Études sur les origines du théâtre antique/04

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DE
LA MISE EN SCÈNE
CHEZ LES ANCIENS.

LES ACTEURS.[1]


Nous avons étudié précédemment la situation du poète dramatique dans ses divers contacts avec l’autorité civile et politique ; il nous faut, à présent, pénétrer dans l’intérieur du théâtre, et découvrir, s’il est possible, quelle sorte de rapports liait dans l’antiquité le poète et les comédiens.

Lors de la naissance de l’art dramatique en Grèce, la tâche des auteurs s’étendait, sans exception, à toutes les parties de l’exécution théâtrale. D’abord le poète jouait à lui seul tout le drame ; un peu après, nous le voyons se charger des premiers rôles ; et ce n’était pas tout : il devait encore dessiner les danses et composer la musique des chœurs, créer les costumes et les masques, pourvoir à la décoration, et même à la construction des théâtres, d’abord de bois et temporaires. S’il ne pouvait dire, comme l’Intimé dans les Plaideurs : « Moi, je suis l’assemblée, » il était incontestablement tout le reste. Qui disait tragédodidascale, disait à la fois acteur, maître de ballet, musicien, costumier, décorateur, et même architecte. C’était, sans parler de la poésie, cinq ou six arts dans lesquels on lui demandait d’exceller ; et, chose admirable, plusieurs des créateurs du théâtre en Grèce purent suffire glorieusement à toutes ces tâches. On sait la terreur profonde que produisit le chœur des Euménides, une des plus terribles productions du génie pittoresque d’Eschyle[2]. Dans le genre bouffon, les formes si spirituellement grotesques sous lesquelles la puissante imagination d’Aristophane se plut à présenter les Athéniens, travestis en guêpes, en oiseaux, en grenouilles, ont placé ce poète au nombre des plus hardis et des plus ingénieux caricaturistes.

Quant à la danse, Eschyle, comme Thespis, Pratinas et Phrynichus, composait sans secours étrangers les figures de ses chœurs[3]. Sophocle adolescent obtint d’éclatans succès dans cet art. Plus âgé, il en cultiva la théorie au point d’apporter quelques perfectionnemens à la chaussure des danseurs[4]. Il en fut de même de la musique. Les premiers poètes tragiques, comme leurs prédécesseurs, les cycliodidascales et les dithyrambodidascales, composaient les chants des chœurs et les enseignaient eux-mêmes aux choreutes[5]. Les vieux airs de Phrynichus n’étaient pas oubliés du temps d’Aristophane[6]. Timachidas nous apprend qu’Eschyle affectionnait dans ses chœurs le nôme orthien[7]. Plutarque, à qui nous devons tant de précieux détails sur la musique théâtrale, rapporte que Phrynichus et Eschyle rejetèrent le genre chromatique, qui fut, par cette exclusion, banni pour toujours de la tragédie[8]. Sophocle, suivant Aristoxène, introduisit sur le théâtre la mélopée phrygienne[9]. On est même tenté de croire que, dans l’origine, les poètes à Rome étaient aussi peintres et musiciens. Cicéron vante la grace sévère des airs de Livius Andronicus et de Nœvius[10], et Pline signale le talent pittoresque de Pacuvius[11].

Cependant, par suite du progrès des arts, les poètes durent peu à peu renoncer à cette universalité d’attributions. Lorsqu’au grand déplaisir des auteurs scéniques[12], les spectateurs exigèrent au théâtre une musique plus raffinée, il fallut bien qu’un musicien de profession vînt en aide au poète, et composât les airs des chœurs et de la pièce, ce qui s’appela ποιεῖν μέλος,[13], et chez les Romains, modos facere. Cet artiste dirigeait toute l’exécution musicale au son de la flûte, et finit par être couronné à part. Il fallut aussi, pour dessiner et diriger les danses, recourir à un artiste spécial qui prit le nom d’ὀρχηστοδιδάσκαλος[14], qu’avait porté le poète. Quand, après l’écroulement de plusieurs échafauds scéniques[15], on eut élevé dans les principales villes de la Grèce des théâtres de pierre et de marbre, les poètes furent dispensés de vaquer à la construction de leurs tréteaux. Les masques de théâtre, pour ne pas choquer des yeux habitués aux statues de Phidias, durent être exécutés par des sculpteurs exercés, προσωποποιοί[16]. Il en fut de même des décorations. Eschyle ne put balancer l’habileté de Sophocle en ce genre[17], qu’en employant les pinceaux d’Agatharchus, qui fut suivi dans cette carrière par Apaturius d’Alabanda[18], Métrodore[19], Philomusus[20] et quelques autres. Enfin, nous voyons dans une comédie d’Aristophane le théâtre d’Athènes pourvu, comme notre opéra, d’un machiniste attitré[21].

D’ailleurs, dans les beaux temps du théâtre, ces divers auxiliaires du poète étaient soumis à sa direction et travaillaient sous sa responsabilité[22]. Aristophane s’en prend aux poètes, ses contemporains, de la pauvreté d’imagination ou des écarts de goût qui déparaient, à son avis, l’exécution pittoresque ou musicale de leurs ouvrages. Il rend Euripide justiciable des haillons dont il se complaisait à affubler ses héros[23]. Ce n’est que plus tard, et vers le temps de Démosthène, que les poètes nous apparaissent complètement renfermés, comme aujourd’hui, dans le domaine de la poésie. Alors seulement Aristote put parler de l’art du metteur en scène, comme d’une profession distincte et indépendante de celle du poète[24].

De toutes ces diverses fonctions, la plus importante, sans contredit, et la plus constamment remplie par le poète, fut celle de didascale[25] ou d’instituteur des choreutes et des comédiens. C’est elle que nous allons étudier, en tâchant de faire bien connaître en quoi consistait ce double enseignement de la pièce et des chœurs.

INSTRUCTION DES CHŒURS.

Si je distingue l’enseignement donné aux choreutes de celui que recevaient les comédiens, c’est qu’en effet, pendant les beaux temps du théâtre, ces deux sortes d’instruction furent absolument séparées. La réunion ne s’opéra qu’après les désastres de la guerre du Péloponnèse, quand les fonctions de choreute, abandonnées par les citoyens qui les avaient remplies jusque-là, passèrent à des acteurs de profession. Je n’ai pas besoin d’ajouter que cette distinction fut constamment inconnue à Rome, où jamais les citoyens ne prirent part aux chœurs scéniques.

C’était, pour l’ordinaire, dans sa propre maison que le poète enseignait les choreutes. Une scène des Thesmophories d’Aristophane nous montre le jeune poète tragique Agathon exerçant chez lui, au son de la lyre, un chœur de jeunes filles qui devait figurer dans une de ses pièces. Plus tard, nous voyons le chorège, au défaut du poète, disposer dans sa maison, pour l’instruction des chœurs, une salle qu’on appelait διδασκαλεῖον[26]. Quel que fût, d’ailleurs, le lieu où l’on commençât ces exercices, on les terminait au théâtre, dans une pièce des parascenia ou du postscenium appelée χοραγεῖον[27].

L’usage et les lois défendaient expressément à toute personne étrangère au chœur d’entrer dans ces lieux de préparation et d’études[28]. La violation de cette règle de bienséance fut l’occasion du proverbe : Mettre le pied dans la danse d’autrui[29], pour exprimer la plus haute indiscrétion qu’il fût possible de commettre. Une autre loi, rendue dans l’intérêt de la discipline et des mœurs, ordonnait de ne réunir les choreutes ni avant le lever ni après le coucher du soleil[30]. Des règles d’hygiène, dont Aristote a essayé de rendre raison[31], avaient fait établir les exercices de chant le matin, avant le repas, tant pour les comédiens que pour les choreutes.

Pendant tout le temps que durait l’apprentissage des chœurs, le chorège, qui devait avoir atteint l’âge de quarante ans[32], nourrissait les συγχορευταί, c’est-à-dire les membres d’un même chœur, de la manière la plus délicate et en même temps la plus propre à fortifier la voix[33]. On leur faisait prendre même à cet effet des breuvages qui n’étaient pas toujours sans danger[34].

Si les choreutes que les tribus fournissaient aux didascales eussent été tout-à-fait étrangers à la musique et à la danse, il eût fallu bien du temps et des peines souvent perdues, pour les rendre capables de paraître convenablement sur l’orchestre. Mais grace à l’éducation que recevaient les jeunes Grecs, tous étaient plus ou moins initiés, dès l’enfance, à la danse et à la musique. La plupart, suivant Aristoxène, s’exerçaient de bonne heure à la gymnopédie, à la pyrrhique et à la chironomie, ce qui assouplissait leurs membres et les rendait propres à l’orchestrique[35]. Quant au chant, voici en quels termes la Justice, personnifiée dans les Nuées d’Aristophane, décrit l’éducation musicale que recevait la jeunesse d’Athènes :

« Je vais dire quelle était l’ancienne éducation d’Athènes aux jours florissans où mes leçons étaient écoutées, et où la modestie régnait dans les mœurs. D’abord, il n’eût pas fallu qu’on entendît un enfant causer avec ses voisins. Les jeunes gens d’un même quartier allaient en silence chez le joueur de cithare, traversant les rues, nus et en bon ordre, la neige tombât-elle comme la farine d’un tamis. Là, ils s’asseyaient sans se toucher, et on leur apprenait ou l’hymne : « Redoutable Pallas, » ou « Cri terrible. » Ils conservaient la brave harmonie des airs que nous ont transmis nos aïeux. Si l’un d’entre eux s’avisait de chanter d’une manière bouffonne, ou avec les inflexions molles et recherchées introduites par Phrynis, il était frappé et châtié comme ennemi des muses[36]. »

Plaute et Térence, dont les comédies reproduisent, comme on sait, les mœurs grecques, nous montrent à Athènes et à Cyrène de jeunes filles se rendant aux écoles de chant. Cet usage s’établit à Rome, même pour les ingénues, comme nous l’apprennent les éloquentes invectives de Scipion Émilien, conservées par Macrobe[37], et la tragique aventure de Virginie[38].

