Épaves (Baudelaire, 1866)/Sur les débuts d’Amina Boschetti

La bibliothèque libre.



XXI

SUR LES DÉBUTS D’AMINA BOSCHETTI


AU THÉÂTRE DE LA MONNAIE, À BRUXELLES



Amina bondit, — fuit, — puis voltige et sourit ;
Le Welche dit : « Tout ça, pour moi, c’est du prâcrit ;
Je ne connais, en fait de nymphes bocagères,
Que celle de Montagne-aux-Herbes-Potagères. »



Du bout de son pied fin et de son œil qui rit,
Amina verse à flots le délire et l’esprit ;
Le Welche dit : « Fuyez, délices mensongères !
Mon épouse n’a pas ces allures légères. »


Vous ignorez, sylphide au jarret triomphant,
Qui voulez enseigner la walse à l’éléphant,
Au hibou la gaîté, le rire à la cigogne,


Que sur la grâce en feu le Welche dit : « Haro ! »
Et que le doux Bacchus lui versant du bourgogne,
Le monstre répondrait : « J’aime mieux le faro ! »


1864.