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Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin/11

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XI.


Le gouvernement de Louis XV, ayant chargé les magistrats des sénéchaussées du royaume de recueillir des renseignements sur les titres de fondation des établissements religieux dans chaque province, et, en outre, de fournir des états détaillés des recettes et des dépenses de chacun de ces établissements, M. Dufraisse du Cheix, procureur du roi à Riom, se livra en Auvergne, vers 1759, à ce long et minutieux travail qui dura plusieurs années et parmi les documents qui lui furent transmis par les abbés, prieurs et abbesses des différents monastères, documents conservés aux archives du département du Puy-de-Dôme, nous trouvons la pièce suivante concernant La Vassin.


DOMAINES DE L’ABBAYE DE LA VASSIN

Vigier. — L’abbaye possède un domaine dans la paroisse de Chastreix du rapport de 
 840lt
Ce domaine est chargé de taille ou impositions 
 300
De cens et dîmes seigneuriaux ou fondations 
 90lt
Pour réparations 
 30

Gines. — L’abbaye a ce domaine dans la paroisse de Saint-Donat, du rapport, argent, de 
 500lt
Est chargé de taille et impositions pour 
 200
Cens dus à Besse 
 12
Réparations par an 
 25

Chabannes. — Plus un autre domaine dans la dite paroisse de Saint-Donat, du rapport de 
 240lt
Paye en taille ou impositions, ci 
 130
Cens, ci 
 3
Pour réparations 
 15

Coudert. — Un autre domaine dans la paroisse de Trémouille-et-Marchal, du rapport par an de 
 470lt
Taille, ci 
 200
Réparations, ci 
 20

Parrant. — Un autre domaine, dans la paroisse de Champs, qui est du rapport de 80 livres, argent, blé 26 septiers, Né noir 10 septiers, mesure de Bort et à raison de 4 quartons le septier.

Le tout quitte et après charges payées.

Pour réparations, ci 
 30lt

Prady. — De plus, un autre domaine à Prady, dans la paroisse de Crestes, qui est du rapport de 25 septiers, à raison de 8 quartons le septier, mesure de Champeix, quitte, après les charges payées. Pour les réparations par an, ci 
 20lt

Dîme à Riom-és-Montagnes. — À raison de 20 gerbes une, du rapport de 200 septiers, à raison de 8 quartons le septier, mesure de Riom. De plus, la dixme des agneaux à 10 un, pouvant y en avoir années communes 30, et la valeur 50 livres.

De plus, un pré que la dite abbaye a au dit Riom, du rapport de 80lt, et la charge pour l’abbaye de payer à M. le curé du dit Riom et à son secondaire 450lt de pension congrue par an, et la dite abbaye est obligée de payer pour la levée de la dixme par an 50lt.

L’abbaye. — Dans l’enclos d’icelle une écurie et grange et bâtiment, outre la maison de la dite abbaye qu’il faut entretenir de réparations ; autour, jardin, pré, du rapport commun de 40 chars de foin, 10 têtes, qui est pour l’estivage des bestiaux de la dite abbaye.

L’abbaye fait aussi valoir avec l’enclos du couvent un petit quarteron de biens et héritages dans Palot, même paroisse de Saint-Donat, limitrophe, à l’entour de l’abbaye, composé d’un petit bâtiment qu’il faut entretenir et la tenue de 4 vaches, du rapport du 40.

Il y n de plus dans l’enclos un moulin 5 farine.


DÉPENSES.


Pour M. le directeur et confesseur des dames, ci 
 100lt
Pour l’agent d’affaires, ci 
 100
Pour un jardinier, ci 
 45
Pour 4 valets pour faire valoir l’enclos, apporter du bois pour L l’entretien du couvent, 40lt de salaires par an, soit 
 160lt
Plus pour 3 messagers et gardes de bestail, chacun, 45lt 
 135lt
Plus pour 4 servantes avec la cuisinière, de salaires 15lt chacune, ci 
 60lt
Plus pour les gages et salaires du muletier, pour le service de la dite abbaye, à prix fait 
 200lt

Il faut du moins pour l’entretien de l’abbaye du blé pour cuire deux fours chaque semaine.

Plus 30 quartons de blé en aumônes que l’abbaye est tenue faire.

Faut observer que du moins est nécessaire pour le vin du dit couvent 300 livres.

Pour la viande, tant en bœufs, vaches, boucherie et veaux, moutons et pourceaux, il en faut du moins pour 1,000 livres.

Pour les fourmes qu’il faut aussi pour l’entretien, 12 quintaux, année commune, à 15 livres le quintal, ci 
 180lt
Plus il faut du moins du beurre pour 10 quintaux, à 30 le quintal, ci 
 300lt
Poisson, merluche, etc., ci 
 240
huile et pour l’église et chandelles, ci 
 100

Il faut aussi (aire les réparations à la dite abbaye qui sont du moins de 100lt par an.

Plus pour les gages du maréchal qui est dans la dite abbaye, ci 
 30lt

Comme la dite abbaye est faite sous autre maison et dans un vallon, il faut loger les étrangers qui ont à faire en la dite abbaye qui causent en icelle une dépense considérable.

La dite abbaye n’aurait pu subsister, si ce n’était les pensions de certaines religieuses qui n’ont point payé leur dot et ingrès en religionqui peuvent être par an à 700lt, et aussi les pensionnaires qui y sont.

Dans l’abbaye, il n’y a point de fondation ni aucuns titres. L’abbaye fut incendiée deux fois, il y a environ plus de cent ans.

