Étude sur la convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne (1864 et 1868)/03/Appendice/B

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NOTE
SUR LA CONDITION DES PRISONNIERS DE GUERRE.


Les personnes qui ont pris une part active à la Convention de Genève, n’ont pu s’occuper des blessés sans comprendre qu’il y avait aussi quelque chose à faire en faveur des prisonniers valides. Cette préoccupation s’est trahie à plusieurs reprises et comme un sentiment général ; on aurait voulu pouvoir rendre certaines dispositions applicables aux uns comme aux autres. Mais comme ce sujet n’était à l’ordre du jour, ni de la Conférence de 1864, ni de celle de 1868, il a dû être écarté.

Peut-être fera-t-il l’objet de négociations ultérieures, et nous serions heureux de les provoquer en attirant sur ce point l’attention des autorités compétentes. Nous sommes arrivés, en effet, à la conviction que la théorie comme la pratique, les principes aussi bien que les usages, ont besoin d’être fixés, et que le moment est venu de donner aux hommes de guerre des directions précises à cet égard.

Le sort des prisonniers de guerre, aux diverses époques et chez les différents peuples, pourrait fournir la matière d’une étude intéressante, et curieuse comme caractéristique des mœurs militaires. Nous n’avons pas la prétention de réaliser ce programme qui remplirait facilement tout un volume, mais qui dépasserait le but que nous nous proposons. Désireux seulement d’éveiller l’attention publique et de la mettre sur la voie de nouveaux progrès, nous nous sommes attaché surtout à recueillir des faits contemporains et à constater l’état actuel des choses. Nous nous bornerons donc à rappeler succinctement les diverses phases du droit des gens en cette matière ; en constatant les adoucissements graduels qui ont été apportés à la condition des prisonniers de guerre, nous établirons par là même la possibilité de faire sous ce rapport un pas de plus dans la voie de l’humanité.

On ne saurait assigner, cela se comprend, des dates précises à chacune des étapes de la civilisation, mais le chemin parcouru n’en apparaît pas moins avec une grande évidence quand on étudie l’histoire à ce point de vue[1].

À l’origine des temps historiques, il n’est pas même question de prisonniers. On ne connaissait alors que des guerres d’extermination ; c’était la passion brutale et sans frein : point de quartier ; les combattants surexcités ne songeaient qu’à assouvir leur rage, même sur les cadavres mutilés de leurs ennemis. C’était la guerre des sauvages, telle qu’on la rencontre encore aujourd’hui chez les peuples non civilisés ; hélas ! telle que l’Europe elle-même l’a connue par intervalles au commencement de ce siècle, sans que ceux qui la pratiquaient eussent, comme on l’a judicieusement observé, l’excuse des cannibales qui, eux du moins, tirent un profit direct et immédiat de la mort de leurs ennemis.

Peu à peu le vainqueur s’habitue à l’idée d’épargner le vaincu. Il a réfléchi qu’il lui serait plus avantageux de le faire travailler que de le tuer, et il l’épargne par une clémence intéressée ; il en fait son esclave. C’est un premier progrès.

Mais l’institution de l’esclavage à son tour devait disparaître aussi. Dès lors, que faire des prisonniers ? Il fallut chercher une autre manière de disposer de leur sort, et l’idée du rachat se présenta naturellement. La perspective d’une indemnité en argent devait sourire à des chefs qui, souvent, pour la solde de leurs troupes, étaient réduits à compter sur le butin de l’ennemi bien plus que sur leurs propres ressources. L’usage de la rançon s’étant généralisé, les captifs devinrent une source importante de revenu. Chaque prisonnier traitait pour son compte personnel, en quelque sorte de gré à gré. L’adoption de cette coutume, moins cruelle en apparence, ne saurait cependant être considérée comme la preuve d’un état social plus avancé que celui qui avait précédé. C’était toujours la barbarie, aussi vivace que jamais, et, ce qui le prouve, c’est qu’on ne se faisait aucun scrupule de mettre à mort, au bout d’un certain temps, les prisonniers qui n’avaient pas été rachetés, soit qu’ils n’eussent point de fortune personnelle, soit que ni parents ni amis ne fussent disposés à faire en leur faveur les sacrifices d’argent nécessaires. Le vainqueur, qui ne se souciait pas de les avoir plus longtemps à sa charge, les faisait mourir alors de sang-froid, par la corde, par le fer, ou, ce qui était plus affreux encore, en les privant de toute nourriture.

Une ère meilleure s’ouvrit lorsque, à la rançon individuelle, succéda le système du rachat par l’État ; car alors les belligérants n’eurent plus aucun intérêt à faire périr les captifs. Bien au contraire. En signant la paix, ils se présentaient réciproquement la note des frais occasionnés par leurs prisonniers, et ceux-ci étaient libérés après le règlement des comptes. Équitable en principe, cet usage ne tarda pas cependant à tomber en désuétude, à cause des fréquentes contestations que la cupidité et la mauvaise foi firent naître trop souvent, et des prétentions exagérées qui se manifestèrent à son occasion.

Enfin vinrent les échanges, reposant sur le principe d’une contre-valeur calculée d’après le nombre, le grade, et quelquefois l’importance personnelle des prisonniers, les différences se compensant par des équivalents pécuniaires ou autres[2]. Les chefs d’armées conviennent eux-mêmes par cartels des conditions de ces échanges, qui peuvent avoir lieu même pendant la durée des hostilités.

