Étude sur le corset/Introduction
INTRODUCTION
Bien d’autres avant nous se sont occupés de la question du corset. De tous temps, même durant les époques où le corset n’était pas une partie du vêtement féminin ayant des attributions nettement définies et établies, du temps de Galien et d’Hippocrate, les médecins ont toujours consacré quelque part dans leurs écrits quelques lignes traitant et blâmant l’usage des vêtements constricteurs. Durant ces deux derniers siècles surtout des voix innombrables se sont fait entendre, plus ou moins violentes et autorisées, s’élevant toutes contre l’usage des corps à baleine et s’évertuant à proclamer, au nom de l’hygiène et de la raison, que si le souci de la raison ne perd point ses droits là où commence l’hygiène il est de toute nécessité cependant de les faire s’accommoder, sinon de donner le pas à cette dernière. Toutes ces clameurs ont été vaines. Il a été impossible ou à peu près de faire comprendre à la presque totalité des femmes que le corset leur donnait le contraire de ce qu’elles lui demandaient ; qu’il était le premier à leur gâter la santé, alors que la santé était le principe même de toute beauté. Rien n’y a fait : grands et petits, savants et ignorants, tous ont dû plier devant la mode lorsqu’elle s’est prononcée ; c’est une voix qui caresse trop agréablement les oreilles féminines pour qu’elles puissent y résister et les femmes s’en sont fait volontiers ses esclaves : nous dirons plus, la mode a en elles de vraies martyres conscientes et consentantes.
Nous n’espérons pas, en nous élevant contre la mode instigatrice et haute protectrice du corset, être plus heureux, ni plus écouté ni entendu que ceux qui nous ont précédé dans cette voie, mais comme nous avons affaire à une chose éminemment fluctuante et passagère, nous espérons, avec M. Létourneau, « que l’on y renoncera un jour comme l’on a renoncé à se perforer le nez et à se déformer le crâne ». Du reste, nous sommes de ceux qui pensons, avec Réveillé-Parise, « qu’il ne faut jamais se lasser de prêcher le bon et l’utile, il en restera toujours quelque chose ». De cette façon, un grand mal peut diminuer et un petit se réduire à rien.
L’hygiène, qui tend à rapprocher le plus possible l’homme de son type primitif en lui recommandant l’air, l’exercice, la lumière, une nourriture modérée (modicus cibi, medicus sibi), le libre jeu de tous ses organes, a le droit et le devoir de se dresser entre le corset et sa victime et de défendre la taille de nos femmes contre le cercle d’acier et de dentelles qui, comme dit Bommier, « rétrécit la vie, pour ainsi dire, comme l’athérome rétrécit l’artère. »
Les Ambroise Paré, Winslow, Buffon, Cruveilhier, Testut, Bouveret, Glénard, Réveillé-Parise, Boas, Rosenheim, Meinert et bien d’autres se sont élevés contre ces cuirasses malsaines.
Leurs élèves, un peu partout, ont continué et étudié la question du corset, tantôt plus ou moins complètement, tantôt et le plus souvent sous un de ses côtés seulement. Nous avons mieux aimé traiter une vue d’ensemble de la question, dont nous avons établi le plan ainsi.
Chapitre I. — Aperçu historique.
Chapitre II. — Le corset et l’esthétique féminine.
Chapitre III. — Influence du corset sur les parois thoraciques et abdominales : Téguments, Squelette, Seins.
Chapitre IV. — Influence du corset sur les organes thoraciques et abdominaux : Appareils respiratoire, circulatoire, digestif. Rate, Rein, Utérus.
Chapitre V. — Influence du corset sur l’état général.
Conclusion.