Les chœurs que reçurent Thespis, Phrynichus et Eschyle lui-même, étaient, comme les chœurs cycliques[39], composés de cinquante membres. Mais l’effroi causé par l’entrée des Euménides dans la tragédie de ce nom[40], fit réduire à quinze[41], d’autres disent à quatorze[42], ou d’abord même à douze[43], le nombre des choreutes de la tragédie. Ces faits, qui ont soulevé de nombreuses discussions, présentent en effet de sérieuses difficultés. D’abord, Blomfield, dans la préface qu’il a mise à la tête de son édition des Perses, avance, sans preuves suffisantes, que jusqu’à Sophocle le nombre des choreutes tragiques variait suivant les besoins du drame. Il va même jusqu’à soutenir que le chœur des Euménides n’était composé que de trois personnes, parce que les croyances religieuses d’Athènes n’admettaient que trois furies[44]. Une difficulté plus grave résulte de la contradiction des deux textes qui nous apprennent la cause et la date de la réduction des chœurs. Pollux prétend que la tragédie des Euménides offrit le dernier exemple d’un chœur de cinquante membres, et le scholiaste d’Aristophane affirme que c’est de la tragédie d’Agamemnon que date la diminution des chœurs. Or cette tragédie fut jouée le même jour que les Euménides, puisqu’elle forme la première partie de l’Orestée[45], tétralogie qui se composait d’Agamemnon, des Choéphores, des Euménides et du drame satyrique Protée. Hermann[46] et Boeckh[47] se sont efforcés d’expliquer cette contradiction. Leurs systèmes, quelque ingénieux qu’ils soient, ne m’ont pas complètement satisfait. Je crois plutôt que cette révolution dans les chœurs tragiques fut moins une réduction qu’une nouvelle répartition des choreutes. En effet, l’usage ayant alors prévalu de présenter au concours, non, comme autrefois, de simples tragédies, mais des tétralogies, il devint trop fatigant pour les cinquante citoyens choisis comme choreutes, d’apprendre et de jouer quatre pièces. Eschyle qui fit, comme je le crois, dans l’Orestée le premier ou un des premiers essais des tétralogies, put n’employer dans les deux premières parties, c’est-à-dire dans l’Agamemnon et les Choéphores, que douze ou quinze choreutes, tandis que, pour porter dans la troisième partie la terreur à son comble, il avait pu réclamer la présence de tous les choreutes. L’effroi causé par l’apparition des Euménides, et, plus probablement, les justes réclamations des citoyens qui se plaignaient qu’on quadruplât leur tâche, firent décider que dorénavant on n’emploierait que douze choreutes dans chaque pièce, ce qui pour une tétralogie faisait quarante-huit choreutes, nombre bien rapproché de celui dont se composaient les anciens chœurs[48]. Quant aux poètes comiques, à qui les magistrats n’accordèrent des chœurs que beaucoup plus tard, et qui n’admirent jamais l’usage des tétralogies, ils recevaient la moitié moins de choreutes, c’est-à-dire vingt-quatre. Cela nous est prouvé par le scholiaste d’Aristophane d’une manière à la fois piquante et péremptoire : il fait remarquer que le poète a introduit dans le chœur de la comédie des Oiseaux vingt-quatre espèces d’oiseaux diverses, nombre précisément égal à celui dont se composait un chœur comique[49]. M. Boeckh a été plus loin ; il a relevé les vingt-quatre noms d’oiseaux et les a classés par mâles et femelles[50]. Le résultat de ce travail confirme une assertion importante du scholiaste, à savoir, que, quand un chœur comique se composait à la fois d’hommes et de femmes, il y avait treize hommes et seulement onze femmes[51].

J’ai dit ailleurs les raisons qui me portent à croire que, comme il y avait sur le théâtre d’Athènes des chœurs d’hommes et des chœurs d’enfans, il y en eut aussi où figuraient des femmes[52]. Au passage de Sénèque que j’ai cité pour prouver la nécessité des voix de femme dans les chœurs, je dois joindre les mots suivans du Pseudo-Aristote De mundo : « Dès que dans un chœur le coryphée a commencé, tout le chœur des hommes, et aussi celui des femmes, se joignent à lui, et toutes ces différentes voix, composées de grave et d’aigu, ne forment en se mêlant qu’une seule harmonie. » À ceux qui objecteraient qu’il ne s’agit là que de chœurs cycliques, je répondrais, que plusieurs monumens[53] nous montrent des poètes enseignant des femmes, dont le masque est relevé[54], et qui ne peuvent être que des mimœ ou des femmes faisant partie de chœurs scéniques. Winckelmann, qui reconnaît que les femmes grecques dansaient et chantaient sur le théâtre dans les chœurs[55], a publié un bas-relief représentant un poète assis et tenant de sa main gauche un masque de femme. Devant lui sont posés sur une table deux autres masques, l’un tragique et l’autre satyrique. Plus loin, une femme debout, et sans aucun attribut allégorique, semble chanter ou réciter un rôle. La noblesse de sa pose ne permet pas de supposer que ce soit une femme mime. Il serait donc possible que ce fût une συγχορεύτρια, c’est-à-dire une femme appelée à tenir sa place dans un chœur scénique, ou peut-être une πραγῳδὸς γυνή, sorte d’actrice chantante, dont nous parlerons ailleurs. Quoi qu’il en soit, c’est une chose bien remarquable que de rencontrer dans l’antiquité des mots relatifs aux choreutes employés au féminin. Sans parler du mot χορῖτις, qui peut-être n’a pas été pris dans le sens théâtral[56], ni du mot χορευσασα, que nous offre une ancienne inscription[57], nous trouvons dans Pollux, comme tirés d’Aristophane, συγχορεύτρια et τριτοστάτις,[58]. Si nous n’insistons pas davantage sur cet argument, c’est que ces expressions, qui appartiennent à des comédies perdues, pouvaient avoir dans la place qu’elles occupaient un sens différent de celui qu’elles présentent.

Au reste, le mot τριτοστάτις, qui se rapporte à la hiérarchie établie entre les choreutes, indique assez que ceux-ci ne remplissaient pas tous sur l’orchestre des fonctions égales. Le chef du chœur s’appelait coryphée. C’était lui qui donnait le ton des airs et qui servait d’organe au chœur, quand celui-ci prenait part au dialogue. D’ailleurs, le coryphée ne présidait le chœur que pour la déclamation et le chant[59]. Quant aux marches et aux danses, un autre choreute servait de guide. On le nommait χοροστάτης[60]. Venait ensuite le παραστάτης ;[61], et en troisième ligne le τριτοστάτης. Il y avait, de plus, le chef de l’aile droite, δεξιοστάτης et le chef de l’aile gauche, άριστεροστάτης ; ceux qu’on mettait dans le milieu et qui étaient les moins habiles, s’appelaient λαυροστάται[62].

Quoique les chants, les danses et les évolutions des chœurs fussent principalement réglés par un joueur de flûte[63], qu’on appelait choraule[64] et que dirigeait originairement le didascale[65], celui-ci, cependant, enseignait les choreutes au son de la lyre. Nous venons de voir Agathon se servir de cet instrument pour exercer un chœur tragique. Il y avait plusieurs raisons de cet usage. La première, c’est qu’on avait coutume d’accompagner de la lyre les vers iambiques, c’est-à-dire la portion du drame qui se déclamait[66], et il se rencontrait quelques morceaux de ce genre dans les chœurs. La seconde, c’est que la lyre était particulièrement commode aux didascales, qui, pour enseigner, avaient besoin de conserver le libre usage de la parole. Aussi, outre le mot χοροκιθαριστής, qu’on trouve dans quelques inscriptions, et qui fut d’abord un des noms du poète, plusieurs monumens nous montrent-ils des auteurs dramatiques assis et jouant de la lyre devant des choreutes ou des comédiens[67].

INSTRUCTION DES ACTEURS. — ORGANISATION DES TROUPES SCÉNIQUES.

Les soins que les poètes de l’antiquité donnaient à l’instruction des comédiens se rapportaient, comme aujourd’hui, à deux objets, la distribution des rôles et les répétitions. Avant de passer à l’examen de ces deux importantes parties de la mise à l’étude, il faut établir quelle était l’organisation d’une troupe scénique à Athènes et à Rome.

J’ai dit que les premiers poètes étaient les acteurs uniques de leurs drames. Thespis et ses émules montaient seuls sur le thymélé pour mêler quelques récits ou épisodes aux chants du chœur, et disputer le prix offert à la tragédie. De là le nom d’ἀγωνισταί que portaient ces premiers poètes-comédiens[68].

Un peu après, Phrynichus et Eschyle se firent assister par un second, et bientôt par un troisième acteur[69]. Ils prirent dès lors le nom de πρωταγωνισταί[70], ou, comme disaient les Romains, d’actores primarum partium. Ces premiers poètes étaient donc à la fois acteurs et chefs de troupe, comme l’ont été, chez les modernes, Shakespeare, Molière, Iffland et quelques autres. Les deux auxiliaires du poète s’appelaient δευτεραγωνισταί et τριταγωνισταί[71]. Ces trois acteurs formaient à eux seuls une troupe complète, ou, comme on disait plus poétiquement, un thiase[72], c’est-à-dire un chœur permanent de comédiens. In Græco dramate tres personæ solæ agunt, a dit le grammairien Diomède. Ce n’est pas que les drames grecs n’exigeassent, la plupart du temps, un nombre plus considérable d’acteurs. Eschyle emploie jusqu’à six personnages, Sophocle huit, et Euripide plus encore. Mais on comptait à peu près pour rien ces rôles de figurans, de messagers, de gardes, de nourrices, d’esclaves, dont quelques-uns même étaient muets, κώφα πρόσωπα[73], et que remplissaient ordinairement de simples choreutes. Aussi ni les inscriptions choragiques ni les didascalies ne mentionnent-elles plus de trois acteurs[74]. Comædi tres sunt, a dit Martial ; c’était le chiffre officiel, et il faut remarquer le rapport singulier de ce nombre avec celui des ministres de l’initiation dans les mystères de Bacchus[75]. Il n’en fut pas de même de la comédie ; Aristote signale la foule d’acteurs, ἧ πλήθη τῶν ὑποκριτῶν[76], qu’employait le genre comique, admis postérieurement dans les concours, et qui s’écarta plus que la tragédie des traditions religieuses. Les Romains, par la même cause, dévièrent quelque peu de l’usage antique. Donat mentionne un quatrième acteur dans Térence : Quartæ partes sunt Parmenonis[77]. Evanthius tient même compte des acteurs chargés des cinquièmes rôles, ce qui confirme l’opinion d’Acron, qui porte à cinq le nombre des acteurs à Rome : Non loquantur in fabula plures quinque personis[78]. Horace répétait sans doute une règle de la tragédie grecque, quand il écrivait le fameux axiome : Nec quarta loqui persona laboret. Les critiques anciens n’étaient déjà pas d’accord sur le sens de ce conseil. Diomède y voyait la défense de réunir plus de trois personnages parlans dans la même scène : Persona quarta semper muta[79], dit-il. Acron me semble plus dans le vrai quand il soutient que ce n’est qu’un conseil donné au quatrième interlocuteur d’être ménager de ses paroles. Horace, suivant lui, ne dit pas taceat mais non laboret loquendo. Cette explication s’accorde avec ce que Pollux nous apprend de l’introduction facultative d’un quatrième interlocuteur, qu’on choisissait, le cas échéant, parmi les choreutes et qu’on appelait παραχορήγημα[80].

Quelques modernes, prenant, comme Lambin, trop à la lettre l’opinion de Diomède dramata tres personæ solæ agunt, ont soutenu que trois personnes suffisaient en Grèce à la représentation de tous les drames[81]. Il est bien vrai que, s’il n’y avait jamais eu à la fois plus de trois personnages en scène, il eût suffi, à la rigueur, pour remplir tous les rôles, de trois acteurs qui eussent changé rapidement de costume et de masque. Je crois, pour mon compte, que si on employa jamais cet expédient, ce ne fut que dans de rares occasions. Par exemple, les personnages protatiques, ou en dehors du drame[82], et qui, comme dans presque toutes les pièces d’Euripide, ne paraissaient que pour faire l’exposition ou amener le dénouement, pouvaient, sans inconvénient et à la faveur du masque, s’acquitter de plusieurs rôles. Dans les autres cas, je pense avec Visconti[83] qu’aux trois acteurs officiels et titulaires on joignait, suivant le besoin, quelques choreutes ou comédiens supplémentaires, personæ adjunctæ, comme dit Donat, lesquels ne possédaient ni rang ni nom dans la troupe, vrais acteurs postiches, qui, comme le dit un ancien, n’avaient de comédiens que l’apparence.

Nous connaissons, au moins de nom, quelques-uns des auxiliaires d’Eschyle ; d’abord, Téleste qui obtint, par l’énergie de sa pantomime, un succès éclatant dans Les sept chefs devant Thèbes[84], puis Cléandre et Mionisque[85].