Ces divers usages ne se sont point succédé avec une régularité absolue, et souvent on les a vus coexister pendant de longues périodes, au cœur même de la civilisation. Cela n’a rien de surprenant si l’on réfléchit que tous reposaient sur une base commune, et qu’ils impliquaient tous, pour le vainqueur, le droit de disposer sans réserve de la personne de son ennemi vaincu. Les faits l’ont surabondamment prouvé.

Un progrès véritable, fondamental, ne s’est accompli dans les mœurs militaires que le jour où, il n’y pas longtemps encore, la notion même de la guerre s’est transformée. Depuis qu’elle n’a plus pour objet, dans le plus grand nombre des cas, l’assouvissement de haines réciproques, depuis qu’elle n’est plus, entre nations ou souverains, que le moyen brutal de vider un différend, il suffit, comme dans un duel, ordinaire, que l’un des antagonistes soit mis hors de combat, pour que la volonté du plus fort triomphe et pour que dès lors le vainqueur soit satisfait. C’est sous l’empire de ces considérations que le sort des blessés a déjà été amélioré ; ce sont elles aussi qui doivent régler à l’avenir la conduite à tenir envers les prisonniers. On admet aujourd’hui qu’il suffit de mettre ceux-ci hors d’état de nuire, aussi longtemps que la querelle n’est pas vidée, et qu’il n’y a lieu ni de leur infliger aucune peine ni d’user de rigueurs inutiles envers eux[3]. En tant qu’individus, on les considère comme innocents ; ils ne sont pas responsables des actes d’hostilité qu’ils ont pu commettre ; ils n’ont fait qu’obéir aux ordres de leur Gouvernement, et l’on comprend que la répression à leur égard ne doit pas aller au delà de ce qu’exige le droit de légitime défense. « Les lois de la guerre, dit Heffter, réprouvent de mauvais traitements, des procédés arbitraires, des violences de toute espèce, lorsqu’elles ne sont pas justifiées par la nécessité[4]. »

Cette doctrine n’est cependant pas encore admise dans toute sa plénitude. Il semble que le vieux droit ne puisse se décider à abdiquer franchement en faveur du droit nouveau, car il multiplie ses tentatives de résistance, en se retranchant derrière une foule d’exceptions qui, si elles étaient admises, n’iraient à rien moins qu’à infirmer la règle elle-même. Martens, par exemple, admet que « l’ennemi est, dans la règle, en devoir de laisser la vie » au prisonnier qui ne peut plus lui faire de mal. Mais il réduit à néant ce principe en établissant les trois exceptions suivantes :

« 1° Dans les cas extraordinaires où la raison de guerre empêche d’épargner la vie ;
xxxx« 2° S’il est nécessaire d’user du talion ou de représailles ;
xxxx« 3° Si le vaincu s’est personnellement rendu coupable d’un crime capital, par exemple de désertion, ou s’il a violé les lois de la guerre[5]. »

Le docteur Landa repousse énergiquement ces réserves surannées, et nos lecteurs nous sauront gré de lui céder quelques instants la parole. Nous le faisons avec d’autant moins de scrupule que son livre est écrit en espagnol, et par cela même probablement peu connu de ce côté-ci des Pyrénées.

« Nous ne pouvons, dit le docteur Landa après avoir cité la phrase de Martens, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans cette casuistique une déviation inutile de la règle ; déviation qui affaiblit la foi en sa justice, en raison même du nombre des exceptions.

« En effet, le premier cas est, selon l’explication de Vattel, celui où nous avons la certitude que les prisonniers vont conspirer contre nous si nous les laissons vivre, et où leur mort est le seul moyen que nous ayons de les en empêcher. Or, il est bien difficile de comprendre que cette situation puisse se présenter. En admettant que quelques ennemis se laissent faire prisonniers dans l’intention de s’emparer de la forteresse ou du vaisseau où ils seront renfermés, le vainqueur n’aura pas la certitude de leur coupable dessein, et, dans ce cas, il ne pourra pas les traiter en criminels ; ou bien il le connaîtra, et alors il devra se mettre en mesure de le déjouer sans recourir à l’égorgement.

« Le second cas a trait aux représailles, à ce prétendu droit dont tous les publicistes modernes ont déjà démontré l’iniquité[6] ! Que dirait-on d’une loi, si elle statuait que, quand l’auteur d’un meurtre n’aura pu être appréhendé, on arrêtera dans la rue le premier passant venu pour l’exécuter à la place du meurtrier ? Ce n’est cependant rien moins que cette cruelle et coupable absurdité que l’on prétend maintenir dans le droit des gens sous le nom de droit de représailles. Non, le crime d’autrui ne peut autoriser le nôtre, et encore moins le justifier, parce que la justice et la morale sont absolues, et qu’elles condamnent toujours ce qui est mal, sans se préoccuper des occasions ou des circonstances. Non, l’on ne peut imputer à une personne des actes qu’elle n’a pas commis, et le malheureux prisonnier ne peut devenir la victime expiatoire de méfaits auxquels il n’a pris aucune part. Déclarer abominable la conduite de son adversaire, se récrier contre sa barbarie et sa cruauté, et conclure de ces prémisses qu’il faut faire la même chose, c’est raisonner en dépit du sens commun et de la logique la plus élémentaire. S’indigner à la nouvelle que l’ennemi s’est déshonoré par un acte sauvage, et partir de là pour se déshonorer soi-même en rivalisant de sauvagerie avec lui, c’est contraire à toute justice comme à toute moralité.

