raison, qu’en retranchant du même nombre *]bl. le chiffre dune année de la fondation de Rome, on obtient Tannée avant J. C.

Pour éviter tous les calculs auxquels il faut recourir pour établir la concordance des différentes époques qui ont servi de base à la chronologie, Joseph Scaliger imagina vers i58o une ère fictive, composée de 7980 années, et qui 7 50 ÉLÉMENTS DE PALÉOGRAPHIE.

porte le nom de période julienne. L’an i er de notre ère vulgaire concorde avec l’an 4 7 1 k de cette période , et , par conséquent, la première année de cette période correspond à l’an 471 3 avant J. C.Ce que nous avons dit des 7 53 premières années de la fondation de Rome s’applique aux 4.7 1 3 années de la période julienne qui sont antérieures à l’ère chrétienne. Le nombre fixe sur lequel on doit opérer est à’/iâ- En retranchant de ce nombre le chiffre d’une année quelconque avant J. C, on obtient pour reste l’année correspondante de la période julienne ; et, réciproquement, en retranchant du même nombre 4 7 1 4 le chiffre d’une année de la période julienne, on obtient l’année avant J. C. S X. OBSERVATIONS SUR LES TABLEAUX A ET B.

En examinant le tableau A, on verra qu’une addition ou une soustraction suffit pour donner la correspondance des années de l’ère chrétienne avec celles des ères les plus importantes que renferment les premiers paragraphes de ce chapitre. Ce tableau présente donc, dans un espace beaucoup mois étendu, l’équivalent des renseignements que fournit à cet égard la table chronologique de l’Art de vérifier les dates. Il a été possible d’y indiquer en outre les modifications qu’on doit faire subir au calcul en raison de l’époque à laquelle l’année commence dans chacune des ères dont il s’agit, de sorte que l’on connaîtra toujours exactement l’an , le mois et le jour de notre calendrier qui correspondent dans une autre ère, soit au commencement, soit à la fin d’une année. Le même tableau présente les différentes supputations qui ont été en usage pour l’ère des Séleucides, pour l’ère césaréenne d’Antioche et pour l’ère d’Alexandrie. Toutefois il a paru inutile d’ajouter une formule particulière pour retrouver l’époque assignée à l’incarnation dans le système de Jules Africain : on n’a dû tenir compte ici que de l’opinion généralement adoptée. Il suffira d’avertir que , pour appliquer au système de Jules Africain la formule du tableau , il faut diminuer de 3 les nombres marqués dans la colonne de l’ère d’Alexandrie.

PARTIE L — CHAPITRE III. 51 TABLEAU A. NOMBRES QU’IL FAIT llETnANCIIER il une année quelconque de l’i'ie chrétienne pour obtenir l’année correspondante de t. 383. 284. Du 21 avril au 3i décembre. Du 1 er janvier au 20 avril.. . NOMBRES QU’IL FAUT AJOUTER A ONE ANNÉE QUELCONQUE DE l’Ère CHRÉTIENNE pour oblenir l’année correspondante de 7 53. 752. Du 2g août au 3i décembre. Du 1" janvier au 28 août.. . , 55o3. 55o2. Su m 00 S" a 54 9 3. 5493, Du 1" septembre au 3i décembre. Du i er janvier au 3i août 55o9 55o8 a 5^93. 5492. 48. 48. 47- Du 1" octobre au 3i décembre.. Du 1" janvier au 3o septembre. ou suivant Usserius, Du a4 septembre au 3i décembre. Du 1" janvier au s3 septembre. K O 3i2 ou 3i 1 3 1 1 ou 3 1 o 3 1 2 ou 3 1 1 3i 1 ou 3io ta T3 33, 33 ou 34 38. A toute époque de l’année. 47i3. 45. 38. Au contraire, il faut ajouter les nombres ci-dessus à une année quelconque de chacune de ces ères pour obtenir l’année correspondante de l’ère chrétienne. Au contraire, il faut retrancher les nombres ci-dessus d’une année quelconque de chacuno de ces ères pour obtenir l’année correspondante de 1ère chrétienne. iV. B. Pour les temps antérieurs à l’ère chrétienne, on ramène aux années de chacune de ces époques les années avant J. G. ; et, réciproquement, on ramène aux années avant J. G. les années de chacune de ces époques, en augmentant de 1 les nombres ci-dessus, et en retranchant de ces nombres ainsi augmentés le chiffre de la date dont il s’agit. La différence exprime la concordance cherchée. 1" Exemple : A quelle année avant J. C. correspond le i3 août de l’an 3i5 de la fondation de Rome ? Cette date étant comprise entre le 2 1 avril et le 3i décembre, c’est le nombre 753 que je dois augmenter de 1. De ce nombre ainsi augmenté, c’est-à-dire de 764, je retranche 3iô, et je trouve pour différence 43 9 : c’est-à-dire que le i3 août de l’an de Rome 3i5 correspond à l’an 43 9 avant J. G. 2* Exemple : A quelle année de l’ère mondaine d’Anlioche correspond le 26 avril de l’an 371 7 avan t J. C. ? Cette date étant comprise entre le i rr janvieret le 3i août, cest le nombre 5492 que je dois augmenter de r. Je retranche donc 3717 de 54 9 3, et je trouve pour différence 1776 : c’est-à-dire que le 25 avril de l’an 3717 avant J. C. correspond à l’an 1776 de 1ère mondaine d’Antioche. Pour compléter les renseignements que renferme le tableau précédent, il nous reste à indiquer comment les mois romains correspondent aux mois syriens, grecs, égyptiens et éthiopiens, suivant l’ordre du calendrier de ces différentes nations.