Sophocle fut le premier poète qui, par suite de la faiblesse de sa voix, se dispensa des fonctions de comédien[86]. Encore se montra-t-il dans plusieurs rôles, notamment dans celui de l’aveugle Thamyris, où il paraissait une lyre à la main, et dans celui de Nausicaa[87]. Tous les écrivains dramatiques ne suivirent pas immédiatement son exemple. Agathon monta, pour son début, sur la scène d’Athènes, et joua le principal rôle d’une tragédie qui fut couronnée[88]. Les poètes comiques conservèrent plus long-temps que les tragiques l’usage de représenter eux-mêmes leurs pièces. Aristophane joua le personnage de Cléon dans les Chevaliers, et prononça peut-être plusieurs de ses parabases. Une inscription, expliquée par M. Boeckh, semble établir que, du temps de Démosthène, quelques poètes de la comédie nouvelle jouaient encore dans leurs propres ouvrages[89]. On trouve même plus tard des traces de cet usage, qui n’a jamais entièrement cessé, mais qui devint, comme il l’est aujourd’hui, bien moins la règle que l’exception.

Au reste, quoique ayant renoncé, pour la plupart, aux fonctions de comédiens, les poètes grecs demeurèrent long-temps encore chefs de troupe. Quand arriva de Pella à Athènes la nouvelle de la mort d’Euripide, Sophocle, qui devait bientôt le suivre, prit le deuil et voulut que ses comédiens (ὑποκριτὰς αὐτοῦ) parussent sur la scène sans couronne[90]. Son biographe ajoute qu’il consultait dans la composition de ses ouvrages les diverses aptitudes de ses acteurs[91], c’est-à-dire de Callipide, de Clidémide[92], de Tlépolème[93], et peut-être d’Œagre[94]. Euripide aussi fut directeur de troupe. Son plus habile interprète était Céphisophon[95]. Hégésiloque, qui, dans la tragédie d’Oreste, prononça si maladroitement le mot γαληνά, le calme, et en fit γαλῆν, un chat[96], était au nombre de ses comédiens, ainsi que Molon, que raille Aristophane. On peut croire que le second fils d’Euripide, Mnésiloque, qui fut acteur[97], eut son père pour didascale. On connaît les deux principaux organes d’Aristophane. Non-seulement Philonide et Callistrate furent les éditeurs responsables de ses premières comédies ; les didascalies nous apprennent encore qu’ils jouèrent dans presque toutes ses pièces. Callistrate remplit le premier rôle dans les Acharniens, les Oiseaux et Lysistrata ; Philonide dans les Grenouilles, les Guêpes et Amphiaraüs[98], circonstance, pour le dire en passant, qui se concilie assez mal avec ce qu’on lit dans la vie d’Aristophane que Philonide jouait plus ordinairement dans les pièces politique, δημοτικά δράματα et Callistrate dans celles où l’on n’attaquait que des ridicules privés, ἰδιωτικά δράματα[99].

Nous ne savons pas précisément quel fut le poète qui renonça le premier aux fonctions de chef de troupe ; seulement nous voyons Platon composer des tragédies dans sa jeunesse et les donner à des acteurs[100] qui certainement lui étaient étrangers. Cette révolution scénique paraît avoir eu lieu après la malheureuse issue de la guerre du Péloponnèse. Alors, aux causes politiques qui altérèrent la choragie se joignirent des causes de décadence non moins puissantes, quoique purement littéraires. Ce furent : 1o l’épuisement du génie poétique après la production de tant de chefs-d’œuvre ; 2o l’admiration croissante et exclusive de toute la Grèce pour les trois grands tragiques d’Athènes. Toujours on avait permis aux fils des poètes de se présenter aux concours avec des pièces posthumes de leur père. Un des fils d’Eschyle, Euphorion, fit représenter plusieurs tragédies inédites de son père, et remporta ainsi quatre victoires[101]. Peut-être même fut-ce avec une de ces pièces qu’il vainquit dans un même concours Sophocle et Euripide[102]. On voudrait se persuader que Philoclès, neveu d’Eschyle, qui eut le malheur de remporter le prix contre Sophocle et l’Œdipe-Roi[103], s’appuyait sur un ouvrage de son oncle. Iophon, fils de Sophocle, qui fut poète tragique, semble avoir obtenu quelques-unes de ses couronnes par droit successif[104]. Un petit-fils du même poète fit, après la mort de son aïeul, représenter la tragédie d’Œdipe à Colone[105]. Enfin, nous lisons dans la biographie d’Euripide que ce poète, qui ne fut couronné que quatre fois pendant sa vie, le fut une cinquième après sa mort[106]. En effet, un fils d’Euripide[107] concourut, à Athènes, avec Iphigénie en Aulide, l’Alcmœon et les Bacchantes de son père, et vainquit en son nom. Mais on ne se contenta bientôt plus des pièces inédites des grands maîtres. L’admiration produite par les incomparables beautés d’Eschyle, et le désir de revoir incessamment ses chefs-d’œuvre, engagèrent les Athéniens à convier chaque année Eschyle aux dionysies[108], c’est-à-dire à permettre par un décret, non-seulement à ses héritiers et à son ancienne troupe, οἱ περὶ Αἰσχύλον[109], mais à tous les didascales ou protagonistes, de demander un chœur pour rejouer ses pièces et se présenter avec elles au concours[110]. Eschyle, plaidant aux enfers contre Euripide dans la comédie des Grenouilles, s’écrie « Ma poésie à moi n’est pas morte, tandis que la sienne ne lui a pas survécu. » Cette assertion cessa bientôt d’être vraie. La Grèce ne tarda pas à faire pour Euripide et Sophocle ce qu’elle avait fait pour Eschyle, on autorisa la reprise de leurs pièces. On disait τὰς παλαιὰς τραγωδίας ἀναλαμβάνειν[111], pour indiquer ce genre de représentation que l’on préférait souvent, et avec raison, aux pièces nouvelles[112].

De cet usage peu favorable à ce que nous appelons la propriété littéraire, il résulta une fonction nouvelle, celle d’éditeur ou de metteur en scène pour le compte d’autrui, ce qu’on appela proprement ὑποδιδάσκαλος[113], et quelquefois tout simplement διδάσκαλος[114]. Jusqu’alors on n’avait couronné que le chorège et le poète, ce dernier quelquefois comme poète et en même temps comme acteur. On se trouva conduit à couronner, non plus le poète, mort depuis long-temps, ni son ouvrage, dont le rang était invariablement fixé, mais le tenant lieu du poète, l’hypodidascale, c’est-à-dire l’acteur principal que l’on jugeait seul, indépendamment de l’ouvrage, et qu’on couronnait spécialement pour son jeu. Alors, le nombre des acteurs illustres se multipliant, et les poètes de mérite devenant de plus en plus rares, il arriva que les concours scéniques eurent lieu le plus ordinairement entre acteurs, et non plus, comme autrefois, entre poètes. Un grand nombre de tragédiens et de comédiens éminens, Molon, Archélaüs, Polus, Aristodème, Satyrus, Athénodore, Thessalus, de simples protagonistes qu’ils étaient, devinrent directeurs de troupe, comme l’avaient été Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane. Et non-seulement ces protagonistes-directeurs allaient, aux fêtes solennelles, concourir avec les drames d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide, dans les villes et les petits royaumes où l’on n’aurait pu que difficilement se procurer, à toutes les dionysiaques, des tragédies et des comédies nouvelles ; mais ces concours de comédiens obtinrent même à Athènes une vogue immense, quoique souvent les anciens chefs-d’œuvre[115], repris uniquement pour faire briller les avantages personnels des protagonistes, fussent interpolés, abrégés ou étendus[116], et qui pis est, corrigés[117] et rajeunis[118] par ces nouveaux diacevastes ou rhapsodes dramatiques[119]. La profanation en ce genre alla même si loin que la législation dut intervenir. L’orateur Lycurgue fit passer un décret qui ordonnait que les tragédies d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide fussent transcrites aux frais de l’état ; que le secrétaire de la ville les lirait aux acteurs, et qu’il ne serait pas permis à ceux-ci, en les représentant, de s’écarter de cette copie[120]. Ce décret, dont malheureusement l’autorité ne pouvait pas s’étendre au-delà du territoire de l’Attique, eut au moins l’avantage de faire établir un texte authentique des œuvres des trois grands tragiques, précieux exemplaire qui, au rapport de Gallien, passa, par un stratagème de bibliophile peu délicat, des archives d’Athènes dans la bibliothèque des Ptolémées à Alexandrie[121]. Nous voyons encore que, pour encourager les concours entre comédiens, le même Lycurgue fit décréter que les droits de citoyen d’Athènes seraient conférés à tout acteur étranger qui obtiendrait le prix à la fête des Chystes[122]. Cette ère nouvelle du théâtre grec est, à proprement parler, l’ère des acteurs, comme la précédente avait été l’ère des poètes.

Par suite de cette substitution des protagonistes-directeurs aux droits et aux fonctions d’abord exercés par le poète, il s’établit des rapports tout-à-fait nouveaux entre les chorèges et les acteurs. Jusque-là les comédiens n’avaient eu rien à demander aux chorèges. Mais se trouvant, dans les reprises d’anciennes pièces, substitués aux lieu et place du poète, ils durent recevoir comme lui du chorège un chœur muni de tous ses accessoires. Cette remarque peut servir à éclaircir un passage fort controversé de Plutarque[123]. Cet écrivain raconte dans la Vie de Phocion qu’un acteur tragique, jouant un rôle de reine, réclama vivement d’un chorège récalcitrant une escorte de suivantes pour son entrée en scène. Il faut supposer ou que le tragédien était lui-même l’auteur de l’ouvrage, ce qui est peu probable, ou qu’il concourait dans la reprise d’une pièce ancienne, ce que je crois. Plutarque, il est vrai, place cette anecdote au jour où l’on jouait à Athènes les tragédies nouvelles ; mais il n’a probablement voulu, par cette expression consacrée, que désigner l’époque où se donnaient ordinairement à Athènes les représentations scéniques.

Cette révolution dans les rapports des poètes et des comédiens imposa de nouveaux devoirs aux archontes. Ce ne fut plus assez pour ces magistrats de veiller à ce que les tribus fissent choix d’un poète et d’un chorège ; ils durent, pour assurer la célébration des fêtes qui exigeaient des représentations dramatiques, passer à l’avance des traités avec un nombre suffisant de protagonistes-directeurs. Ceux-ci, même quand ils étaient citoyens d’Athènes, pouvaient aller avec leur troupe donner des représentations dans d’autres villes[124], y compris les villes ennemies[125] ; mais une fois engagés, ils devaient, sous peine d’amende, être de retour pour les fêtes panathénaïques et dionysiaques. Le tragédien Athénodore ayant été retenu à la cour d’Alexandre, apprit qu’il avait été condamné à une forte amende que le monarque paya généreusement de ses deniers[126]

Dans les autres villes on prenait des précautions semblables pour ne pas manquer de comédiens. Démosthène, ayant fait comprendre Aristodème dans une ambassade envoyée à Philippe, fit, en même temps, expédier dans les villes où cet acteur devait jouer, des députés chargés de le faire relever des amendes qu’il aurait encourues par son absence[127].