« Quand on pense qu’une pareille iniquité a pu être admise en principe, — qu’elle, a pu être considérée comme légitime jusqu’à nos jours ,— qu’elle a pu être mise en pratique par nos contemporains, — que des peuples soi-disant civilisés, que des armées prétendues régulières ont pu se faire les auteurs ou les complices de tels outrages à la justice et à l’humanité, — l’âme s’attriste, car elle entend le sang innocent des victimes crier au ciel, comme celui d’Abel ; et la raison rougit de voir l’homme, l’être intelligent par excellence, le roi de la création, s’avilir jusqu’à une dépravation si monstrueuse.

« Quant au troisième cas, il se rapporte à des prisonniers qui, par le fait de délits personnels, ont perdu le droit d’être considérés comme belligérants, et ne peuvent par conséquent plus prétendre aux égards dus à un ennemi loyal. S’il s’agit de sujets du capteur, repris après avoir déserté leur drapeau, il est clair qu’ils doivent être punis. Il en est de même s’il s’agit de sujets de l’ennemi, coupables d’avoir violé les lois de la guerre, et ne pouvant plus les invoquer en leur faveur. Mais on ne doit appliquer, aux uns comme aux autres, que les peines édictées dans les codes militaires, et cela en suivant les formes judiciaires en usage dans chaque pays ; il faut que l’accusé puisse se défendre, et que l’autorité ou le tribunal compétent statue sur son sort. Telle est la procédure que l’on devrait substituer aux représailles. Combien l’humanité n’aurait-elle pas à gagner à ce que ceux qui violent les lois de la bonne guerre, fussent jugés comme criminels, dès que l’action de la justice pourrait s’exercer contre eux[7]! »

Pour hâter l’accomplissement des vœux de M. le docteur Landa, une Convention internationale devrait régler la conduite à tenir dans ces circonstances, de manière à concilier les usages et les besoins de la guerre avec les exigences de l’humanité. Le progrès, sans cela, ne se réalisera que lentement, et l’épée de Damoclès restera toujours suspendue sur la tête des malheureux prisonniers.

Il faut reconnaître néanmoins que, sous l’influence des idées modernes, de grands progrès ont été accomplis. Vattel se félicitait déjà de ce que de son temps (vers 1780) « les nations de l’Europe, toujours louables dans le soin qu’elles prennent d’adoucir les maux de la guerre, avaient introduit à l’égard des prisonniers des usages humains et salutaires[8]. » On a cessé de les maltraiter ; si on les fait travailler, ce n’est plus comme des esclaves ou des criminels, mais afin de trouver dans le produit de leur travail une indemnité, pour les frais qu’ils occasionnent ; leur captivité cesse de droit avec la guerre, sans échange ni rançon ; les officiers sont ordinairement laissés libres sur parole dans l’enceinte de la ville qui leur est assignée pour résidence ; on a pour tous, sans distinction, les égards qui sont dus au malheur, et, quand cela est nécessaire, la charité privée leur vient en aide. On se rappelle, par exemple, tout ce qu’a fait le prince Demidoff pendant la guerre de Crimée, pour faciliter aux prisonniers des deux partis la correspondance avec leurs familles[9]. À Santiago, en 1865, on pourvut par une souscription publique, aux besoins de cent vingt-trois marins espagnols faits prisonniers par une corvette chilienne[10]. Dans la guerre du Schleswig, en 1864, les prisonniers internés à Copenhague furent traités avec tous les ménagements désirables ; ils étaient bien logés, bien nourris ; ils avaient chaque jour deux heures de promenade sur les remparts de la citadelle, et pouvaient écrire à leurs parents. Un témoin oculaire, impartial et désintéressé, affirme qu’ils étaient tous gais et contents[11].

Il en a été de même aux États-Unis pendant la triste et grande guerre de la sécession, au moins dans les États du Nord. Les prisonniers y étaient traités avec tous les égards et les ménagements que l’on était en droit d’attendre d’un peuple humain et chrétien. On veillait à leur entretien avec une minutieuse sollicitude, et des mesures sévères étaient prises pour qu’ils ne manquassent de rien. Comme ceux de Copenhague, non-seulement ils ne se plaignaient pas, mais encore la gaieté régnait parmi eux. ans doute il y eut là, comme ailleurs, de regrettables épisodes, et, malgré les dispositions bienveillantes du vainqueur, il fallut parfois recourir à des mesures rigoureuses. Cinq fois pendant la durée de la guerre, les gardiens durent sévir contre des prisonniers mutinés, et tirer sur eux après trois sommations successives. Nous ignorons jusqu’à quel point ces procédés sommaires étaient justifiés par les circonstances ; en tous cas on ne saurait les assimiler à des actes gratuits de mauvais traitements exercés contre des prisonniers inoffensifs, et l’on comprend que, lorsque plusieurs milliers d’hommes sont réunis dans un même dépôt, leurs gardiens, relativement peu nombreux, soient appelés à prendre des mesures énergiques pour les tenir en respect : ils sont dans le cas de légitime défense, et ceux qui succombent ne subissent que la peine de leur révolte ou de leur résistance à des règlements d’ordre et de discipline.