Nous avons averti , en traitant de l’ère des Grecs ou des Syro-Macédoniens , que les auteurs de l’Art de vérifier les dates ne s’accordaient pas avec Jacobus Usserius, sur la correspondance des mois grecs et des mois romains. Il est bon d’abord de faire observer qu’en désignant sous le nom de mois grecs les mois dont on se servait dans l’ère des Séleucides, les auteurs de l’Art de vérifier les dates ont entendu parler seulement des Grecs d’Asie. En effet les noms de ces mois, qu’on trouve à la 3 e colonne du tableau B ( i re partie), diffèrent entièrement de ceux des anciens mois lunaires attiques que nous avons placés dans la 5 e colonne du même tableau ; ils sont au contraire exactement les mêmes que ceux des anciens mois lunaires des Macédoniens, qu’on trouve à la 4 e colonne du tableau, dans l’ordre où ils répondaient aux mois lunaires attiques. On remarquera de plus que les auteurs de l’Art de vérifier les dates ont conservé à ces mois, devenus mois solaires, le même ordre qu’ils avaient comme mois lunaires. Au contraire , dans le système de Jacobus Usserius , ce n’est plus le mois de ropmcuoç, qui commence l’année solaire , mais le mois de Aîo$ chez les Macédoniens d’Europe, et le mois de e T7apCëpèrcL7oç chez les Syro-Macédoniens. Nous avons dit d’ailleurs que, selon Jacobus Usserius, ce premier mois, quel que soit le nom qu’on lui donne, commence, non le 1 er , mais le 2 4 septembre. Le même auteur reconnaît cependant que, depuis l’établissement de l’ère julienne, on rencontre des textes desquels il résulte que le mois de TopmaÂoc, commençait le i er septembre, quoique l’ancien usage ait été employé concurremment, au moins jusqu’à la fin du vi c siècle. La 8 e et la 9 e colonnes renferment deux autres nomenclatures des mois de l’année, dont l’une était en usage à Chypre, et l’autre en Bithynie. Les deux dernières colonnes indiquent le nombre des jours de ces diflérents mois et leur commencement, soit dans les années communes, soit dans les années intercalaires. Comme l’année bissextile du calendrier julien concourt avec l’année intercalaire des Syro-Macédoniens, l’addition du 29 e jour au mois de février ne dérange la concordance des dates que pour les six mois suivants. En effet le dernier mois de l’année syro-macédonienne ayant trente-et-un jours dans l’année intercalaire, et commençant le 2 k août au lieu du 2 5, se terminera le 2 3 septembre comme dans les années communes.

La deuxième partie du tableau est empruntée en entier à l’Art de vérifier les dates.

TABLEAU B.

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XI. DE QUELQUES AUTRES ÈRES MOINS USITÉES.

Outre les ères dont nous avons parlé jusqu’à présent, les auteurs de l’Art de vérifier les dates en citent quelques autres qui sont plus rarement employées, et qu’ils n’ont pas comprises dans leur table chronologique. Nous allons les indiquer en peu de mots.

L’ère d’Abraham date de la vocation de ce patriarche. Eusèbe et Idacius en ont fait usage dans leurs chroniques. L’an 2017 de l’ère d’Abraham commence au i er octobre de l’an I er de J. C.

L’ère de Nabonassar a été surtout employée dans les tables des anciens astronomes. Elle a dû commencer un mercredi 26 février de l’an 7^7 avant J. C. Mais comme elle n’a que des années de trois cent soixante-cinq jours, et que, dans le cours de mille quatre cent soixante ans, l’ère julienne a trois cent soixante-cinq années bissextiles , il en résulte que mille quatre cent soixante années juliennes répondent à mille quatre cent soixante et une années de l’ère de Nabonassar.

L’ère de Tyr, qui est antérieure de cent vingt-cinq ans à celle de J. C, a été employée dans la date de quelques conciles. L’an 1 2 7 de cette ère commence le 19 octobre de l’an i er de J. C.