Cependant les troupes d’acteurs qui suivaient un protagoniste et qui portaient son nom, οἱ περὶ Θεσσαλὸν, οἱ περὶ Ἀθηνόδωρον, ne jouaient pas seulement des pièces de l’ancien répertoire. Malgré l’affaiblissement du génie poétique, qui suivit à Athènes la perte de la liberté, on représentait encore de temps à autre des tragédies et des comédies nouvelles. Alors le poète recevait de l’archonte une troupe de comédiens. Mais, comme ces divers protagonistes n’étaient pas tous, eux et leurs aides, égaux en mérite, l’archonte, pour éviter tout soupçon de partialité, tirait au sort l’ordre dans lequel les tribus et les poètes rivaux pouvaient choisir leurs comédiens. Ce tirage au sort s’appelait νέμησις ὑποκριτῶν. Le poète couronné avait, l’année suivante, le droit de choisir le premier ses trois principaux acteurs[128].

Jusqu’ici nous n’avons encore rien vu qui ressemblât exactement à ce que les Anglais appellent un manager, les Italiens un impresario, et nous un directeur ou entrepreneur de spectacle, c’est-à-dire un spéculateur qui, n’étant lui-même ni poète ni acteur, prend à ferme une troupe de comédiens, et les fait jouer à ses risques et périls. Cette sorte, je ne dirai pas d’organisation, mais d’exploitation théâtrale, la seule à peu près que nous ayons aujourd’hui sous les yeux, fut la dernière et la plus triste phase du théâtre antique.

Les comédiens de tout genre et de tout ordre s’appelaient, οἱ περὶ τὸν Διόνυσον τεχνῖται, les artisans de Bacchus. Toutes les personnes consacrées au culte de Bacchus, tragédiens, comédiens, mimes, pantomimes, chanteurs, citharèdes, aulètes, etc., prenaient indistinctement ce titre honorifique, et formaient une vaste corporation ou confrérie, sans préjudice des sociétés particulières de tragédiens, de comédiens, de mimes, etc., qui se rangeaient sous la direction d’un protagoniste, et quelquefois, comme nous le verrons, sous les ordres d’un simple entrepreneur, appelé en Grèce ἐργολάβος[129], et chez les Romains locator scenicorum[130]. Ces artisans dionysiaques se tenaient réunis dans de certaines villes, à Athènes[131] et à Thèbes[132], par exemple, où ils avaient une habitation commune qui les recevait au retour de leurs tournées. Ces confrères de Bacchus, quel que fût le lieu de leur résidence, formaient une corporation unique, toujours disposée à prêter à chacun de ses membres aide et secours. « Dans le temps de la puissance d’Athènes, dit un ancien, les habitans des îles devaient faire juger leurs procès dans cette ville. Hégémon de Thasos, comédien et célèbre auteur de parodies, ayant été l’objet d’une accusation, fut obligé de se rendre à Athènes. Suivi du corps des artisans de Bacchus, il alla demander la protection d’Alcibiade. Celui-ci dit à cette troupe de le suivre, puis se rendit à l’Éleusinium, où il raya du rôle l’accusation dirigée contre Hégémon, malgré les remontrances du greffier et la résistance même de l’archonte[133]. » On voit par cet acte de violence combien la confrérie des artisans dionysiaques était alors nombreuse et puissante. Nous la trouvons telle encore du temps de Mithridate : « Lorsque le sophiste Athénion, qui était fort avant dans les bonnes graces et les secrets du roi de Pont, vint à Athènes, le peuple qui espérait de grands avantages de la protection de Mithridate, reçut son favori au milieu d’acclamations universelles. Les artisans dionysiaques allèrent à sa rencontre, et le prièrent, comme un envoyé d’un nouveau Bacchus, de visiter leur foyer commun, et d’y assister aux prières et aux solennités accoutumées. On fit sur le terrain et dans le bois sacré des sacrifices et des libations qui furent annoncés par un héraut[134]. »

L’Asie Mineure, si dévouée au culte de Bacchus, eut aussi ses confréries d’acteurs. On lit dans Strabon : « Lébédos, située à cent vingt stades de Colophon, est la résidence et le synode de tous les artisans dionysiaques de l’Ionie. Ils tiennent là tous les ans une assemblée solennelle, et il y a des concours en l’honneur de Bacchus. Ils habitaient autrefois Téos, ville ionienne du voisinage. Mais une sédition les força de se retirer à Éphèse ; et comme Attale[135] les établit à Myonnèse, entre Téos et Lébédos, les Téiens prièrent les Romains d’empêcher que Myonnèse, place fortifiée, ne menaçât par cet accroissement de puissance la sûreté de leur ville. C’est ainsi que les artisans dionysiaques passèrent chez les Lébédiens, qui les reçurent d’autant plus volontiers que leur population était fort affaiblie[136]. » Antoine, un siècle après, assigna pour nouvelle résidence à ces comédiens la ville de Priène[137].

Certains lieux même furent plus spécialement affectés à certains genres. Nous devons à un écrivain peu connu, et que l’on croit du IVe siècle, un curieux document de géographie dramatique : « Laodicée, dit-il, envoie aux autres cités d’excellens conducteurs de chars, Tyr et Béryte des mimes, Césarée des pantomimes, Héliopolis des choreutes, Gaza des pancratiastes, Ascalon des athlètes et des lutteurs, Castabala des pugiles[138]… »

À Rome, les histrions appelés d’Étrurie pour augmenter l’éclat du culte public continuèrent de se recruter dans la classe des étrangers, des esclaves et des affranchis, tous gens qui ne pouvaient faire partie des tribus. Les citoyens qui embrassaient la carrière scénique étaient notés d’infamie[139], et par cela même exclus de la plupart des droits civiques. Il n’y eut d’exception que pour les acteurs d’atellanes, et cela seulement sous la république[140]. Aussi, les poètes tragiques et comiques, qui, dans les premiers temps, jouaient, selon la coutume grecque, leurs propres ouvrages, étaient-ils tous d’origine servile ou étrangère. À cette première phase succéda en Italie, comme en Grèce, l’ère des protagonistes-directeurs, tels qu’Ambivius Turpio, Rupilius, Roscius, Æsopus, qui se firent, par leur mérite personnel, estimer des hommes les plus éminens, mais dont la probité, la gloire et les richesses ne purent réhabiliter la profession.

Les compagnies d’acteurs, appelées greges ou catervœ, étaient à Rome composées en partie d’affranchis et même d’esclaves, que leurs maîtres[141] ou leurs maîtresses[142] faisaient instruire dans les arts du théâtre pour tirer profit de leurs talens. Dans les provinces, les troupes scéniques étaient le plus ordinairement formées d’artistes grecs et surtout asiatiques. Ces corporations affectèrent de conserver sous l’empire et particulièrement depuis Hadrien, leur organisation grecque et leur nom de synode[143], même dans les villes latines. On a comparé avec quelque raison les bandes de comédiens asiatiques répandues en Occident, aux troupes de chanteurs italiens établies aujourd’hui dans toutes les capitales de l’Europe. Une inscription découverte près de Vienne, sur le chemin de Lyon[144], prouve qu’il y avait en ce lieu une compagnie ou synode de comédiens asiatiques[145], qui s’étaient fait préparer une sépulture. Tous ces colléges étaient, comme les scholæ gladiatoriæ, placés sous la protection d’une divinité païenne, presque toujours Apollon, Vénus ou Bacchus. Nous avons vu qu’à Athènes la confrérie des artisans de Bacchus possédait, outre une habitation commune, κοινὸν, un terrain et un bois sacrés, où, en certains jours, on faisait des sacrifices, des libations, des repas et des prières. De là les titres de ἱερεύς, άρχιερεὺς συνοδοῦ, que recevaient par élection quelques-uns des membres de ces colléges[146], et la qualification qui se rencontre si fréquemment sur les monumens[147], et dans les écrivains des premiers siècles, de Jovis, Phœbi ou Apollinis parasitus et sacerdos. Martial termine ainsi l’élégante épitaphe du célèbre mime Latinus :

Vos me laurigeri parasitum dicite Phœbi,
Roma sui famulum dùm sciat esse Jovis
.

On lit dans une petite pièce de l’Anthologie romaine :

Adlectus scenæ, parasitus Apollinis idem[148].

Les mots adlectus scenæ prouvent qu’on inscrivait à Rome sur un registre, in albo[149], les noms de tous les membres de la confrérie dionysiaque. On peut voir sur quelques monumens la liste des adlecti scenicorum qui se trouvaient réunis dans une même ville[150]. De cette organisation semi-hiératique, toute naturelle en Grèce, il résulta, dans les contrées soumises aux lois et aux mœurs romaines, une contradiction frappante que n’ont pas manqué de signaler les adversaires de la société païenne. Saint Augustin et tous les pères de l’église s’étonnent sans cesse que pendant que les lois de Rome notent d’infamie quiconque monte sur la scène, les acteurs de tout ordre, réunis en congrégation, aient droit de se parer des plus hauts titres de la hiérarchie religieuse.

De plus, les colléges scéniques et gymniques avaient des archives et même des sceaux, sur lesquels était gravée l’effigie des princes leurs bienfaiteurs[151]. Ces communautés élisaient pour l’expédition de leurs affaires, des espèces de magistrats qui prenaient le titre d’archontes[152]. Elles rendaient même des décrets soit pour témoigner leur gratitude à leurs protecteurs soit pour honorer ceux de leurs membres qui s’illustraient par leurs talens. MM. de Boze et de la Bastie ont signalé parmi les fragmens d’inscriptions trouvés à Nîmes les textes d’un de ces décrets ; du moins lit-on le mot ψήφισμα sur une de ces pierres.

Quelques critiques, ayant remarqué sur les monumens élevés à certains acteurs l’énonciation de diverses dignités, et notamment les honneurs du décurionat, en ont conclu que la loi romaine s’était quelquefois relâchée de sa dureté contre les scéniques, et s’était particulièrement adoucie en faveur des pantomimes. C’est une erreur. Sauf quelques histrions, promus aux charges publiques par des empereurs extravagans et habitués à fouler aux pieds toutes les lois, tels qu’Héliogabale[153], on ne voit pas que la condition légale des acteurs ait jamais changé à Rome. Quant aux honneurs du décurionat et à quelques autres, qui leur ont été plusieurs fois conférés, il faut remarquer que ces distinctions municipales s’accordaient par courtoisie, dans les provinces, à toute sorte de personnes, sans préjudice de l’édit du préteur, qui n’en continuait pas moins d’être en vigueur à Rome. J’ajouterai que, dans plusieurs cas, les dignités dont nous voyons les comédiens revêtus pourraient bien n’avoir été que de vaines qualifications données aux acteurs par leurs confrères, à peu près comme les titres que certaines corporations décernaient, au moyen-âge à quelques-uns de leurs chefs, et qui n’avaient de valeur que dans leur sein et parmi leurs membres : le roi de l’épinette, le roi des jongleurs, le roi des ribaux, etc.

