Épodes (Horace, Leconte de Lisle)/15
Traduction Leconte de Lisle, 1873
Il était nuit, et la lune resplendissait au ciel
pur, au milieu des astres inférieurs, quand tu me
jurais, devant bientôt outrager la majesté des grands Dieux, et par mes propres paroles, et me
serrant de tes bras flexibles plus étroitement que
le chêne n’est étreint par le lierre : « Tant que le
loup sera redoutable au troupeau, tant qu’Orion,
fatal aux matelots, troublera la mer hivernale,
tant qu’un souffle agitera les cheveux flottants
d’Apollo, notre mutuel amour durera. » Ô Néæra !
combien tu gémiras de mon courage ! car, s’il y
a quelque chose d’un homme dans Flaccus, il ne
souff’rira pas que tu donnes toutes tes nuits à un
plus aimé, et il cherchera, irrité, un amour égal
au sien ; et ma fermeté ne cédera point à ta beauté
odieuse, même si tu en ressentais une douleur
sincère. Et toi, qui que tu sois, et qui, plus heureux, marches aujourd’hui triomphant de mon
mal, quand tu serais riche de nombreux troupeaux
et de grands domaines, quand le Pactolus ne coulerait que pour toi, quand les secrets de Pythagoras rendu à la vie te seraient révélés, quand tu
vaincrais Nireus en beauté, hélas ! tu pleureras
aussi cet amour livré à un autre, et j’en rirai à
mon tour !