Malheureusement nous avons, pour cette même guerre américaine, à enregistrer d’autres faits, qui contrastent étrangement avec les progrès que nous venons de signaler. Ils nous ont été révélés par l’ouvrage douloureusement célèbre auquel nous avons emprunté quelquesuns des détails qui précèdent[12] et qui a été écrit spécialement en vue des prisonniers faits par l’armée américaine du Sud sur celle du Nord.

Dès le début de la guerre les bruits les plus sinistres circulaient dans le pays, sur les traitements infligés aux prisonniers de guerre dans les prisons du Sud. On crut d’abord que ces traitements inhumains provenaient de l’impuissance momentanée, où se trouvaient les autorités, de se procurer les approvisionnements et les locaux nécessaires. Mais bientôt ces rumeurs prirent plus de consistance, et les prisonniers qui avaient pu revenir dans leur pays racontèrent des faits d’une si effroyable barbarie, que la nation tout entière s’en émut, que le Congrès fut saisi de la question, et que la commission sanitaire fit procéder à une en quête par des délégués spéciaux. Les faits constatés sont si incroyables et si révoltants, qu’ils méritent une place à part dans le dossier du procès que nous instruisons en ce moment. C’est une longue parenthèse, mais nos lecteurs nous la pardonneront en raison de son importance.

La Commission d’enquête, choisie en dehors de toute préoccupation politique, et comptant dans son sein trois hommes de l’art parfaitement compétents, était accompagnée d’un commissaire des États-Unis ; elle n’a demandé de renseignements qu’après avoir imposé à ceux qu’elle interrogeait le serment de ne dire que la vérité.

Les témoignages qu’elle a recueillis racontent la lugubre histoire des malheureux détenus dans les prisons de Libby, de Belle-Ile, et de deux ou trois autres stations militaires du Sud. Plusieurs mois furent consacrés à ce travail.

Aussitôt après la fin de la guerre, les prisonniers malades furent transportés dans de vastes hôpitaux, à Annapolis et à Baltimore. C’est là qu’ils furent interrogés, et que la photographie fut appelée en témoignage du triste état où ils étaient réduits. Il faut dire cependant que la peinture, même la plus fidèle, ne peut donner une idée de la réalité, et que la sensation que l’on éprouvait à la vue de ces squelettes se mouvant encore, dépasse toute imagination. Partout des figures osseuses, au regard fixe ; des corps décharnés, laissant voir une charpente parfois herculéenne, avec des membres plus effilés que ceux d’un enfant ; des corps déformés par l’hydropisie ou le scorbut ; d’autres n’ayant que la peau sur les os ; des estomacs déprimés comme un bassin, les os de la hanche faisant saillie, à travers une plaie rouge-sang. C’étaient peut-être les plus malades ; mais des centaines d’autres avant eux avaient perdu la vie.

Chez tous, au milieu des souffrances les plus variées, on était frappé d’une chose qui accusait une même origine de souffrances ; chez tous l’œil avait le même regard caractéristique, la même expression d’affreuse mélancolie, de désespoir navrant, comme si une agonie physique et morale eût pour toujours chassé le sourire de ces physionomies.

La prison de Libby est une rangée de bâtiments en briques, hauts de trois étages, situés sur le canal qui touche à James-River. C’était autrefois une manufacture de tabacs ; on la transforma en une prison pour les officiers. Les chambres ont environ 33 mètres de longueur sur 13 de largeur (100 pieds sur 40). C’est dans six de ces chambres que 1200 officiers de tous grades, de l’armée américaine, ont été enfermés pendant plusieurs mois. C’est là qu’ils devaient faire leur cuisine, manger, se laver, dormir et se promener. Chaque homme n’avait que dix pieds sur deux, ou six et demi sur trois ; à peine de la place pour s’étendre ; et encore faut-il en déduire l’espace nécessaire pour cuire les aliments, laver et sécher le linge.

Il paraît que l’on commençait par dépouiller le prisonnier de tout ce qu’il portait sur lui, au moins de tout ce qui avait quelque valeur, couvertures, paletots, etc. Cela se faisait quelquefois sur le champ de bataille au moment de la prise, ou d’une manière « quasi-officielle » au moment de l’entrée dans la prison, toujours avec la promesse, qui n’a jamais été tenue, de restituer plus tard ces différents objets.

Il n’y avait dans les chambres ni bancs, ni chaises, ni tabourets ; le prisonnier n’avait pas même le droit de rouler sa couverture pour s’en faire un siège ; il pouvait s’étendre par terre si cela lui convenait, ou « se balancer sur ses hanches comme les esclaves, » disait l’un d’eux. Plus tard, cependant, on se relâcha de ces rigueurs, et l’on permit aux prisonniers de s’asseoir sur les caisses et sur les barils qu’ils recevaient du Nord.

Dans la règle, on ne donnait aucune couverture ; quelquefois cependant la Commission sanitaire en envoyait, ou bien l’on autorisait les prisonniers à s’en procurer, en choisissant parmi des couvertures de rebut qui avaient déjà servi, souvent déchirées et peuplées de vermine. La nuit, enveloppés de ces couvertures, ils couchaient sur le plancher, serrés les uns contre les autres, « comme des poissons dans un panier. » Souvent on lavait le plancher assez tard dans l’après-dînée, et il fallait dormir dans cette humidité. Presque tous les prisonniers toussaient. Chaque chambre avait soixante-quinze fenêtres, dont les carreaux étaient tous plus ou moins cassés. Deux poêles, dans lesquels on jetait deux ou trois brassées de bois, ne suffisaient pas à conjurer le froid, qui en hiver était intense.