Les édiles de Rome et des principales villes de l’empire passaient, comme les archontes d’Athènes, des marchés avec les chefs de troupe, soit que ceux-ci fussent à la fois acteurs et poètes, comme Livius Andronicus, Nævius, Plaute, etc., soit qu’ils ne fussent que protagonistes-directeurs, comme Ambivius Turpio, Rupilius, Æsopus, Roscius[154], soit même qu’ils ne fussent que simples entrepreneurs, locatores scenicorum, ou, comme on disait plus poétiquement, imperatores histrici[155], propriétaires d’un personnel scénique qu’ils louaient aux éditeurs de jeux. Les édiles mettaient ces directeurs et leur troupe à la disposition des poètes, dont ils avaient agréé la pièce. C’est ainsi que furent jouées les comédies de Cécilius[156] et celles de Térence. Il arriva même, et ce fut une des causes de la décadence rapide de l’art dramatique dans l’empire romain, que les magistrats et les éditeurs de jeux traitaient quelquefois avec les chefs de troupe pour un spectacle dont ils laissaient la composition à leur choix, de sorte que les poètes, au lieu de porter directement leurs pièces aux édiles, les vendaient à ces entrepreneurs dramatiques, redemptores scenici[157]. Je crois, par exemple, que l’Hécyre de Térence, vendue la première fois par l’auteur aux édiles, la seconde fois aux héritiers de Paul Émile, fut achetée la troisième fois par le protagoniste-directeur Ambivius Turpio et jouée à ses risques et périls, sorte de marché qu’il lui arrivait souvent de conclure, comme il nous l’apprend lui-même, « pretio emptas meo[158]. »

À présent que nous savons de quelle manière étaient organisées les troupes de comédiens, voyons quels soins leur instruction exigeait des poètes et des didascales.

DISTRIBUTION DES RÔLES.

Et d’abord, au milieu des divers régimes que nous venons d’exposer et qui ont plusieurs fois modifié les rapports des comédiens et des auteurs, ceux-ci ont-ils toujours conservé le droit de distribuer les rôles ?

Dans les premiers temps, lorsque les poètes étaient à la fois acteurs et chefs de troupe, ils réglaient incontestablement eux-mêmes cette partie de la mise en scène. Plusieurs textes prouvent qu’ils continuèrent d’agir ainsi avec les comédiens que leur fournissaient les magistrats et dont ils n’étaient pas directeurs. Le tirage au sort des acteurs, qui fut quelque temps en usage à Athènes, et qu’on ne paraît pas avoir pratiqué à Rome, ne gênait en rien les poètes dans l’exercice de ce droit. Seulement ils étaient forcés de renfermer leur souveraineté dramatique dans le sein de la troupe qui leur était échue. À Rome, les poètes portaient leurs ouvrages à la compagnie de comédiens qui leur agréait ; le protagoniste Ambivius dit dans le prologue de l’Héautontimoroumenos : « Si la pièce est pénible à jouer, on vient à moi ; si elle est facile, on la porte à une autre troupe. » On ne peut douter non plus que les auteurs ne distribuassent eux-mêmes les rôles, y compris celui du prologue :

Ne cui sit vostrum mirum, cur partes seni
Poeta dederit, quæ sunt adolescentium[159].

Il ne faut pas opposer à cette déclaration formelle le passage suivant des Offices de Cicéron, et en inférer que les acteurs s’attribuaient les rôles qui leur convenaient : Scenici non optimas, sed sibi accommodatissimas fabulas, etc.… c’est-à-dire : « Les comédiens ne choisissent pas les meilleures pièces, mais celles qui peuvent faire briller le plus leur talent. L’acteur qui a la voix sonore joue les Épigones et Médus, celui qui excelle dans le geste, Ménalippe et Clytemnestre. Je me souviens de Rupilius ; il paraissait toujours dans Antiope ; Ésope se montrait rarement dans Ajax. Quoi ! un histrion sur le théâtre saura ce qu’il peut jouer, et le sage sur la scène de la vie ignorera le rôle qui lui convient[160] ! » Remarquons d’abord que Cicéron ne dit pas que les acteurs choisissaient les rôles qui leur convenaient, partes sibi accommodatissimas, mais les pièces, fabulas. Il est, suivant moi, question ici des protagonistes-directeurs qui remettaient au théâtre des ouvrages d’auteurs morts. En choisissant leurs rôles dans ces pièces, ils n’agissaient pas comme acteurs, mais comme protagonistes et hypodidascales. D’ailleurs, le droit que le poète et ses tenans-lieu avaient de distribuer les rôles, subsista jusque dans les bas siècles. Simplicius dit, dans son Commentaire sur le Manuel d’Épictète, que le privilége du didascale est d’assigner à chacun des acteurs le personnage qui lui convient[161].

Cependant, ce droit n’était pas absolu. Il existait entre les trois principaux acteurs une sorte de hiérarchie que la volonté du poète aurait pu difficilement intervertir. Quelques critiques ont abusé du passage suivant de Lucien : « Vous avez vu souvent, dit-il, des acteurs tragiques jouer, selon le besoin des pièces qui leur sont confiées, tantôt le rôle de Créon, tantôt celui de Priam ou d’Agamemnon. Le comédien que tout à l’heure vous avez vu sous les traits de Cécrops ou d’Érechtée, se montre tout à coup dans un rôle d’esclave, si telle est la volonté du poète, ὑπὸ τοῦ ποιητοῦ κεκελευσμένος[162]. » Ces derniers mots ne signifient pas, comme l’avance Boettiger[163], que le bon plaisir du poète pût forcer un premier acteur à se charger d’un second ou d’un troisième rôle ; ils signifient seulement que le même tragédien pouvait représenter dans une pièce un roi, sorte de personnage abandonné aux tritagonistes[164], puis, dans une autre pièce, un esclave, suivant les conceptions diverses du poète. D’ailleurs, en passant d’un rôle de roi à un rôle d’esclave, le tritagoniste ne sortait point de son emploi, comme M. Boettiger l’a judicieusement remarqué dans un autre endroit[165] Lucien ne veut pas dire non plus, ainsi qu’on l’a cru à tort, que les acteurs grecs, jouaient tour à tour dans la tragédie et dans la comédie. C’était une chose fort rare chez les anciens que le passage d’un genre à un autre. On ne cite pas, que je sache, de poète tragique grec qui ait été en même temps poète comique[166]. Il en fut de même des acteurs, au moins dans les beaux temps du théâtre[167]. Si quelques-uns s’essayèrent dans les deux genres[168], ils n’excellèrent pas à la fois dans l’un et dans l’autre. Plusieurs tragédiens, par exemple, purent profiter de la beauté de leur voix et de la majesté de leur geste pour jouer les rôles de dieux ou de héros dans quelques comédies, telles que les Grenouilles ou Amphitryon. C’est ainsi, je crois, qu’il faut entendre un passage dans lequel Lucien dit que Polus et Aristodème se montraient dans Agamemnon, Créon et Hercule[169], personnages abandonnés dans les tragédies aux deutéragonistes et même aux tritagonistes[170], et qu’auraient certainement dédaignés les premiers acteurs, tandis qu’ils pouvaient les jouer sans conséquence et à titre d’utilités ou de singularité dans des comédies. Les comédiens se risquaient encore plus rarement dans les tragédies. Aussi, quand Lucien avance que le grand comique Satyrus représentait quelquefois Agamemnon, Créon ou Priam[171], il faut entendre, à mon avis, que Satyrus remplissait ces personnages dans quelque comédies ou parodies. Il n’en était pas des choreutes comme des acteurs : « Souvent, dit Aristote, les mêmes personnes figurent successivement dans un chœur tragique et dans un chœur comique[172] ; » ce qui eut lieu surtout quand les choreutes cessèrent d’être choisis parmi les citoyens libres, et ne furent plus, comme du temps d’Aristote, que des acteurs subalternes. Si donc le poète ou son tenant-lieu, l’hypodidascale, ne pouvait pas forcer un protagoniste à jouer un second rôle, ni un deutéragoniste à en accepter un troisième, il avait, en revanche, le droit incontestable de déterminer quel était, dans son intention, le premier, le second et le troisième rôle, désignation très délicate, quelquefois fort arbitraire, comme on peut en juger par quelques pièces d’Euripide[173], et qui, dans tous les cas, donnait en réalité au poète un plein pouvoir sur la distribution des rôles.

Au reste, quand je me sers de ces mots : distribuer les rôles, j’emploie sciemment une expression trop moderne, et par là même un peu fautive. Lorsque, du temps de Solon, les chœurs dithyrambiques commencèrent à se transformer en chœurs tragiques, la science de l’écriture, alors nouvelle, était encore peu répandue. On n’avait l’usage ni de copier, ni, par conséquent, de distribuer les rôles. Ce que le didascale distribuait aux acteurs, c’étaient les masques qu’il leur destinait. Une pierre gravée, publiée par Ficoroni[174], représente un poète appuyé d’une main sur le bâton comique[175], et tenant de l’autre un masque de femme, qu’il semble se disposer à présenter à un acteur. Sur un vase peint du cabinet d’Hamilton on voit un jeune homme, peut-être un poète, offrant un masque de paysan à un comédien vêtu en esclave[176]. Enfin, une pierre gravée du cabinet de Stosch représente une distribution de rôles plus détaillée et vraiment complète. Un poète est couché sur un cliné où sont posés trois masques. Devant et à côté l’on voit deux acteurs debout, et qui semblent attendre la détermination que va prendre le didascale[177].

Quand, après la guerre du Péloponnèse, les compagnies de comédiens eurent un copiste attitré, γραμματεύς[178], et même un sous-copiste[179], chargés de la transcription des rôles, non-seulement les poètes continuèrent de distribuer les masques, mais ils remettaient en outre aux comédiens des tablettes ou triptyques renfermant la figure du personnage qu’ils leur donnaient à représenter[180]. Plusieurs peintures antiques nous introduisent dans le cabinet d’étude et de toilette, ou, si l’on veut, dans la loge des acteurs grecs et romains. Là nous les voyons soit méditant profondément devant leur masque[181], soit tenant à la main un livre ouvert ou un rouleau, qu’on peut supposer être leur rôle[182], soit occupés de leur parure et prenant soin de composer leur costume sur le petit modèle dont nous venons de parler, modèle qui fixait et éternisait, pour ainsi dire, la pensée du poète, plus sûrement que ne font chez nous les vagues souvenirs d’avant-scène et de coulisses appelés la tradition.

Après la distribution des rôles venaient, comme de nos jours, la mise à l’étude et les répétitions.

RÉPÉTITIONS.

Dans les premiers temps, l’absence des rôles écrits força les poètes dramatiques à continuer l’usage établi par les cycliodidascales, d’enseigner de vive voix les choreutes. On appliqua, pour la même cause, ce mode d’enseignement aux comédiens. Voici comment les choses se passaient. Le poète, entouré de ses acteurs, récitait ou lisait la pièce. Chaque comédien, à son tour, répétait ce qui appartenait à son rôle, en imitant les inflexions qu’y avait mises le didascale. Cet exercice se continuait jusqu’à ce que le maître (doctor) fut parfaitement satisfait. Cela s’appelait en Grèce διδάσκειν τα δράματα, et chez les Romains docere fabulas. À cette expression relative au poète répondait celle de discere ou condiscere, relative aux acteurs. La pièce, ainsi apprise en commun, était dite condocta, et les comédiens condocti[183]. La scrupuleuse exactitude avec laquelle les acteurs chargés des seconds et des troisièmes rôles conformaient leur diction à celle du didascale, était presque passée en proverbe[184]. Aussi Démosthène appelle-t-il l’orateur Eschine, qui avait été quelque temps tritagoniste dans la troupe d’Aristodème, un vrai singe de tragédie, αὐτοτραγικοπίθηκος[185].

