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Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin/06

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VI.


La chapelle de Vassivière est voisine de La Vassin : c’est pour cela que nous avons cru devoir, en passant, rendre hommage à l’antiquité de ce pèlerinage, en reproduisant ou en citant quelques documents qui le concernent et qui sont presque tous inédits[1]. Nous allons maintenant reprendre la chronique de notre abbaye, continuer de rechercher son passé, nous efforcer de suivre à travers les siècles le fil bien souvent interrompu de son histoire.

Pendant quelque temps encore nous trouverons La Vassin mentionné dans les testaments de sires de La Tour et des autres seigneurs d’Auvergne, puis les guerres avec l’étranger et les discordes intérieures survenant plus nombreuses et plus terribles, le silence se fera sur notre couvent, silence profond, impénétrable, qui durera pendant plus de deux cents ans.

Par son testament, en date du 6 août 1328, Bertrand de La Tour, seigneur d’Olliergues et de Murat-le-Quayre, fils de Bertrand III et frère de Bernard VIII, fit au monastère un legs de 40 livres, une fois payé[2].

En 1332, Guillaume XII, comte d’Auvergne et de Boulogne, légua à son tour 20 livres tournois, pour des prières à dire chaque année, le jour anniversaire de son décès[3].

Enfin, le 11 juin 1340, pur acte de dernières volontés, Jean, comte de Clermont, dauphin d’Auvergne, fit don aux Cisterciennes de 30 livres tournois, destinées à l’achat de trois setiers de froment qui devaient leur étre distribués chaque année, le jour anniversaire de la mort du testateur : « Et nous voulons, porte le testament, que tant que sera différé le paiement de ces trente livres tournois, notre héritier universel (Beraud de Mercœur), paye et soit tenu de payer chaque année au dit couvent les trois setiers de froment, jusqu’au jour où il versera les trente livres tournois[4]. »

Vers la même époque, en l’année 1341, par acte reçu Bouschet, le mardi après la fête de saint Mathieu, apôtre, le sire de Chauderasse, seigneur et baron de Crestes, faisait donation à l’abbaye de La Vassin de la terre de Prady, située dans sa baronnie, et le donateur se retenait la suzeraineté du fief ainsi concédé[5].

C’était, d’ailleurs, presque toujours sous condition de vassalité qu’étaient faites les donations foncières, aux temps de la féodalité. Par l’effet du contrat féodal, la propriété entière ; le dominium plenum, le jus integrum se divisait : le bénéficiaire, feudataire ou censitaire[6], recevait le domaine utile dont les profits consistaient dans les produits du sol ; le donateur se réservait le domaine direct, auquel étaient attachées les obligations ou redevances du feudataire, mais en réalité le possesseur du domaine direct était le seul propriétaire.

Le feudataire avait la faculté de sous-inféoder le domaine servant. Le seigneur était dit dominant à l’égard de son vassal immédiat, suzerain à l’égard de son arrière-vassal. La sous-inféodation ne lui faisait pas perdre sa directe sur les terres engagées, mais les mutations qui s’opéraient dans les sous-inféodations n’existaient pas à ses yeux.

Les religieuses de La Vassin avaient ainsi reçu le domaine direct des terres que leur avaient octroyées les seigneurs de La Tour, elle sire de Chauderasse leur inféoda pareillement le mas de Prady, à charge d’une redevance annuelle et perpétuelle de trois setiers de froment, une émine d’avoine et une poule, le tout payable au mois d’août, le jour de la fête de saint Julien, et aussi à charge d’avouer le fief toutes les fois qu’elles en seraient requises.




  1. D’après la tradition, Vassivière formait jadis une paroisse, ce qui indique que l’existence d’une église chrétienne dans ces lieux remonte à une haute antiquité. Cette église a-t-elle succédé à un temple païen ? Foui-il reconnaître dans le nom de Vassivière la racine Vasso ? Il n’y aurait là rien d’impossible. Il ne serait nullement extraordinaire qu’il y ait eu, sur ces montagnes, à l’époque Gallo-Romaine, un oratoire dédié à quelque dieu topique, la découverte faite au sommet du Puy-de-Dôme paraissant témoigner que les hauteurs étaient recherchées pour de tels édifices. Le culte chrétien succéda, à Vassivière, au culte païen, et comme Orcival et ailleurs, la chapelle remplaçant le temple fut dédiée à la Vierge.
  2. Baluze, t. 2, p. 706.
  3. Baluze, t 2, p. 765.
  4. Baluze, t. 2, p. 316.
  5. Archives de Besse.
  6. On appelait censive la terre concédée moyennant une redevance annuelle. La censive différait du fief, en ce que dans la première l’objet principal de la concession était la terre, sa enflure et ses produits, les services et obligations personnels n’étant considérés qu’accessoirement ; tandis que dans le fief, c’était au con fl’aire la personne du vassal qui formait l’objet principal du contrat, le domaine n’étant que le lien qui unissait Le seigneur au vassal.