Il ne paraît pas que la prison fût soumise à un règlement militaire uniforme : les captifs subissaient les caprices du major Turner, officier en charge, et de Richard Turner, inspecteur de la prison.

Parmi les règles établies, paraît-il, dans toutes les prisons du Sud, se trouvait la défense faite au prisonnier de s’approcher de la fenêtre à plus d’un mètre de distance. Si, par mégarde ou par accident, il enfreignait la règle, on tirait sur lui sans avertissement. Presque chaque jour on entendait le coup de feu de la sentinelle, et souvent un prisonnier tombait mort ou blessé. Un jour les officiers comptèrent jusqu’à quatorze coups tirés ainsi contre eux.

Mais nous avons des cruautés plus horribles encore à enregistrer ; nous avons les scènes de la famine à raconter.

La ration journalière d’un officier se composait d’un pain gros comme le poing, fait de farine de maïs, quelquefois de farine de froment, mais d’une qualité variable : il pesait un peu plus d’une demi-livre ; puis d’un morceau de bœuf d’environ deux onces. En été et au commencement de l’automne, les rations paraissent avoir été un peu moins insuffisantes ; mais jamais, ni pour la quantité, ni pour la qualité, elles n’ont été ce qu’elles auraient dû être pour maintenir le soldat en état de santé. Vers le milieu du dernier automne, ce système d’affamement intentionnel devint vraiment intolérable. Le pain était de l’espèce la plus grossière, renfermant la balle et le son ; la croûte en était si dure, que les prisonniers la disaient « bardée de fer ; » à de rares intervalles, on y ajoutait une ou deux bouchées de viande. Plus tard encore, les prisonniers reçurent chaque semaine une pinte de pois noirs avec un peu de vinaigre ; souvent les pois étaient pleins de vers qui nageaient sur la soupe.

Ceux qui ne pouvaient rien attendre de leurs amis ou de leurs familles, et qui relevaient entièrement du régime de la prison, commencèrent bientôt à souffrir l’horrible agonie de la faim. Leurs forces diminuaient de jour en jour ; leurs esprits étaient troublés par des rêves et des cauchemars. Le capitaine Calhoun dit qu’il éprouvait à l’estomac comme une sensation de brûlure : « J’étais devenu si enfant, dit-il, que je me reprochais de n’avoir pas mangé davantage pendant que j’étais chez moi ; l’idée de manger absorbait toutes mes pensées. »

Le capitaine Stevens, ayant reçu de sa famille une caisse de provisions, mangea avec une telle voracité, qu’il en mourût. Un jour, ayant réussi à déplacer une planche du plancher, les prisonniers purent atteindre la cave, et là ils trouvèrent des provisions en abondance, dont ils mangèrent avec avidité, jusqu’au moment où la chose fut découverte. Mais ce qu’il y eut de plus horrible, c’est que bientôt on ne délivra plus les caisses qui jusqu’alors avaient été régulièrement remises aux prisonniers. Chaque semaine il en arrivait environ trois cents ; le capitaine Ould, qui les recevait, au lieu de les distribuer à ceux à qui elles appartenaient, les faisait empiler dans des hangars, ou dans des cours, en face des malheureux affamés, qui étaient ainsi condamnés au supplice de Tantale.

Quelquefois, cinq ou six de ces caisses étaient ouvertes et distribuées ; on faisait venir celui à qui elles étaient adressées, on lui ordonnait d’étendre sa couverture, et là on jetait pêle-mêle les boîtes ouvertes qui renfermaient des conserves de fruits, du lait condensé, du tabac, des légumes ou de la viande. On devine ce que pouvait valoir un pareil mélange.

Parfois, dans ces caisses, il y avait des vêtements destinés aux prisonniers ; les gens de service de la prison s’en emparaient, et plus d’une fois il leur est arrivé de revendre fort cher aux détenus des objets qui portaient encore la marque de la commission sanitaire.

Quant aux châtiments, la plus légère infraction était punie comme le délit le plus grave. On consignait les malheureux dans des cellules situées au-dessous de la prison, dont les murs étaient humides, moisis et visqueux. On n’y faisait jamais de feu. Ils y étaient quelquefois si empilés, qu’ils devaient rester debout toute la nuit.

Même système d’inhumanité à l’égard des morts. Les cadavres étaient provisoirement placés dans des caves qui ouvraient sur la rue, et les chiens, les cochons, les rats en mangeaient des morceaux. Les bières ne servaient qu’à transporter les morts : on les vidait ensuite pour les faire servir à d’autres. Les officiers constatèrent le fait au moyen de contre-marques.

Il est avéré que lorsque Kilpatrick essaya de s’emparer de Richmond, on avait tout préparé pour faire sauter la prison en cas de succès de l’ennemi. C’était en tout cas moins barbare pour les prisonniers que la mort lente de la famine. Mais qu’on se figure les Américains s’élançant sur les fortifications pour délivrer leurs frères d’une captivité pire que la mort, et voyant tout d’un coup sauter dans les airs ces grands bâtiments de briques, avec les douze cents hommes sans défense qu’ils renfermaient. L’esprit se refuse à de telles horreurs !

Il nous reste cependant des souffrances plus grandes encore à décrire : celles des simples soldats gardés à Belle-Ile.

