Élisabeth Seton/VII

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La Compagnie de Publication de la Revue Canadienne (p. 20-21).

VII


Le traité de paix de 1803 semblait devoir permettre à William Seton d’améliorer ses affaires. Mais les dévorantes inquiétudes et le travail incessant avaient ruiné sa santé. Tous les soins restèrent impuissants ; et les médecin conseillèrent un voyage sur mer et un long séjour dans un climat plus doux.

William Seton fut ravi de la proposition. Il avait gardé des relations fort affectueuses avec MM. Filicchi, chez qui il avait passé de si agréables années. Plusieurs fois les deux banquiers italiens étaient venus à New-York ; l’aîné Filippo avait même épousé une Américaine. William Seton décida qu’il se rendrait en Toscane, chez ces amis de sa jeunesse.

La pensée de revoir l’Italie avec Élisabeth le transportait. Plein d’illusions, comme tous les poitrinaires, il faisait mille projets.

Sa femme semblait s’y intéresser ; mais, « rien n’est douloureux à la nature humaine comme une grande crainte mêlée d’un faible espoir », et Élisabeth avait fort à faire pour cacher ses angoisses.

Le voyage lui apparaissait comme la voie douloureuse ; s’unissant à la passion du Christ, elle baisait souvent la petite croix d’or qu’elle portait.

Mme Seton avait décidé d’emmener sa fille aînée Anna-Maria, qui avait alors huit ans. Elle confia ses quatre plus jeunes enfants à la tendresse de ses parents et peu avant son départ écrivit à Mme Sadler, l’une de ses plus chères amies :

« Depuis que je ne vous ai vue mon William a beaucoup souffert. Ils disent tous que c’est témérité, que c’est presque folie à nous d’entreprendre ce voyage, mais vous savez que nous ne raisonnons pas ainsi. Nous allons partir. Nous nous appuyons sur Dieu, notre unique force. Mon âme est remplie de reconnaissance envers lui ; car assurément, avec tant de sujets que nous avons de renoncer toutes nos espérances ici-bas, nous irons chercher naturellement, sans le moindre effort, là-haut, notre repos. Mon Dieu ! se peut-il bien que nous soyons là réunis un jour, sans crainte d’être séparés jamais ! Je m’appuie sur une foi ardente ; et alors je sens que tout est bien, que tout repose en la miséricorde de Dieu ; qu’il vous bénisse », chère Éliza, comme mon âme vous bénit. Et maintenant je suis hors d’état, de rien vous dire, si ce n’est que vous preniez souvent entre vos bras mes chers petits enfants ; et encore, que vous ne laissiez jamais vos pensées s’arrêter sur quoi que ce soit venant de moi qui aurait pu vous faire de la peine. Je sais bien que vous ne l’auriez pas fait ; mais, voyez-vous, quand je pense à tout ce que j’aime, il me semble que je touche à mon heure dernière. »

Le 2 octobre, M. et Mme Seton s’embarquaient avec leur petite fille sur le brick The Sheperdess.

L’affection d’Élisabeth pour Rebecca Seton avait grandi avec les souffrances et les épreuves. Sa belle-sœur lui était une force, un appui. S’en séparer lui fut par-dessus tout, pénible : et à cette amie incomparable, confidente de toutes ses pensées, elle promit le journal des événements et des impressions du voyage.