L’ère des Arméniens, désignée dans quelques titres français sous le nom (YEtreure des Ermines, a commencé le mardi 9 juillet de l’an 552 de J. C. L’ère d’Isdegerde III, roi de Perse, a commencé le 1 6 juin de l’an de J. C. 63 2 . Cette ère a été composée d’années de trois cent soixante-cinq jours seulement, jusqu’au temps de Malek-Schah-Dgélaleddin , qui ordonna, à partir de l’an 1075 de J. C, l’intercalation du bissextile, mais d’après un système autre que celui de l’ère julienne. Cette ère ainsi réformée se nomme ère gélaléenne ou malaléenne.

Il nous reste à parler de l’ère des olympiades et de 1ère de l’hégire, dont la concordance avec les années de l’ère chrétienne ne pouvait être présentée qu’à l’aide de tableaux particuliers. Nous passerons ensuite au cycle de l’indiction et aux éléments de chronologie qui font essentiellement partie du calendrier chrétien.

s xn.

DES OLYMPIADES,

L’ère des olympiades, instituée par les Grecs et adoptée ensuite par les Latins, fut, dit-on, remplacée par l’indiction dans le courant du iv c siècle. Cependant , d’après un texte de Cedrénus, elle n’aurait été abolie que la seizième et derPage:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/81 58 ÉLÉMENTS DE PALÉOGPxAPHIE. se sont écoulées depuis la io,5 e jusqu’à la 226 e olympiade. Comme vingt-cinq olympiades correspondent exactement à un siècle, il est facile de voir qu’en ajoutant au chiffre de chacune des olympiades du I er siècle de l’ère chrétienne les nombres 25, 5o, 75, 100, etc., on obtiendra les olympiades qui concordent avec le 11 e , le 111 e , le iv e , le v e siècle, etc. Enfin le tableau E présente la concordance du premier et du dernier jour de quarante-quatre années olympiques avec les dates de 1ère chrétienne qui leur correspondent, i° selon le calcul ordinaire, 2 selon saint Jérôme, 3° selon George le Syncelle. Ce tableau s’arrête, il est vrai, à l’olympiade 2o5 ; mais au moyen d’un calcul facile on obtient les concordances propres à chacune des olympiades suivantes. On peut par exemple appliquer les indications du tableau E : Aux olympiades 206 à 2 i5, i° en ajoutant 10 / 2 en ajoutant do 2l6 à 225, 226 a 235, 236 à 2 45, 2/16 à 255, 256 à 265, 266 à 275, 276 à 285, 286 à 2g5, 296 à 3o5, 20 3o , H /10I i 3 ’ t—> • 5ol > < 60/ I Vi t—t 70 80’ 1 ^ 1 1 LO 1 9° 1 O f 00 / " 80 120 160 200 2/lO 280 I 320 36o 4oo aux années de J. C. qui correspondent, sur le tableau E, aux olympiades 196 a 205. Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/83 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/84 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/85 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/86 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/87 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/88 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/89 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/90 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/91 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/92 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/93 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/94 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/95 Page:Wailly - Éléments de paléographie, I.djvu/96

  1. Pour avoir une idée tout à fait précise de la correspondance d’une année de l’ère chrétienne avec une année de l’ère mondaine d’Alexandrie, il faut savoir que les années de l’ère mondaine d’Alexandrie commençaient le 29 août. Ainsi, quand nous disons que la première année de l’ère chrétienne correspond à l’an 5503 de l’ère d’Alexandrie, nous entendons parler seulement des sept premiers mois et des vingt-huit premiers jours du mois d’août. En effet, à partir du 29 août, l’an 1er de l’ère chrétienne correspond à l’an 5504 de l’ère d’Alexandrie. De même, selon le calcul de Jules Africain, la quatrième année de l’ère chrétienne répond, jusqu’au 28 août, à l’an 5503, et depuis le 29 août à l’an 5504 de l’ère d’Alexandrie.
  2. Les diplômes grecs de Roger, roi de Sicile, fournissent plusieurs exemples de l'emploi de dette ère. Un de ces actes, qui correspond à l'an de J. C. 1130, se termine ainsi : Ἐγράφη έν τῂ παρὰ τοὺ κράτους πολες Μεσσήνῃ μηνὶ Μαίῳ ιωδ. ή ἐν τὼ ςχλή. Scriptum est in urbe Messaná, quae est sub potestate nostra, mense maio, indictione (◌́n) VIII, anno (ςχλή) 6638
  3. Jacobus Usserius ne fixe pas 1 époque à laquelle cet usage aurait cessé ; mais il établit que les deux manières de commencer l'année, soit au 1er, soit au 24 septembre, étaient employées concurremment dès le ier siècle, et qu'on servait encore au ive.
  4. Comme les années de la fondation de Rome commencent au 21 avril, le 1er janvier de l’an 30 avant Jésus-Christ correspond à l’an de Rome 723.
  5. Citons pour exemple un diplôme d’Alphonse VII, daté à la fois de l’ère d’Espagne et de l’ère chrétienne : Factum est autem hoc testamentum erá MCLXX, anno ab Incarnatione Domini MCXXXII. On voit qu’il y a 38 de différences entre ces nombres.