Épitres (Horace, Leconte de Lisle)/I/3
Traduction Leconte de Lisle, 1873
Julius Florus, je voudrais savoir dans quelle
contrée du monde combat Claudius, le beau-fils
d’Augustus. Est-ce la Thraca, l’Hébrus enchaîné
par la glace, ou le détroit qui court entre les
deux tours voisines, ou les grasses plaines et les
collines de l’Asia qui vous retiennent ? Quelle œuvre
prépare la savante cohorte ? je m’inquiète aussi
de cela. Qui se charge d’écrire les actions d’Augustus ? Qui racontera à la postérité les guerres
et les traités de paix ? Et Titius, qui sera nommé avant peu par les bouches Romaines, qui, dédaignant les sources connues, n’a point pâli de boire
à celle de Pindarus, comment se porte-t-il ? Se
souvient-il de nous ? Tente-t-il, sous l’auspice de
la Muse, d’adapter les modes Thébains aux lyres
Latines, ou devient-il furieux et hausse-t-il la voix
dans la tragédie ? Dis-moi ce que fait Celsus : on
l’a averti et on l’avertira encore d’user de ses propres richesses et de ne point toucher aux écrits
qu’amasse Apollo Palatinus, de peur que, si le
peuple des oiseaux vient un jour redemander ses
plumes, la corneille fasse rire d’elle quand elle
sera dépouillée de ses couleurs dérobées. Et toi,
que tentes-tu ? Autour de quels thyms voltiges-tu
avec agilité ? Ton génie n’est ni étroit, ni inculte,
ni rude. Soit que tu aiguises ta langue pour tes
causes, soit que tu te prépares à interpréter le
droit civil, soit que tu composes d’aimables vers,
tu emporteras les premières couronnes du lierre victorieux. Car, si tu pouvais renoncer à ce qui
fomente tes soucis et te refroidit, tu irais partout
où la céleste sagesse te guiderait. C’est elle, petits
et grands, qu’il faut nous hâter d’étudier, si nous
voulons vivre chers à la patrie et à nous-mêmes.
Tu devras aussi m’apprendre si Munatius est envers toi comme il convient, ou si votre amitié est
mal cimentée et se rompra. Mais vous, dont un
sang ardent ou l’ignorance des choses a irrité la tête
chaude, en quelque lieu que vous viviez, ne brisez
point votre lien fraternel. J’engraisse la génisse
consacrée à votre retour.