L’usage d’enseigner les comédiens de vive voix ne disparut même pas lorsque l’écriture et les manuscrits furent plus communs. Sophocle mourut, dit-on, d’un vaisseau qu’il se brisa dans la poitrine pour avoir forcé sa voix en lisant aux acteurs sa tragédie d’Antigone[186]. À Rome, les poètes tragiques et comiques, et même les mimographes, suivirent cet exemple, bien que toutes les troupes scéniques fussent pourvues de copistes, scribæ, qui transcrivaient les rôles. C’est, je crois, à l’espèce d’écho produit par le mime ou l’acteur secondaire, répétant les paroles et les intonations du maître, qu’Horace a fait allusion dans ces vers :

Sic iterat voces…
Ut puerum credas sævo dictata magistro
Reddere, aut partes mimum tractare secundas
.

Plusieurs monumens nous représentent les poètes occupés à remplir cette fonction de lecteurs enseignans. Je citerai, d’abord, un beau camée d’agate, publié par Caylus[187], où l’on voit un poète assis, tenant à la main son poème qu’il lit à deux comédiens, dont le masque est rejeté derrière la tête[188], et qui l’écoutent avec recueillement. Une autre pierre gravée du cabinet de Sir Charles Townley représente, dit Raspe, dix acteurs et actrices (apparemment des mimi et des mimæ) qui ont le masque relevé[189], et prennent leçon d’un poète ou didascale[190].

Un beau manuscrit de Térence, de la fin du XIVe siècle[191], et dont les nombreuses miniatures nous offrent Dave, Phædria, Pamphile, etc., sous les costumes du temps de Charles V, représente, dans la belle peinture qui lui sert de frontispice, une image un peu altérée de cette instruction orale donnée par les poètes anciens aux acteurs, et qui s’est continuée pendant presque tout le moyen-âge[192]. Au centre d’un théâtre circulaire, où cinq ou six spectateurs debout représentent le peuple romain, on voit le célèbre éditeur de Térence, Calliopius[193], assis comme hypodidascale, dans un petit pavillon à jour, qu’une inscription désigne comme la scène, tenant dans ses mains un manuscrit ouvert et lisant une des pièces du poète latin, que quatre jongleurs (gesticulatores), habillés et masqués à la moderne[194], semblent jouer sous sa dictée avec force gambades et gestes grotesques.

Enfin, le plus complet et le plus intéressant monument de ce genre est la belle mosaïque qui décore la maison dite du poète tragique à Pompéi[195]. Dans une salle d’un postscenium, au fond de laquelle s’élève un élégant portique, nous voyons un didascale assis et faisant répéter deux acteurs demi-nus, dont un a le masque relevé sur le front. Plus loin on aperçoit deux autres acteurs déjà revêtus de leur longue tunique, et un autre personnage que son bonnet fait reconnaître pour un esclave. Entre le poète et les deux acteurs qui répètent, se tient debout un tibicène qui, paré de la longue robe appelée stola et le front ceint d’une couronne, joue de la double flûte.

Je dois répéter au sujet des acteurs une observation que j’ai faite plus haut à l’occasion des choreutes. Le poète se chargeait d’enseigner leurs rôles aux comédiens ; mais, de leur côté, ceux-ci devaient être préparés et exercés de longue main à tous les talens qu’exige l’art scénique. Aussi y avait-il en Grèce, et plus tard à Rome, des écoles de déclamation et des maîtres de chant, phonasci[196]. Plusieurs orateurs d’Athènes, et notamment Démosthène, réformèrent les défauts de leur débit en suivant les leçons de divers comédiens[197]. Il y avait même, si je ne me trompe, dans certaines villes et particulièrement à Athènes, quelque chose d’assez semblable à notre Conservatoire de musique. Nous connaissons plusieurs des procédés qu’on employait dans ces écoles pour fortifier la voix et corriger les vices de la prononciation. « Tragœdi Græci, dit Cicéron, annos complures sedentes declamitant et quotidie antequam pronunciant, vocem cubantes sensim excitant, etc.[198]. » Le vaste édifice qui servait à Athènes de lieu d’exercice aux tragédiens s’appelait μελιτέων οἶκος[199], ou μελετητήριον. À Rome, les maisons des grands acteurs, tels que Roscius, par exemple, qui donnait lui-même tant de soin à sa diction et à ses gestes[200], étaient des espèces d’académies où se formaient les bons comédiens[201]. Il est possible même qu’une partie du temple d’Apollon ou des Muses eût une destination analogue à celle du Μελετητήριον d’Athènes.

Outre les répétitions particulières et partielles, qui se faisaient soit dans la maison du poète, soit au théâtre dans une des salles des parascenia ou du postscenium, il y avait, quand les rôles étaient bien sus, et que musiciens, choreutes et comédiens étaient prêts à marcher d’accord, il y avait, dis-je, une répétition générale sur le théâtre même, ou, quand les villes en étaient pourvues, sur une scène couverte et plus petite, appelée ordinairement odéon. Ce nom nous prouve que ce fut surtout en vue de l’exécution musicale que ces édifices furent élevés. C’est, en effet, lorsqu’une musique plus savante s’introduisit sur le théâtre d’Athènes, que Périclès fit bâtir auprès de l’Hiéron de Bacchus[202] un petit théâtre, qu’on appela l’Odéon de Périclès[203]. Cet édifice, qui contenait beaucoup de siéges et beaucoup de colonnes, πολύεδρον καὶ πολύστυλον, fut couvert avec les mâts et les antennes des navires pris sur les Perses. Plutarque, de qui nous tenons ces détails, compare le toit de l’Odéon à la tente de Xerxès. Ayant été brûlé par ordre du sophiste Athénion, qui défendit l’Acropole assiégée par Sylla durant la guerre mithridatique[204], l’Odéon fut rétabli sur le plan primitif par le roi d’Arménie, Ariobarzane Philopator[205]. Plus tard, Strabon et Pausanias[206] le signalent comme un des ornemens d’Athènes. Ce monument servit de type à toutes les constructions de ce genre élevées en Grèce avant la domination romaine. Si nous étudions les ruines des odéons d’Herculanum, de Pompéi, de Capoue, de Catane, d’Acrœ, et les autres monumens semblables qui se rencontrent dans l’Asie Mineure, nous verrons qu’ils sont presque tous construits sur le modèle de l’Odéon de Périclès, c’est-à-dire couverts, voisins des grands théâtres[207], et souvent liés à ces derniers par une galerie, ainsi qu’on peut le voir à Catane. En cas de pluie, ce passage permettait aux spectateurs de se réfugier dans l’odéon, où l’on continuait peut-être la pièce devant un moins nombreux auditoire. Ce qui me porte à émettre cette conjecture, c’est la répugnance que les anciens éprouvaient à laisser inachevées des solennités faisant, comme celles-ci, partie du culte public.

Quelques antiquaires ont pensé, d’après Plutarque, que Périclès bâtit son odéon pour la musique seule ; mais les mots de μοῦσικῆς ἀγών, qu’il emploie, ont un sens plus général et peuvent s’appliquer aux tragédies, aux comédies et aux drames satyriques, ainsi qu’à toutes les compositions où la musique et la poésie étaient unies. De plus, suivant le scholiaste d’Aristophane, on ne faisait pas seulement dans l’odéon l’essai de la musique, mais aussi celui des vers[208]. Ce ne fut que plus tard, et surtout chez les Romains, que les odéons servirent exclusivement de salles de concert[209]. Alors on bâtit ces édifices isolés et indépendans des théâtres, tels que celui d’Hérode à Athènes, de Domitien et de Trajan à Rome, d’Hadrien à la Villa Tiburtina, etc. Il est remarquable, d’ailleurs, que dans les Gaules, où des théâtres pourvus de toits semblaient mieux convenir au climat que des théâtres abrités seulement par des toiles, l’on trouve des ruines nombreuses de théâtres découverts, d’amphithéâtres ; de cirques, et presque aucune trace certaine de petits théâtres couverts, ou d’odéons.

Dans les répétitions, le poète ou l’hypodidascale n’avait plus seulement à former la diction de chacun des acteurs en particulier ; il devait régler le jeu de tous à l’égard les uns des autres, et veiller au bon effet de l’ensemble ; il devait s’assurer de l’état des décorations et des machines ; enfin il devait instruire un fonctionnaire spécial chargé de diriger toutes les parties de la représentation. Ce nouveau fonctionnaire était le directeur de la scène ; on l’appelait designator scenarum[210] ou procurator ab scena[211]. Il n’est pas certain que les Grecs aient eu un pareil officier théâtral, à moins que ce ne fût, comme je le crois, l’ὑποβολεὺς[212], à la voix duquel obéissaient si ponctuellement les comédiens.

Quoi qu’il en soit, les observations que faisait le poète sur les entrées, les sorties, ou tout autre détail de la mise en scène, étaient non-seulement transmises de vive voix de troupe en troupe, avec le masque de chaque rôle et la peinture du costume ; mais quelquefois ses indications étaient recueillies par écrit et conservées sous le nom de διδασκαλιαι. Plusieurs de ces observations se retrouvent encore aujourd’hui dans les scholiastes ; quelques-unes même ont passé dans les textes. On en voit de fort courtes, il est vrai, dans les Euménides d’Eschyle, dans le Cyclope d’Euripide et dans les Grenouilles d’Aristophane.

Ce serait ici le lieu d’examiner si les anciens ont employé dans leurs théâtres ce que nous appelons des souffleurs. Boettiger le nie[213]. Je crois qu’il a raison pour la Grèce. Le batteur de mesure, qui se plaçait au milieu du thymélé, pour être vu de tous[214], et qui, dans les beaux temps du théâtre, c’est-à-dire du temps de Sophocle, d’Euripide et de Ménandre, était le poète lui-même, le pythaule et le choraule qui près de lui[215] donnaient le ton, le premier aux comédiens, le second aux choreutes, et, enfin, l’ὑποβολεὺς ou le designator scenarum, qui maintenait l’ordre et la suite dans la représentation, suffisaient pour prévenir toutes les fautes d’attention ou de mémoire. Plus tard seulement, lorsque le batteur de mesure, au lieu d’être le poète, ne fut plus qu’un chef d’orchestre mercenaire, et, comme on l’appelait, un mésochore[216], peut-être alors l’ὑποβολεὺς, caché derrière la scène, ἀοράτως[217], fit-il l’office de souffleur, ou, suivant l’expression romaine, de moniteur. Il est, dans tous les cas, difficile de ne pas admettre qu’au moins à Rome sous l’empire, il y ait eu des souffleurs. Festus définit les monitores « qui et in scena monent histriones[218]. » Je ne voudrais, d’ailleurs, pas affirmer que cet usage subsistât déjà sous la république, comme Mme Dacier l’infère trop légèrement de quelques passages de Térence[219]. Il me paraît probable, au contraire, que dans les vers qu’elle commente, le poète romain fait allusion aux monitores, qui de tout temps à Rome étaient chargés de rappeler aux prêtres les formules des sacrifices[220].

Quelquefois les amis de l’auteur assistaient, comme aujourd’hui, aux répétitions générales. C’est probablement dans une de ces réunions, où l’on pouvait donner librement son avis, que Socrate, ami chaleureux d’Euripide, fit recommencer les trois premiers vers de la tragédie d’Oreste[221]. Donat raconte que Térence, assistant à la répétition de son Phormion, remarqua qu’Ambivius Turpio, chargé du personnage du parasite, entrait ivre sur la scène et balbutiait les premiers vers de son rôle en chancelant et en se grattant l’oreille. Très irrité d’abord, le poète se radoucit bientôt et s’écria que c’était bien ainsi qu’il avait conçu le caractère de Phormion[222].

