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Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin/08

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VIII.


On comprend combien devait être misérable et précaire, au milieu de tant d’agitations et de troubles, la situation d’un monastère de femmes éloigné de tout secours et de toute protection.

Les religieuses obtenaient bien de la royauté, comme les bourgeois, la permission de fortifier leurs maisons, de les entourer de « murs, fossés, palissades, ponts-levis, portaux et barbacanes[1], mais ces fortifications ne suffisaient pas toujours à arrêter les envahisseurs, et les obstacles vaincus, la rage des assiégeants devenus maîtres de la place n’était que plus terrible.

Néanmoins, les mauvais jours passèrent. Au xve siècle, l’abbaye de La Vassin, à en juger par les noms de ses abbesses, était florissante et comptait parmi les grands établissements religieux de l’Auvergne.

Annette de Tinières qui, en 1142, était à la tête de la communauté, appartenait à une très-ancienne famille qui paraît avoir possédé le fief de Rioux, près de Saint-Pierre-Roche. Dans une charte du 28 septembre de l’année précitée, nous voyons Annette de Tinières conférer la vicairie de l’église de Prades à un prêtre nommé David[2].

Plus tard, Jacqueline de La Tour, sœur de Jean de La Tour, seigneur de Montgascon, gouverna l’abbaye. Elle avait fait profession à La Vassin en 1482, et devint abbesse quelques années après[3].

Cependant, les pillages des routiers, les courses des Gascons et des Anglais, n’étaient pour ainsi dire que les préludes des effroyables dévastations du calvinisme au xvie siècle.

Pendant le carême de 1510, un jacobin d’Allemagne annonça le premier dans notre pays la parole nouvelle, et, jetée du haut de la chaire de Saint-Paul d’lssoire, cette parole se propagea bientôt dans la province, y semant la division et la haine et préparant la guerre civile avec ses atroces et réciproques vengeances.

Les férocités que commirent en Auvergne les soldats de Merle et des autres chefs huguenots sont innombrables et inouïes. Ils surent découvrir les retraites les plus cachées, ils se montrèrent dans les solitudes les plus étroites, amoncelant ruines sur ruines, pleins d’une rage aveugle de destruction.

C’est ainsi que sous l’abbatiat d’Hélène de Chahannes-Curton qui avait succédé vers 1560 à Antoinette de la Roche-Aymon, abbesse depuis l’année 1541[4], les calvinistes firent irruption dans le paisible vallon de La Vassin, mirent le feu au couvent, massacrèrent ou dispersèrent les religieuses et se livrèrent à toutes Les profanations[5].

De stupides iconoclastes brisèrent les effigies de tous ces nobles sires, de toutes ces grandes dames étendus côte à côte, sur de magnifiques monuments sculptés ; des bras impies fouillèrent leurs tombes pour chercher de l’or et des trésors ; leurs cendres exhumées furent jetées au vent.

Après avoir promené à La Venin la dévastation et l’incendie, répouvante et la mort, les huguenots se retirèrent, mais les coups qu’ils avaient portés à l’abbaye l’avaient profondément ébranlée. Ses hôtes avaient été exterminées ou dispersées ; il n’y avait plus que des ruines fumantes ; l’ancienne fondation des seigneurs de La Tour semblait anéantie.

Le monastère se releva néanmoins, mais il fallut du temps et de persévérants efforts. La maison de Chabannes, qui a donné un grand nombre d’abbesses à La Vassin, contribua puissamment à sa restauration.

D’origine ancienne et occupant depuis longtemps les plus hautes fonctions de l’État, la famille de Chabannes était fort riche et des mieux apparentées. Ses membres jouissaient héréditairement, depuis le règne de Louis XI, du titre de cousins du roi. Ce titre leur fut confirmé à diverses reprises et en dernier lieu le 2 août 1769, par un brevet de Louis XV, donné à Compiègne. Les abbesses de La Vassin appartenaient à la branche dite de Curton, fixée dès le xiie siècle dans le Bas-Limousin, lors du mariage, en 1171, d’Eschivat de Chabanais avec Matabrune de Ventadour, veuve du vicomte d’Aubusson, qui apporta en dot la terre de Charlus-le-Paillouz, près Ussel[6].

Hélène de Chabannes, issue du second mariage de Joachim de Chabannes, baron de Curton, avec Louise de Pompadour, mourut abbesse de La Vassin en 1580[7] Sa nièce, Michelle de Cabannes, qui avait fait profession au couvent du Pont-des-Dames, lui succéda dans sa dignité et mourut au commencement du xviie siècle. Elle fut enterrée dans l’église du monastère, devant le chœur, du côté de l’Évangile[8].




  1. Voir l’autorisation accordée par Charles VII à l’abbaye de l’Esclache, suivant lettres patentes du 28 février 1455 (Archives du Puy-de-Dôme, Invent. de l’Esclache, t. 1er, p. 77 et 78. — Biblioth. de Clermont, Hist. mss. de l’abbaye de l’Éclache, par A. Tardieu.)
  2. Gallia Christ., t. 2, p. 408. — La famille de Tinières possédait aux xiii- siècle et xive siècles la châtellenie de Val, paroisse de La Nobre, près Bort. La terre de Val relevait en fief de la terre de Tinières. (Chabrol, t. IV, p. 825).
  3. Justel, Preuves, liv., 3, p. 414. — D. Estiennot, Antiquitates diocœsi Claromont., cap. LIX, fol. 325, Mss. Biblioth. nat.
  4. Tardieu, Dict. hist. du Puy-de-Dôme, V° La Vassin.
  5. Branche, L’Auv. au moyen-âge, p. 598.
  6. Ctesse de Chabannes, Not. hist. sur la maison de Chabannes.
  7. La sœur d’Hélène de Chabannes, Isabelle, était abbesse du Pont-des-Dames (Gallia. 2, p. 108). Joachim de Chabannes, leur père sénéchal de Toulouse, écuyer d’honneur de la reine Catherine de Médicis, se maria quatre fois : 1°. en 1522, avec Péronnelle de Lévis ; 2°. en 1526, avec Louise de Pompadour. 3°. e 1533, avec Claude de la Rochefoucauld, et 4°. en 1547, avec Charlotte de Vienne, dame de Pont-du-Château. Il nveut qu’un fils, Jean, né de Louise de Pompadour et qui, marié sans enfants à Françoise de Montboissier-Canillac, fut tué à la bataille de Renty, en 1553.
  8. Gallia Christ., t. 2, p. 409.