Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin/05

La bibliothèque libre.

V.


Bien qu’il ne reçût plus les restes mortels des principaux membres de la famille qui l’avait fondé, le monastère de La Vassin ne fut cependant pas oublié par les descendants de ses premiers maîtres. En outre, plusieurs des seigneurs de la province ne manquèrent pas de le comprendre, à différentes dates, dans la distribution de leurs largesses suprêmes.

Dans son testament de 1296, Robert III, comte de Clermont et d’Auvergne, donne à ce couvent la somme de dix livres une fois payée.

Dans un testament postérieur, en date de l’année 1302, le même Robert lui fait un legs de quinze cents livres tournois, avec stipulation qu’on diviserait cette somme pour les besoins de la communauté[1].

En 1317, par acte de dernières volontés passé le samedi après la fête de Saint-Géraud, Bernard VIII lègue à La Vassin cent sous payables chaque année à perpétuité, à prendre sur la leyde de La Tour. De plus, le testateur prescrit à sa fille et à son héritière, Delphine, femme d’Astorg d’Aurillac, d’acquitter, sans diminution, le legs que Bertrand III a fait précédemment aux religieuses de La Vassin, à savoir : une réfection de pain de la valeur de dix sols, à perpétuité, le lundi de chaque semaine, avant la messe. Il donne ensuite quarante sous par an aux mêmes religieuses, à l’intention de sa femme prédécédée, et enfin il ordonne qu’une réfection aura lieu dans l’abbaye, immédiatement après sa mort, avec recommandation que les convives ne l’oublient pas dans leurs prières[2].

Le couvent de Féniers, les églises de Saint-Saturnin, de Saint-Pardoux, de La Tour, de Soignes, de Chastreix et de Besse ont part aux libéralités du testateur, qui veut que les prêtres et les clercs de ces diverses localités fassent un repas l’année de son décès, et que les pauvres reçoivent l’aumône d’un pain de la valeur d’un denier, ou un denier en monnaie. Le repas et l’aumône en question devront être annoncés huit jours d’avance dans les endroits où ils auront lieu.

Bernard VIII mourut au mois de décembre 135. Quatre ans auparavant, en 1321, il avait permis ou Chapitre de la Cathédrale de Clermont de prendre les pierres de la chapelle de Vassivière, alors en ruine, pour bâtir l’église de Condat.

Baluze nous donne le texte de cette permission qui n’est pas sans intérêt pour l’histoire de Vassivière et qu’à cette considération nous traduisons ci-après :

« Nous, Bernard, seigneur de La Tour, à notre bailli de Besse, et à tous nos autres baillis et serviteurs, salut et n dilection.

« Nous voulons que vous sachiez et nous notifions à chacun de vous, qu’il nous plaît que le Chapitre de Clermont, pour la construction et l’édification de l’église de Compdat, prenne les pierres de Vassivière (Vassiveyra), dans lequel lieu le culte divin ne peut d’ailleurs être exercé, attendu qu’il n’y a absolument plus que des ruines et qu’il n’y a pas de revenus pour l’entretien d’un prêtre, cet endroit manquant de dotation et personne, pour le moment, d’après ce que nous voyons, ne voulant le doter ; d’autant que nous avons entendu dire par des personnes dignes de foi qu’il se commet en ce lieu et qu’il s’est commis dans les temps passés plusieurs choses profanes. C’est pourquoi nous ordonnons, mandons et prescrivons, sous peine, qu’aucun de vous n’empêche ledit Chapitre ou ses gens de prendre ces pierres et de les porter où elles seront nécessaires pour l’édification de l’église mentionnée. Et nous ne vouions pas moins que vous fassiez également connaître à ceux-là les causes précitées qui m’ont amené à faire au Chapitre en question la susdite concession. Donné et scellé de notre sceau, le vendredi, jour de la fête du bienheureux Denis, l’an du Seigneur 1321[3]. »

Vassivière ainsi dépouillé des pierres mêmes de ses ruines vit, d’après la tradition, une nouvelle chapelle s’élever peu après sur l’emplacement de l’ancienne. Ce second édifice fut, à ce que raconte Duchesne, renversé par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans, vers l’année 1374[4].