Je dois prévenir ici une objection que l’on a peut-être déjà faite. Il semble qu’il y ait double emploi entre les répétitions générales et les représentations d’essai dont j’ai parlé précédemment et qui devançaient la réception des pièces, au lieu que les répétitions la suivaient. Ce double emploi, ou si l’on veut, cette contradiction, n’est qu’apparente. En cherchant à démontrer l’existence des représentations d’essai, j’ai eu soin de dire qu’elles n’avaient été en usage que pendant la belle époque du théâtre grec, c’est-à-dire quand les poètes étaient à peu près tous directeurs de troupe. On comprend que Sophocle, Aristophane, Euripide, maîtres absolus de leurs comédiens, aient pu exiger d’eux les études nécessaires à l’essai d’un ouvrage qui pouvait n’être pas admis à concourir. On comprend encore que cet usage ait été modifié et qu’on se soit contenté d’une simple lecture, quand les poètes ne furent plus eux-mêmes acteurs et n’eurent plus de comédiens à leurs ordres. Dans cette nouvelle position, les travaux d’une représentation d’essai, souvent sans résultats, eussent été pour les poètes une obligation trop onéreuse. À partir donc de la révolution d’où sortit la comédie nouvelle, la mise à l’étude suivit, comme de nos jours, la réception des pièces et cessa de la précéder.

Au reste, on peut se faire une idée exacte et complète d’une répétition générale, en jetant les yeux sur une peinture à trois compartimens découverte dans les ruines de Pompéi et publiée dans le Museo Borbonico[223]. Cette belle composition représente, dans le compartiment du milieu, une scène comique jouée par deux acteurs masqués, dont l’un semble un soldat fanfaron et l’autre un esclave railleur. Sur le second plan, trois autres acteurs, qui n’ont pas encore leur masque, se tiennent attentifs et debout, comme attendant la réplique et guettant le moment de leur entrée en scène. Dans les compartimens latéraux sont assis deux personnages d’un âge mûr, tenant chacun à la main le bâton droit (ἄρεσκος), qui était l’attribut des comiques[224]. Celui de ces vieillards qui, les yeux baissés, écoute attentivement les acteurs, me paraît être le poète ; l’autre, dont le regard surveille tout ce qui se passe sur la scène, me semble être l’ὑποβολεὺς ou le designator scenarum. La place que ces deux personnages occupent et leur costume me confirment dans la pensée que cette peinture nous offre l’image d’une répétition et non d’une représentation. En effet, si c’était ici une représentation solennelle, le poète ne serait pas assis sur le côté du théâtre ; il serait debout sur le thymélé, et son front porterait la couronne, parure indispensable dans ces grandes et religieuses cérémonies.

À présent que la pièce est apprise, il n’y a plus à s’occuper que d’une chose, moins difficile chez les anciens que chez nous, c’est-à-dire de remplir la salle. Il nous reste à chercher (et nous le ferons si on ne se lasse pas de nous suivre) quels étaient dans l’antiquité les moyens d’annonce théâtrale, et comment s’opéraient l’entrée et le placement des spectateurs.