Belle-Ile est une petite île de James-River ; on la voit des fenêtres de Libby. Le terrain consacré aux prisonniers a de trois à six acres d’étendue ; il est bas, sablonneux, aride ; pas un arbre ne le protège contre les rayons brûlants du soleil du midi. Un terrassement d’un mètre de hauteur (trois pieds), avec un fossé des deux côtés, en forme l’enceinte. Sur le bord extérieur du fossé, des sentinelles, placées de quarante en quarante pas, font le guet nuit et jour. À l’intérieur, quelques tentes pourries, déchirées, pleines de trous : pauvre abri pour les dix ou douze mille hommes parqués derrière ces murs de terre ; chacun d’eux peut disposer de sept pieds sur deux, au plus de neuf sur trois. Dans ce pays de forêts, il eût été si facile de construire quelques cabanes ou quelques hangars : on ne fit rien.

Qu’on essaye maintenant de se figurer, en été par un soleil ardent, plus tard par les pluies torrentielles ou les vents perçants de l’hiver, des malheureux n’ayant ni couverture, ni manteau, souvent même point de chaussure et point de chapeau. L’hiver arriva, l’un des plus rigoureux qu’on eût éprouvés depuis longtemps dans le Sud, et l’on ne fit rien pour améliorer le sort des prisonniers. Ils essayèrent de tous les moyens pour combattre le froid ; ils se couchaient dans le fossé, entassés les uns sur les autres, et quelquefois au matin, au milieu de ces longues rangées, on voyait par terre des formes inanimées qui dormaient de leur dernier sommeil. Ils étaient morts gelés. D’autres se creusaient des trous dans le sable, d’autres marchaient et couraient toute la nuit pour essayer de se réchauffer ; et ce qui ajoutait à l’horreur de leur situation, c’est qu’ils étaient tous affamés. Le double fléau les consumait ; le froid était rendu plus insupportable par la faim, et la faim plus douloureuse par le froid ; ces deux vautours leur rongeaient la vie, et personne dans le Sud ne semblait s’en inquiéter. Une seule fois, au Congrès, un député au noble cœur voulut protester ; on l’écouta avec indifférence, et il n’y eut rien de changé. Le régime de la prison consistait en 13 ou 14 onces (180 à 200 grammes) d’un pain à moitié cuit, plein de grains, de paille ou de fragments de cosses, sentant le moisi ; une bouchée de viande ordinairement gâtée ; deux ou trois cuillerées de haricots pourris ; une soupe claire et saumâtre, sur laquelle on voyait flotter des vers. C’était tantôt une chose, tantôt une autre ; jamais tout à la fois, et la ration entière ne s’élevait pas à la moitié de ce qu’il aurait fallu pour maintenir un homme en santé. « Il n’y a pas d’expression pour peindre combien j’ai faim, » disait un de ces malheureux. Et un autre : « Je m’éveillai une nuit, et me surpris mâchant la manche de mon habit. » Un troisième : « Je pourrais parler toute une semaine sans arriver à dire ce que nous avons souffert. »

Une large plage entourait l’île, et cependant on ne permit jamais à plus de soixante-quinze hommes, par jour, de se baigner ; on les en voyait à l’eau par escouades de cinq ou six. Dans ces conditions, ils ne pouvaient se laver qu’une fois tous les six mois.

Beaucoup tombaient malades ; on attendait longtemps avant de les transporter à l’hôpital, et là ils n’étaient guère mieux soignés. La vaste tente d’ambulance, où on les recueillait d’abord, n’avait ni plancher, ni lits ; on les faisait coucher par terre sur de la paille, avec un morceau de bois pour oreiller ! Quand cette tente était pleine, on transportait les malades dans un des hôpitaux de Richmond. Mais là encore, que de cruautés barbares ! En voici un échantillon. Deux officiers ayant réussi à s’évader, on fit lever tous les prisonniers malades, et on les empila dans une chambre vide de la prison de Libby, où on les laissa vingt-quatre heures sans manger ni boire, et sans couverture, pour les punir de n’avoir pas révélé la tentative de leurs compagnons. Le docteur Pierce en mourut. Les officiers de la chambre supérieure, ayant soulevé une planche pour communiquer avec leurs malheureux camarades et pour leur envoyer quelques vêtements et un peu de nourriture, furent eux-mêmes privés de leurs rations pendant tout un jour.

Les lits étaient d’une saleté repoussante, inadmissibles pour des blessés et des malades. Le docteur Ferguson, en constatant l’air hagard et sauvage des prisonniers, ajoute : « Je ne puis l’attribuer qu’au manque de nourriture, de soins et de bons traitements. Jamais je n’avais rien vu de pareil auparavant. »

Un intendant hospitalier, prisonnier lui-même, trouva un jour, par hasard, le rapport trimestriel du médecin en chef de l’hôpital, et il le produisit lors de son interrogatoire. Pour les trois premiers mois de l’année, il indiquait 1400 décès sur 2800 malades. La moitié avait péri !

Ce que nous venons de raconter des prisons et des hôpitaux de Belle-Ile et de Libby, se reproduisait presque partout dans les établissements du Sud.

Les chemins de fer pourraient témoigner aussi de la façon inhumaine dont les blessés et les malades étaient transportés d’un point à un autre. Entassés comme des animaux dans des wagons de marchandises, on les laissait mourir dans leurs excréments et dans le sang de leurs blessures non pansées.