En 1548, François de Monceaux, panetier de la reine Catherine de Médicis, résolut, pour satisfaire à un vœu, de reconstruire l’église qui existait autrefois sur la montagne et il obtint à cet effet des lettres patentes, datées de l’abbaye d’Ainay, à Lyon, au mois d’août 1548, par lesquelles la reine Catherine permettait de bàtir un oratoire à Vassivière qui se trouvait dans la mouvance de sa seigneurie de Ravel.

Le sire de Monceaux allait se mettre à l’œuvre et commencer les travaux d’édification, quand le curé et les luminiers de l’église Saint-André de Resse intervinrent et soulevèrent la revendication de droits antérieurs qu’ils prétendaient leur appartenir sur les ruines et l’emplacement de la première construction.

Leurs réclamations ayant été reconnues fondées, le panetier de la reine se désista de l’autorisation qui lui avait été précédemment accordée et subrogea les luminiers dans ses droits de réédification.

Catherine de Médicis ratifia et homologua cette subrogation le 5 novembre 1519. Voici Ta copie textuelle de cette homologation que nous avons trouvée dans un amas de vieux papiers, dans les greniers de la mairie de Besse :

« Catherine, par la grâce de Dieu, reine de France, comtesse de Bologne, de Clermont et d’Auvergne, dame de La Tour, à tous ceux qui les présentes lettres verront, salut.

« Nos chers et amés les curés et luminiers de l’église paroissiale de Saint-André de notre ville de Fesse, nous ont fait dire et remontrer que, par nos lettres patentes en forme de charte, délivrées à l’abbaye d’Ainay-lès-Lyon, au mois d’aoust 1548, sur remonstration à nous faicte, par Français de Monceaulx, sr de Besse, un de nos panetiers, qu’il estoit en dévotion de édiffier une chapelle en la montagne de la Vassivière, en notre terre de Ravel, à l’endroict de ladite montagne auquel il y a une croix de pierre, une ymage de la Vierge Marie, Mère de Notre Seigneur, une belle fontaine, icelle chapelle fonder à l’honneur de Ladite Dame, de la doter par l’establissement d’un chapelain qui y célébrera la sainte Messe, nous aurions permis au dia de Monceaulx icelle chapelle édifier, fonder et de la doter, luy donnant et concédant et à ses successeurs et ayant cause tous les droicts que nous y avons et pouvons avoir sauf la supériorité de reconnaissance d’un denier France qu’il nous seroit tenu de payer chascun an à notre receptte dudit Ravel, taisant ou ignorant par le dict sieur de Monceaulx les droicts de prescription ordinaires que, à cause de la dicte chapelle appartenoient et estoient leurs et aportés par les dicts supplians à leur grand préjudice et dommage ; ce que despuis iccluy de Montceaulx entendant et reconnoissant la grande justice qui y avoient les dicts supplians, leur auroit entièrement cédé et transporté son dict droiet et toutes les concessions et permissions des susdictes par nous à luy faictes sous notre bon plaisir. Savoir faisons que nous désirant la conservation des droicts de nos sujets et ce mesmement qui peut concourir au bien et augmentation de l’église et entreténement du divin service avec fourniture de dévotion, lesdicts cession et transport ainsy faicts par susdict Fr. de Monceaulx aux dicts curés et luminiers du droict de permission qu’il avoit de nous d’édification, fondation et dotation de la dicte chapelle, avons homologué, ratifié, et approuvé, et par ces présentes, homologuons, ratifions et approuvons et avons pour agréable, permettons et concédons de nouvel à iceux curés et luminiers de Saint-André de Besse de faire constinuer de édifier, fonder et doter la dicte chapelle, tout ainsy que eust pu faire le dia de Monceaulx, en vertu de notre dicte permission ; leur donnons pour ce tous les droicts que nous y avons et pouvons avoir, sauf le dict droit de supériorité et reconnoissance d’ung denier qu’ils seront tenus de payer par chascun an en notre dicte recepite ordinaire de Ravel. Ordonnons en mandement de notre amé et féal conseiller de Grommer de notre dicte cour et aultres terres de la seigneurie d’au Chaix, au bailli de La Tour ou son lieutenant au chasteau de Ravel et à nos procureurs recepveurs en la dicte terre et tous aultres nos justiciers et subjects que de nos présentes ratifions la permission et concession d’édification, fondation et dotation de la dicte chapelle, iceulx fassent, souffrent et laissent les curés et luminiers de Saint-André et leurs successeurs jouir et user pleinement et paisiblement sans leu faire trouble, donner ni souffrir estre faict trouble, donner auscun empesebement, mais au contraire qu’ils remettent et fassent réparer et remettre justement au premier estat de vœu, car tel est notre plaisir, nonobstant les ordonnances et lettres à ce contraires.

