Éloge de la folie (Nolhac)/LVIII

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Traduction par Pierre de Nolhac.
Garnier-Flammarion (p. 76).

LVIII. — De même, les cardinaux pourraient songer qu’ils sont les successeurs des Apôtres, qui leur imposent de continuer leur apostolat, et qu’ils ne sont pas les possesseurs, mais les dispensateurs des biens spirituels, dont ils auront bientôt à rendre un compte rigoureux. S’ils philosophaient, si peu que ce fût, sur leur costume et se disaient : « Que signifie ce rochet, sinon la parfaite pureté des mœurs ? cette robe de pourpre, sinon le plus ardent amour de Dieu ? ce vaste manteau aux larges plis, qui couvre jusqu’à la mule du révérendissime et pourrait encore revêtir un chameau, sinon l’immense charité qui doit se répandre sur tous et subvenir à tous les besoins : instruire, exhorter, consoler, corriger, avertir, mettre fin aux guerres, résister aux mauvais princes, et sacrifier généreusement pour le troupeau du Christ non seulement ses richesses, mais son sang ? et qu’est-il besoin de richesses pour qui tient le rôle des pauvres Apôtres ? Si les cardinaux, dis-je, réfléchissaient à tout cela, loin d’ambitionner le rang qu’ils occupent, ils le quitteraient sans regret et préféreraient mener la vie de labeur et de dévouement qui fut celle des anciens Apôtres.