L’enquête, dont nous avons extrait les faits qui précèdent, a été faite, nous tenons à le répéter, avec tous les soins qu’elle exigeait, et dans les conditions de la plus entière impartialité. On ne peut rien nier, rien réfuter ; on ne peut pas même alléguer, à la décharge du gouvernement sudiste, le manque de ressources ou d’approvisionnements ; car non-seulement l’armée du Sud était parfaitement nourrie et équipée, mais encore les prisonniers recevaient, de leurs amis du Nord, des vivres et des vêtements, qu’on aurait pu leur distribuer et qu’on aimait mieux laisser se perdre, se corrompre et se gâter sous leurs yeux. Il faut le dire franchement : ce système de cruautés et de barbarie contre les prisonniers ne s’explique que par un plan concerté de vengeance et de haine.

Au moment où eut lieu l’échange des prisonniers, un contraste frappant vint rendre témoignage à la cause de la civilisation. D’un côté des centaines d’hommes faibles, décharnés, en haillons, couverts d’ordures, affamés, mourants ; de l’autre, un nombre égal d’hommes forts et joyeux, vêtus des vêtements du Gouvernement qu’ils avaient combattu, guéris de leurs blessures et de leurs maladies, et prêts à se remettre en campagne, si cela avait été nécessaire !

En présence de ces faits, le Congrès publia un manifeste, dont voici la déclaration finale, à laquelle tout homme de cœur n’hésitera pas à se joindre :

« Nous soumettons notre cause à l’appréciation éclairée du monde entier, aux sérieuses réflexions de nos adversaires eux-mêmes, et au juste et solennel jugement de Dieu. »

Les faits que nous venons de rappeler sont heureusement une exception dans l’histoire moderne. On comprend que l’Europe civilisée ne puisse plus se permettre de pareils attentats, contre l’humanité. Une telle aberration du sens moral a soulevé la conseience publique, même dans le Nouveau Monde où elle s’est produite, et la réprobation universelle en est pour toujours le châtiment. Il n’en est pas moins vrai que ces écarts ont eu lieu, et il en ressort cet enseignement qu’il ne faut pas se reposer avec une confiance absolue sur les bons instincts de l’homme, puisque, dans telle circonstance donnée, ils peuvent être étouffés par les mauvais. Peut-être ce qui s’est passé dans les États-Unis du Sud engagera-t-il les Gouvernements à se concerter d’urgence pour prévenir, par un accord international, d’aussi douloureuses éventualités, Ils devraient, ce nous semble ; non-seulement prohiber des actes comme ceux dont l’Amérique a été le théâtre, mais encore saisir cette occasion pour consacrer officiellement les usages qui prévalent aujourd’hui en Europe, et dont l’observation, en l’absence d’un droit écrit, est en réalité abandonnée à l’arbitraire de chacun.

Le 9 juin 1785, la Prusse et les États-Unis firent ensemble, pour dix ans, un traité où sous l’influence probable de Franklin, qui le signa comme plénipotentiaire du Congrès américain, on inscrivit, relativement aux prisonniers de guerre, des clauses qui pourraient à plusieurs égards servir encore de modèles aux diplomates de nos jours[13].

Si l’on appliquait au cas des prisonniers le même principe qu’on a déjà admis pour les blessés, si l’on s’efforçait de supprimer d’un commun accord toutes les rigueurs inutiles, il est probable qu’on en viendrait à ranger aussi la captivité elle-même dans cette catégorie. Ajoutons que ce ne serait pas une innovation, sans antécédents, car cela s’est pratiqué plus d’une fois, et Valtel déjà a pu dire que : « Par un usage qui relève également l’honneur et l’humanité des Européens, un officier, prisonnier de guerre, est renvoyé sur sa parole ; il a la consolation de passaer le temps de sa prison dans sa patrie, au sein de sa famille ; et celui qui l’a relâché se tient aussi sûr de lui que s’il le retenait dans les fers[14]. » Vattel va peut-être un peu loin en présentant, comme généralement admis au siècle dernier, un usage qui n’est point encore habituellement suivi, même de nos jours. Nous prenons acte cependant de cette assertion qui, venant d’une autorité aussi considérable, ne saurait être contredite d’une manière absolue. Ce que l’on a a vu plus souvent, ce sont des garnisons renvoyées dans leur pays, après avoir capitule, sous la seule condition de ne pas servir de nouveau pendant la guerre, ou jusqu’à ce qu’un échange de prisonniers les dégage deleurs promesses[15]. C’est le cas de rappeler ici ce que nous avons déjà dit de l’exemple donné par la Suisse pendant la guerre civile du Sonderbund, en 1847, et de reproduire le passage des instructions du général Dufour relatif aux prisonniers. [Le commandant en chef recommandait aux officiers placés sous ses ordres, de « désarmer les prisonniers, mais de ne leur faire aucun mal, ni de leur adresser aucune injure ; de les traiter au contraire aussi bien que possible pour les désabuser ; enfin de les laisser rentrer chez eux s’ils s’engageaient sur l’honneur à poser leurs uniformes et à ne pas reprendre les armes. »

Ce que nous entrevoyons n’est donc pas une utopie, et cela d’autant moins que la Convention de Genève existe. L’article 5 additionnel de cette Convention constitue un précédent fort concluant. En effet, dès qu’il est admis que le capteur doit renvoyer ses prisonniers blessés aussitôt qu’ils sont guéris, par conséquent aussitôt qu’ils sont en état de reprendre leur service, mais avec des précautions pour les empêcher de nuire, et en limitant sagement et prudemment l’usage qu’ils peuvent faire de leurs forces et de leur liberté, il n’y a pas de raison pour agir différemment avec des prisonniers valides qui n’ont pas passé par les ambulances. L’article cinq additionnel a virtuel­lement ouvert les portes de leur prison. Un jour­nal belge l’a déjà remarqué[16], et cette consé­quence ne saurait échapper aux Gouvernements.


