Études sur l’Italie, suite/10

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X.


À Madame L. de W…




Ah ! c’était, Dieu du ciel ! une bien pauvre mère ;
Elle tordait ses bras, et se roulait par terre,
Près de sa fille morte à l’Aria-Cattiva.
Quand l’homme au masque noir devant elle arriva,
Elle prit dans ses bras la jeune trépassée,
Et courant par la chambre ainsi qu’une insensée,
Avec le blanc linceul et le rameau bénit,
Comme on cache un trésor, la cacha sous son lit,
Et devant accroupie, hurlant comme une chienne,
Semblait lui dire ainsi : Tu n’auras pas la mienne !
Elle poussa des cris pendant un jour entier,
Et de sa grande voix ébranla le quartier.
Je n’aurais jamais cru que la poitrine humaine
Fournît aux hurlemens une si longue haleine.
La nouvelle en courut dans toute la cité,
Et le bourg de Saint-Pierre en fut épouvanté.
Et les pénitens noirs sur la lugubre voie
Passaient et repassaient, en attendant leur proie ;
Car nul n’osait entrer dans la maison de deuil,
Dont ce gardien fidèle interdisait le seuil.

Le lendemain pourtant, les hurlemens cessèrent,
Et les quatre porteurs, avec le peuple entrèrent.
La pauvre mère, hélas ! de même qu’Ugolin,
Sur le corps de sa fille était morte à la fin.
Et les cheveux épars, avec sa main glacée,
Sur son cœur froid aussi la tenait embrassée,
Et la couvrait, ainsi que le saule pleureur
Couvre de ses rameaux une petite fleur.
On pouvait approcher. Alors fut accomplie
La loi touchant les morts au pays d’Italie.



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