Madame l’abbesse déclare que dans l’abbaye il y a des religieuses vingt-cinq professes et cinq sœurs converses, ce qui fait trente.

Il est dû à l’abbaye des cens et rentes avec directe, droits de lods en partie et sans justice.

Les droits et lods 3s 4d, argent 150lt. Blé, 17 quartons ; avoine, 47 septiers (le septier mesure de Latour). Plus une rente de 70lt ; moulin, 66lt.

L’état est signé et certifié par l’agent d’affaires du couvent, le sieur Lespinasse « agissant pour madame l’abbesse[1]. »

Ce document que nous avons reproduit d’une façon à peu près intégrale, à cause de l’intérêt qu’il présente, nous fait pénétrer dans la vie intime du monastère, en nous donnant le budget de ses recettes et de ses dépenses. Il nous apprend, en outre, que les Cisterciennes avaient des pensionnaires, des jeunes filles de famille qu’elles instruisaient et élevaient[2], et parmi celles-ci devait se trouver, sans doute, une demoiselle de Saint-Cyr, attendu que toutes les abbayes royales de femmes étaient tenues de recevoir gratuitement une élève de cette maison ou de se rédimer annuellement par une prestation en argent[3].

Élisabeth de La Salle, avant-dernière abbesse de La Vassin, encore vivante au moment de la Révolution, future administratrice habile, une gardienne vigilante des droits et des biens de son abbaye. Grâce à son énergique initiative, le patrimoine de la communauté s’accrut et récupéra ce qu’il avait perdu sous des abbesses moins soucieuses de la bonne gestion du temporel.

Les contestations qui s’étaient élevées à la fin du xviie siècle entre le curé de Crestes et le monastère se renouvelèrent sous l’abbatiat de madame de La Salle, en 1763.

Le curé, le sieur Faye, soutenait que les religieuses étaient tenues de lui payer la dîme, à cause des héritages qu’elles possédaient dans l’étendue de sa paroisse. Les dames de La Vassin répondaient qu’en vertu des privilèges accordés à l’ordre de Cîteaux, elles étaient exemptes des dîmes, et que bien mieux c’étaient elles qui avaient droit de dîme à Crestes et à Régnat, à cause de la chapelle existant dans le domaine de Prady et constituant un prieuré.

Le sieur Faye ayant objecté que ses adversaires ne pouvaient plus invoquer leurs privilèges, puisqu’elles y avaient implicitement renoncé cri s’engageant par des actes de 1703, 1729 et 1747 à fournir une certaine quantité de setiers de blé aux précédents curés, Les religieuses se décidèrent à transiger.

La transaction fut rédigée dans l’une des salles de l’abbaye par M. Baraduc, notaire à La Tour, le 21 juillet 1763. Les dames s’obligèrent à payer annuellement au sieur Faye et à ses successeurs, pour abonnement de dîme, la quantité de quatre setiers de blé conseigle, mesure de Fesse. L’acte ayant été signé par toutes les religieuses, nous voyons que la communauté était alors composée de mesdames de La Salle, abbesse, du Sauzet[4], prieure, de La Farge[5], Jaëtz, Morin, du Puy-Germoud, Sabatier, Mestas, d’Anglaret[6], de Chalus[7], Laurens[8], Tissonnière, Fayet[9].

Parmi les jeunes filles de famille précédemment religieuses à La Vassin, nous citerons Mlle de Bassignac qui prit le voile le 15 octobre 1731, Mlle de la Colombière, novice en 1741, Mlle Lafon, entrée le 6 octobre 1751[10].




  1. Archives du Puy-de-Dôme. Fds de l’Intend., série C, liasse 24.
  2. « N’inspirez jamais, écrivait madame Robert-Vialle de Riom-ès-Montagnes, à ses deux petites-filles religieuses à La Vassin, la vanité aux enfants dont le soin vous sera confié et souvenez-vous que l’orgueil est le péché le plus à craindre… » (Lettre du 5 février 1772. — Papiers Fonteille).
  3. On appelait abbayes royales celles dont les abbés ou abbesses étaient nommés par le roi depuis le Concordat de 1516 conclu entre Léon X et François Ier. L’abbaye de La Vassin devint ainsi royale, sans toutefois jamais tomber en commende. Un monastère était en commende quand il avait été donné par le pape à un ecclésiastique séculier ou à un laïque nommés par le roi. D’ordinaire, ces bénéficiers ne résidaient pas dans le convent dont ils percevaient la plus grande partie des revenus.
  4. La Famille du Sauzet habitait à Bellefont-de-Fournols, près St-Germain-l’Herm.
  5. Les de La Farge étaient seigneurs de la Tour-Goyon et de Moncelard, élection d’Issoire.
  6. De Mallesaigne d’Anglaret. La sœur de madame d’Anglaret, Anne de Mallesaigne, morte en 1745, avait épousé Jean Burin des Rauziers, grand-père de Françoise Burin que nous verrons ci-après religieuse à l’abbaye de La Vassin. — Madame d’Anglaret avait pris le voile le 19 novembre 1727. Elle fit profession le 18 janvier 1728. (Papiers de madame Fonteille, livre de la recette de l’égise).
  7. La maison de Chalus, très-ancienne en Auvergne, a eu des alliances avec la maison de La Tour d’Auvergne. Nob. d’Auv.
  8. Sœur Laurent prit l’habit à La Vassin le 8 janvier 1750, et l’église reçut ce jour-là 7lt,1 sol d’offrandes.
  9. Les dames Tissonnière et Fayet étaient sœurs. Elles prirent le voile le 25 septembre 1751.
  10. Livre de la recette de l’église.