  1. Bardin, Dictionnaire de l’armée de terre ; — Grotius, le Droit de la guerre et de la paix, liv. III, chap. vii.
  2. Heffter, Droit intern. public de l’Europe, § 142.
  3. Landa, El derecho de la guerra, 113.
  4. Heffter, ouvrage cité, § 129.
  5. Martens, Précis du droit des gens moderne de l’Europe, § 272.
  6. Cette assertion est trop absolue. Klüber, par exemple, admet qu’on peut sévir contre les prisonniers, « si l’ennemi nous force à lui rendre la pareille *. »

    * Droit des gens moderne de l'Europe, § 249.

  7. Landa, ouvrage cité, 93 à 97.
  8. Vattel, le Droit des gens, liv. III, chap. viii, § 153.
  9. Compte rendu de la Conférence de Genève, p. 27 et 122.
  10. Star and Herald ofP anama.
  11. Van de Velde, Rapport adressé au Com. International.
  12. Narrative of privations and sufferings of United States officers and soldiers, while prisoners of war in the hands of the rebel authorities. — Philadelphia, 1864, 1 vol. in-8o.
  13. Après l’art. 23, qui, prévoyant le cas de guerre, protégeait les personnes et les propriétés des citoyens paisibles, et qui interdisait l’usage des bâtiments armés en course, venaient les dispositions suivantes :

    Art. 24. « — Afin d’adoucir le sort des prisonniers de guerre, et de ne les point exposer à être envoyés dans des climats éloignés et rigoureux, ou resserrés dans des habitations étroites et malsaines, les deux parties contractantes s’engagent solennellement l’une envers l’autre, et à la face de l’univers, n’adopter à aucun de ces usages ; que les prisonniers qu’elles pourraient faire l’une sur l’autre ne seront transportés ni aux Indes orientales, ni dans aucune contrée de l’Asie ou de l’Afrique ; mais qu’on leur assignera en Europe ou en Amérique, dans les territoires respectifs des parties contractantes, un séjour situé dans un air sain ; qu’ils ne seront point consignés dans des cachots, ni dans des prisons, ni dans des pontons qu’ils ne seront pas mis aux fers, ni garrottés, ni autrement privés de l’usage de leurs membres ; que les officiers seront relâchés sur leur parole d’honneur, dans l’enceinte de certains districts qui leur seront fixés, et qu’on leur accordera des logements commodes ; que les simples soldats seront distribués dans des cantonnements ouverts, assez vastes pour prendre l’air et l’exercice, et seront logés dans des baraques aussi spacieuses et aussi commodes que le sont celles des troupes de la puissance au pouvoir de laquelle se trouvent les prisonniers ; que cette puissance fera pourvoir journellement les officiers d’autant de rations composées des mêmes articles et de la même quantité dont jouissent, en nature et en équivalent, les officiers du même rang qui sont à son propre service ; qu’elle fournira également à tous les autres prisonniers une ration pareille à celle qui est accordée au soldat de propre armée. Le montant de ces dépenses sera payé par l’autre puissance, d’après liquidation de compte à arrêter réciproquement pour l’entretien des prisonniers à la fin de la guerre, et ces comptes ne seront point confondus ou balancés avec d’autres comptes, ni la solde qui en est due, retenue comme compensation ou représailles, pour tel autre article ou telle autre prétention réelle ou supposée. Il sera permis à chacune des deux puissances, d’entretenir un commissaire de leur choix, dans chaque cantonnement des prisonniers, aussi souvent qu’ils le désireront ; ils pourront également recevoir et distribuer les douceurs que les parents ou amis des prisonniers leur feront parvenir ; enfin il leur sera libre encore de faire leurs rapports, par lettres ouvertes, à ceux qui les emploient ; mais si un officier manquait à sa parole d’honneur ou qu’un autre prisonnier sortit des limites qui auraient été fixées à son cantonnement, un tel officier ou autre prisonnier sera frustré individuellement des avantages stipulés dans cet article, pour sa relaxation sur parole d’honneur ou pour son cantonnement. Les deux puissances contractantes ont déclaré, en outre, que ni le prétexte que la guerre rompt les traités, ni tel autre motif quelconque, ne seront censés annuler ou suspendre cet article et le précédent, mais qu’au contraire, le temps de la guerre est précisément celui pour lequel ils ont été stipulés et durant lequel ils seront observés, aussi saintement que les articles les plus universellement reconnus par le droit de la nature et des gens. »
    xxxx(Wheaton, Histoire des progrès du droit des gens, I, 370.)

  14. Liv. III, ch. viii, § 150.
  15. Grotius, ouvrage cité, liv. III, chap. xii, § XIII, 2 ; — Wheaton, Elém. de dr. interne, II, 3 ; — Klüber, ouvrage cité, § 249 ; — Vattel, ouvrage cité, liv. III, chap. viii, § 151 ; — Costa, ouvrage cité, II, 16.
  16. La Charité sur les champs de bataille, numèro de jan­vier 1869.