Aller au contenu

Élisabeth Seton/I

La bibliothèque libre.
La Compagnie de Publication de la Revue Canadienne (p. 8-10).

I


Mme Seton (Élisabeth-Anna Bayley) naquit à New-York, en 1774, de Richard Bayley, cadet d’une noble famille d’Angleterre, et de Catherine Charlton, fille d’un ministre anglican.

Son père devait arriver au plus haut rang dans la profession médicale, mais sa mère mourut fort jeune.

Élisabeth n’avait pas encore trois ans quand elle la perdit et toutes ses affections se reportèrent sur son père.[1]

Richard Bayley avait une rare élévation de caractère. Chirurgien très distingué, savant illustre, il n’en restait pas moins de la race des aimants, des dévoués, et le malheur de sa fille rendit sa sollicitude plus inquiète et plus tendre.

L’enfant avait toutes les grâces, les dons les plus rares, les plus charmants, et sa pensée s’envolait comme naturellement vers l’autre vie.

Elle avait quatre ans quand elle perdit sa petite sœur Catherine, qui n’en avait que deux.

Après l’avoir vu mettre dans son cercueil[2], Élisabeth alla s’asseoir sur l’un des degrés du seuil de la maison et y resta longtemps, silencieuse, les yeux fixés au ciel

« Eh quoi ! lui dit quelqu’un, la petite Kitty — que vous aimiez tant — est morte et vous ne pleurez point !

— Non, répondit-elle, parce que Kitty est au ciel. Je voudrais bien pouvoir aussi aller au ciel avec maman. »

Elle aimait passionnément le jeu. Mais un jour, malgré ses supplications, ses petites compagnes s’obstinèrent à détruire un nid d’oiseau. Élisabeth pleura amèrement et son chagrin fut long à se guérir. Depuis, elle aima toujours mieux jouer et se promener seule. À la fin de sa vie, notant ses chers souvenirs, Madame Seton écrivait, se reportant à ses jeunes années :

« Mon admiration pour les nuages ; mon bonheur à les contempler toujours avec une pensée pour ma mère et pour Kitty, toutes deux au ciel. — Mon bonheur à rester seule assise au bord de la mer, à errer pendant des heures sur la plage, chantant, ramassant des coquillages. La moindre petite feuille, la moindre fleur, un insecte, un animal, l’ombre des nuages, le frémissement du feuillage, tout sujet de pensées vagues, indéfinies, vers Dieu et vers l’autre vie. »

Dès sa petite enfance, on put reconnaître qu’elle avait reçu le don redoutable de la sensibilité extrême. Sa tendresse pour son père touchait à l’adoration. Jamais il ne lui arriva de lui désobéir. Le désir de lui plaire lui donnait le courage de l’effort, de l’application soutenue. Heureux ceux qui commencent la vie avec le sentiment d’une vénération profonde.

  1. Le docteur Bayley se remaria ; il eut d’autres enfants, mais sa tendresse pour Élisabeth n’en fut pas diminuée.
  2. « Chers souvenirs.  »