« En témoin de ce nous avons faict mettre notre scel à ces présentes. Données à Paris le septiesme jour de novembre, l’an 1549[5]. »

La chapelle commencée en 1550 fut achevée en 1555, au mois de juin, ainsi que le porte l’inscription qu’on lit au-dessus de la porte d’entrée : Faict le sixième jour de iung l’an 1.5.5.5.

L’édifice fut restauré au siècle suivant. Nous lisons dans un marché passé le 28 août 1633 devant Ciadière, notaire royal à Fesse, entre Michel Fohet et Gilbert Lamothe, prêtres, luminiers et marguilliers de l’église Saint-André de Besse, Jean Fohet et Michel Passience, consuls, d’une part, et Jean Lenoir et Simon Puissouchet, maçons « architecteurs, tailleurs de pierres », d’autre part, le dit Lenoir habitant Clermont et le sr Puissouchet le lieu de Serre-Soutrane (Serre-Haut), paroisse de Besse : « les dits maçons et entrepreneurs seront tenus premièrement de démolir une voye de l’église de Vassivière qui s’en va en ruine, pour rétablir à neuf la dite voye, y bastir deux chapelles, l’un du costé du midy et l’autre du costé du septentrion et ensuite d’en faire la croupe de l’église à trois fasces et quinze pieds de long, comme anciennement. L’endroict où seront les dites chapelles sera de la mesme largeur que l’église est à présent. Seront tenus les dicts entrepreneurs de faire le rehaussement de l’œuvre susdicte à neuf, de la hauteur de six pieds plus haut que la voulte de l’église qui est de présent… Le prix faict et obligation accordé entre les partyes pour le prix et somme de deux mille sept cents livres, sera payable un tiers comptant avant commencer l’œuvre, pour bastir les fondemens et les élever hors de terre de la hauteur de six pieds au moins, l’autre tiers pour rehausser la dicte oeuvre de pierres de taille d’autre douze pieds, et l’autre tiers, comme dernier payement, après la besoigne faicte[6]. »

M. Boëtte, conseiller à la Cour des Aides à Clermont, donna 1500 livres pour la construction de l’une des chapelles projetées. Le registre des actes de baptêmes de la paroisse de Besse, de l’année 1636, porte la note suivante écrite par le vicaire Prades : « Le neufviesme juillet mil-six-cent-trente-six fust commencée la voulte de la chappelle de Monsieur Boitte, conseiller pour le Roy en la Cour souveraine des Aydes à Clermont-Ferrant, ladite chapelle dédiée à sainct Joseph. Les armoiries dud. sr Boitte sont à la clef de lad. voulte, y ayant esté attachées par M. Simon Pissouchet le 21 d’oust au dict an. Le dict sr Boitte et Mademoiselle sa femme présens[7]. »

Un peu plus bas on lit cette mention : « Le 13 septembre 1636 on a commencé de célébrer la saincte Messe au grand autel de N. D. de Vassivière, y ayant un autel portatif. »

La marquise de Canillac, née Catherine Martel du Tréfort, donna 700 livres pour la chapelle du Midi.

Par acte reçu Cladière, les héritiers des entrepreneurs Lenoir et Puissouchet qui tous les deux étaient décédés depuis le commencement des travaux, donnèrent aux marguilliers de liesse quittance finale le 18 juin 1640, du prix convenu dans le marché du 28 août 1633[8].




  1. Baluze, t. 2, p. 501.
  2. Baluze, t. 2, p. 370.
  3. Baluze, Hist. de la Maison d’Auvergne, preuves, 1. 2, p. 574.
  4. Duchesne, ch. IX.
  5. Archives communales de Besse.
  6. Archiv. com. de Besse.
  7. Archives de Besse. Les armes du conseiller Boëtte que l’on voit à la clef de voûte de la chapelle de St-Joseph à Vassivière sont de gueule au chevron d’or chargé d’une étoile et de deux huchets de même, accompagné en chef de deux étoiles et en pointe d’un croissant surmonté d’une tour à poivrière, le tout d’argent, l’écu sommé d’un casque d’écuyer avec ses lambrequins.
  8. Archives de Besse.