Charles Magnin.
  1. Voyez la première partie dans la livraison du 1er septembre 1839
  2. Poll., lib. IV, § 110. Voyez pour le costume des Euménides un vase du cabinet d’Hamilton (d’Hancarville, tom. IV, pl. 126), représentant une scène tragique ou mystique, dans laquelle figurent deux furies masquées.
  3. Athen., lib. I, pag. 21, E, seq.
  4. Vit. Sophocl., pag.  2 et 3, ed. Sinner.
  5. De là vient que chez les anciens les mots musique et poésie restèrent presque toujours synonymes.
  6. Aristoph., Vesp., v. 219.
  7. Schol., in Aristoph. Ran., v. 1308. Pour le nôme orthien, voy. Plutarque De musica commenté par Burette, Acad. des Inscript., tom. X.
  8. Plutarch., De mus., pag. 1137, E, F.
  9. Vit. Sophocl. pag. 6
  10. Cicer., de Legib., lib. II, cap. XV, § 39.
  11. Plin., Hist. nat., lib. XXXV, cap. VII.
  12. Pratinas de Phlionte protesta le premier en beaux vers contre la corruption ou les progrès de la musique scénique (Athen., lib. XIV, pag. 617, C, seq.). Plutarque (De musica, pag. 1141, C.) nous a conservé une remarquable invective de Phérécyde sur ce sujet. — Voyez aussi Aristoph., Nub., v. 955-966.
  13. Lucian., Harmon., cap. I.
  14. Athen., lib. i, pag. 21, F.
  15. Suid. ; voc. Æschyl. et Pratin.
  16. Poll., lib. IV, § 115 ; et lib. IX, § 47. — Aristophane (Equit., v. 233) emploie dans le sens de sculpteur de masques le mot Σκευοποιὸς, qui paraît avoir eu dans la suite une acception beaucoup plus générale.
  17. Aristot., Poet., cap. IV, § 16, ed. Herm.
  18. Vitruv., Præfat. in lib. VIII, pag. 258.
  19. Diog. Laert., lib. II, § 125.
  20. Corn. Philomusus est nommé dans une inscription pictor scenarius. Murator., Inscript., 948, 4
  21. Aristoph., Pac., v. 172.
  22. Peut-être même ces artistes travaillaient-ils pour le compte du poète. Aristoph., Pac., v. 172
  23. id., Acharn., v. 422. — id., Ran., v. 866, seqq. et plurib. locis.
  24. Aristot., Poetic., cap. VI, § 28.
  25. Aristoph., Plut., v. 797. — Av., v. 915.
  26. Antiph., Orat., XVI, pag. 768, Reisk.
  27. Epicharm., ap. Poll., lib. IX, § 42.
  28. Eschin., in Timarch., pag. 37, seq. Reisk.
  29. Plutarch., Sympos., lib. V, quæst. I, pag. 673, D.
  30. Æschin., in Timarch., loc. cit.
  31. Aristot., Probl., sect. X, § 22.
  32. Cette règle n’était pas sans exception. Voy. Plutarch., Demosth., cap. XII.
  33. id., de Glor. Athen., cap. vi, pag. 349, A.
  34. Antiph., Orat., XVI, pag. 771.
  35. Athen., lib. XIV, pag. 631, C.
  36. Trad. de M. Artaud.
  37. Macrob., Saturn., lib. II, cap. X.
  38. Tit. Liv., lib. III, cap. XLIV
  39. Semonid., epigram. 58, ap. Brunck., Analect., tom. I, pag. 137. — Les chœurs cycliques étaient quelquefois plus nombreux. Les habitans de Chios envoyèrent à Delphes un chœur de cent jeunes garçons (Hérodot., lib. VI, cap. XXVII.).
  40. Poll., lib. IV, § 10.
  41. Schol., in Aristoph. Equit., V, 593. — id., in Av., V, 300.
  42. Vit. Æschyl., pag. 12. — Cf. Boeckh., in Supplic. Euripid., pag. 75, seqq.
  43. Vit. Sophocl., pag. 2. — Suid., voc. ΣοφοκλῆςOttfr. Mueller, Eunenid., pag. 71, seqq.
  44. Blomfield a été réfuté par Hermann, de Chor. Eumenid. Æschyl., inter Opusc., tom. II, pag. 124, seqq.
  45. Schol., in Aristoph. Ran., v. 1148.
  46. Hermann., de Compositione Tetralog. tragicarum, inter Opusc., tom. ii, pag. 306, seqq. — Je cherche pourquoi l’illustre auteur a ajouté ici le mot tragicarum ; il n’existe, si je ne me trompe, aucun exemple de tétralogies comiques. —
  47. Boeckh., Græc. tragœd. princip., pag. 35, seqq.
  48. Cette opinion est à peu près celle d’Ottfr. Mueller. Eumenid.
  49. Schol., in Aristoph. Av., V, 300. — id., in Acharn.,V, 210.
  50. Boeckh., Grœc. tragœd. princip., pag. 70, seq.
  51. Schol., in Aristoph. Equit., V, 593.
  52. Origines du théâtre moderne, tom. I, pag. 125 et suiv.
  53. Raspe, Tassie’s a descriptive catalogue, n. 3564, 3565.
  54. Beaucoup de pierres gravées offrent des têtes de femme portant ainsi le masque relevé. id., ibid., n. 4057-4060.
  55. Winckelm., Monum. antich. ined., tom. II, pag. 252, tav. 192.
  56. Callim., Hymn. in Dian., v. 13, et in Del., v. 306.
  57. Murator., Inscript., tom. II, pag. 661.
  58. Poll., lib. IV, § 106.
  59. Lucian., De merced. conduct., cap. XXVIII.
  60. Julian. Caes., Epistol. ad Jamblic., pag. 421, A.
  61. Aristot., Politic., lib. III, cap. II, tom. I, pag. 226, ed. Barthélemy Saint-Hilaire.
  62. Poll., lib. IV, § 106. — Phot., pag. 210.
  63. Schol., in Aristoph. Vesp., v. 602.
  64. Boeckh., Inscript., n. 2758.
  65. Xenoph., Memor., lib. III, 'cap. V, § 18.
  66. Plutarch., De music., tom. II, pag. 1141, A.
  67. Raspe, Tassie’s descriptive catalogue, etc., n. 3570, 3615. — Denys le tyran acheta à un très haut prix la lyre d’Euripide. Vit. Eurip., in cod. Havniens.
  68. Poll., lib. III, § 144.
  69. Aristot., Poet., cap. IV, § 16. Vit. Sophocl., pag. 2.
  70. Poll., lib. IV, § 124.
  71. Une des comédies perdues d’Aristophane était intitulée le Tritagoniste. Athen., lib. XIV, pag. 643, D. — Cf. Boettig., de Actoribus primar., secundar. et tert. partium, et Groddeck, Sophocl. Philoctet.. cum prolusione de scena Græcorum et imprimis de tritagonista.
  72. Vit. Sophocl., pag. 3. — Lucian., De histor. conscrib., cap. IV, Schol., ibid.
  73. Phil., in Flacc., pag. 968.
  74. On ne décernait point de prix aux autres acteurs.
  75. Raspe, Tassie’s catal., n. 3564.
  76. Aristot., Poetic., cap. V § 4.
  77. Præfat. in Terent. Hecyr.
  78. Acro, In Horat. epist. ad Pison., v. 189.
  79. Diomed., lib.  III, pag. 488. — Ce grammairien se contredit un peu lui-même en ajoutant (pag. 489) : Personæ diverbiorum aut duæ aut tres, raro autem quatuor esse debent ; ultra augere numerum non licet. On voit qu’il est ici dans la pure doctrine grecque.
  80. Poll., lib. IV, § 110.
  81. Groddeck réfute cette opinion, qu’il prête à tort à Lessing. V. Prolus. de scena Græcor., pag.  63.
  82. Extra argumentum. Donat., in Hecyr.
  83. Recueil de pièces intéressantes publiées par Jansen, 1796, tom. III, pag. 289 et suiv.
  84. Athen., lib. I, pag. 22, A
  85. Vit. Æschyl., pag. 11
  86. Vit. Soph., pag. 2.
  87. Athen., ibid., pag. 20, F.
  88. Plat., Sympos., pag. 194, B.
  89. Boeckh., Inscript., tom. I, pag. 354.
  90. Thom. Mag., Eurip. vit.
  91. Sophocl. vit., pag. 3.
  92. Schol., in Aristoph. Ran., v. 804.
  93. id., in Aristoph. Nub., v. 1254.
  94. Œagre était célèbre dans le rôle de Niobé ; mais il est difficile de savoir s’il faisait partie de la troupe d’Eschyle ou de celle de Sophocle, ces deux poètes ayant composé chacun une Niobé.
  95. Schol., in Aristoph. Ran., v. 971 et 1445.
  96. id., ibid., v. 305, seq.
  97. Thom. Mag., ibid.
  98. Voy. les anciens argumens de ces pièces.
  99. Aristoph. vit., pag. XIV, Kust.
  100. Ælian., Var. hist., lib. II, cap. XXX
  101. Suid., voc. Εὐφορίων.
  102. Aristoph. gramm., in Medeam Euripid. argum.
  103. Argum. in Œdip. tyrann.
  104. Schol., in Aristoph. Ran., v. 73 et 78.
  105. Argum. in Œdip. Colon.
  106. Móschopul., Eurip. vit.
  107. Schol., in Aristoph. Ran., v. 67.
  108. Phil., Vit. Apollon., VII, pag. 245., Olear.
  109. Diog. Laert., lib. II, § 43.
  110. Schol., in Aristoph. Acharn., v. 10.
  111. Pseudo Plutarch., Vit. X orat., Æschin., pag. 841, F.
  112. Aristoph., Acharn., v. 10, seq.
  113. Poll., lib. IV, § 106.
  114. De là beaucoup d’équivoques. Je pense que le Sannion, ὁ τοὺς τραγικοὺς χοροὺς διδάσκων, dont il est parlé dans le discours de Démosthène contre Midias (pag. 533, 10, Reisk.), était un de ces metteurs en scène pour le compte d’autrui.
  115. Outre les ouvrages des trois grands tragiques, on rejouait aussi les chefs d’œuvre de la comédie moyenne, entre autres, le Démétrius d’Alexis. Athen., lib. XIV, pag. 663. C.
  116. Schol., in Euripid. Orest., v. 1372. — Lycon, jouant une comédie devant Alexandre, intercala un vers dans son rôle pour solliciter la libéralité de ce prince et réussit. Plutarch., Alex., cap. XXIX.
  117. Quintill., lib. X, cap. I.
  118. À Sicyone, du temps d’Alexandre, Néophron remit à la scène la Médée d’Euripide, et l’inséra corrigée et rajeunie dans ses propres œuvres. Argum. in Med.Diog. Laert., lib. II, § 134.
  119. Athen., lib. XIV, ibid. — Le bon abbé de Saint-Pierre, dans un mémoire où il cherche les moyens de rendre les spectacles plus utiles à l’État, propose de créer les charges de premier poète tragique et de premier poète comique. Ces fonctionnaires auraient eu mission de rajeunir, tous les cinquante ans, et surtout de retoucher dans l’intérêt des mœurs les anciens chefs-d’œuvre dramatiques.
  120. Pseudo Plutarch., Vit. Xorat., Lycurg., pag. 841, F. — J’adopte la correction de Grysar.
  121. Galen., Comment. in III Epidemic. Hippocrat., pag. 411, Basil., ann. 1538.
  122. Pseudo Plutarch., Vit. X orat., Lycurg., ibid.
  123. Grysar s’autorise à tort de ce passage pour soutenir que les chorèges fournissaient à la dépense des comédiens. De tragœd. circ. temp. Demosthen.
  124. Quelquefois même de pauvres tritagonistes ou deutéragonistes, tels qu’Ischander, Socrate et Simylus, dont se raille Démosthène, devenaient chefs de comédiens encore plus misérables qu’eux et parcouraient ensemble les villages (Demosth., De fals. legat., pag. 344, Reisk.). Eschine joua ainsi dans les bourgs de l’Attique. Demosth., Pro coron., pag. 314.
  125. Secundum argum. in Demosth., De fals. legat., pag. 335, Reisk.
  126. Plutarch., Alexand., cap. XXIX.
  127. Æschin., De fals. legat., pag. 202.
  128. Hesych. et Suid. — Boettiger (De Actor. prim. ; secundar. et tert. partium, pag. 315, not.) soutient à tort, suivant moi, que ce n’était pas le poète vainqueur qui avait, l’année suivante, le droit de choisir ses comédiens, mais les comédiens couronnés qui pouvaient choisir leur poète. Cf. Hemsterh., ad Lucian., pag. 167, C. — Je ne crois pas que Grysar (de Tragœd. circa tempora Demosth.), ni Groddeck (Prolus. de scena Grœcor., pag. 82, seq.) soient mieux fondés à soutenir que le poète une fois vainqueur pouvait toujours choisir les acteurs à sa volonté.
  129. Athen., lib. VIII, pag. 350, E.
  130. Grut., Inscript., 1024, 5 ; Orelli, n. 2629.
  131. Boeckh., Inscript., n. 349.
  132. Leake, Trav. in North. Greece, tom. II, pag. 225.
  133. Athen., lib. IX, pag. 407.
  134. Posidon. Apam., ap. Athen., lib. IV, pag. 212.
  135. Probablement le dernier prince de ce nom. — Sur les acteurs Attalistes, voyez les Origines du théâtre, tom. I, pag. 209.
  136. Strab., lib. XIV, § 19, pag. 643, C.-D.
  137. Plutarch., Anton., cap. LVII.
  138. Junior philosophus, Totius mundi descript., § 19, ap. Angel. Mai., Class. aut. e Vatic. cod. edit., tom. III, pag. 385-415. — Cf. ms. Reg., no 7418.
  139. Corn. Nepos, Prœfat. in vit. illustr. imperat., § 5. — Digest., lib. iii, tit.II, De his qui notantur infam.
  140. Le privilége des atellanes était une institution démocratique qui ne dut pas survivre à l’état républicain.
  141. Cicer., Pro Roscio comœdo.
  142. Témoin la troupe de pantomimes de Quadratilla. Plin., lib. VII, epist. 24.
  143. Grut, Inscript., 315, 9, et 316, 1. — Boeckh., Inscript., n. 349 et 2933.
  144. Académ. des Inscript., tom. XIV, hist., pag. 109.
  145. Scenici Asiaticiani. Millin croit qu’il s’agit de la troupe d’Asiaticanus. Voy. dans le midi de la France, tom. II, pag. 21 et suiv.
  146. Grut., Inscript., pag. 313, 8, et 1089, 6. Cf. Wesseling., in Diod., tom. I, pag. 251.
  147. Grut., Inscript., pag. 330, 2, 3. — Ficoron., Le maschere sceniche, pag. 74. — Murator., Inscript., tom. II, pag. 659, 1.
  148. Burmann., Anthol. Rom., tom. II, pag. 26.
  149. Sueton., Ner., cap. XXI.
  150. Grut., Inscript., pag. 330 et 1089, 9.
  151. On voit gravée sur le sceau d’une confrérie scénique la tête de Gordien pie. Acad. des Inscr., tom. I, hist., pag. 216 et suiv.
  152. Ibid., tom. XIV, pag. 104 et suiv.Cf. Boeckh., Inscript., no 349.
  153. Lamprid., Heliog., cap. XII.
  154. Ces grands artistes, outre des pièces nouvelles, jouaient à Rome, comme on l’avait fait en Grèce, d’anciennes pièces retouchées et rajeunies. Aul. Gell., lib. III, cap. III.
  155. Plaut., Pœnul., prolog., v. 4.
  156. Terent., Hecyr., prol. alt., v. 6.
  157. Murator., Inscript., 948, 4.
  158. Terent., ibid., v. 49. — Mme Dacier donne à ce passage un sens que je ne crois pas le véritable.
  159. Terent., Heautont., prolog., v. 1, seq.
  160. Cicer., De offic., lib. I, cap. XXXI.
  161. Simplic., Ad Epict. enchir., cap. XXIII, pag. 127, ed. Salm.
  162. Lucian., Menipp. sive Necyom., cap. XVI.
  163. Boettig., De actor. prim., second. et tert. partium., pag. 315, seq., ed. Sillig.
  164. Témoins les rôles de Créon, de Cresphonte (Demosth., De coron., pag. 288, Reisk.) et de Thyeste (id., De fals. legat., pag. 449. — Groddeck (Sphocl. Philoct. cum prolusione, etc., pag. 8), pense contre l’autorité de Démosthène que les rôles de rois étaient plutôt des seconds que des troisièmes rôles.
  165. Boettig., ibid., p. 324.
  166. Tout poète tragique était poète satyrique, mais non pas comique. Il est vrai que Platon a dit : « Le poète tragique, qui l’est avec art, est à la fois poète comique (Sympos., pag. 223, D) ; mais ce n’est là qu’un paradoxe que Platon prête à Socrate et qu’il contredit d’ailleurs (De republ., lib. iii, pag. 395, A.).
  167. Plat., De republ., ibid. — À l’époque de la décadence, quand vint la confusion de tous les genres, on donna aux pantomimes les titres réunis de comédiens et de tragédiens. Grut., Inscr., p. 1089, 6.
  168. Ulpian., Ad Demosth. in Mid., p. 653, E., Francf.
  169. Lucian., Apolog. pro merc. conduct., cap. V.
  170. Demosth., De fals legat., pag. 418, Reisk. — L’abbé Barthélemy a conclu à tort de ce passage l’importance des rôles de rois dans les tragédies (Anachars., tom. IV, pag. 71). Plutarque dit seulement que, pour conserver la vraisemblance, les protagonistes témoignaient sur la scène du respect aux tritagonistes qui remplissaient les rôles de rois.
  171. Lucian., Menipp. sive Necyom., cap. XVI. — Quelques critiques distinguent Satyrus dont parle ici Lucien du comédien dont il est question dans Démosthène.
  172. Aristot., Politic., lib. III, cap. I, § 14, ed. Barth. Saint-Hilaire
  173. Il est difficile de déterminer quel était le premier rôle dans Hécube, Les suppliantes, Hercule furieux et quelques autres pièces d’Euripide. — On voit dans Donat (Ad Prolog. Terent. Adelph.) que les grammairiens anciens ne s’accordaient pas sur l’ordre des rôles dans les Adelphes.
  174. Ficoron., Le mascher. scen., tav. 76.
  175. Poll., lib. IV, § 120.
  176. Tyschbein, Vases du cabinet d’Hamilt., tom. I, pl. 40
  177. Winkelm., Pierres gravées du baron de Stosch, n. 1309.
  178. Boeckh., Inscript., tom. II, fascic.2, n. 2758.
  179. Pseudo-Plutarch., Vit. X orator. Eschin, pag. 840, A.
  180. Le Pittur. antich. d’Ercol., tom. IV, tav.XXXIX.
  181. Raspe, Tassie’s catal., n. 3541-3556. — Le Pittur. antich. d’Ercol., ibid., tav. XL.
  182. Ficoron., Le masch. scen., tav. LXXV. — Cf. Winkelm., Monument. antichi ined., tav. CXCII.
  183. Plaut., Pænul., act. III, sc.II, v. 4.
  184. Plutarch., De Republ. gerend. prœcept., pag. 816.
  185. Demosth., Pro coron., pag. 307, ed. Reisk.
  186. Soph. vit., pag. 4.
  187. Cayl., Recueil d’antiq., tom. I, pl. LIV.
  188. Plusieurs peintures et pierres gravées antiques nous montrent des comédiens avec le masque relevé.
  189. Le masque que portent ces figures ne s’oppose point à ce que ce soit des mimes. Ces acteurs jouaient, suivant l’occurrence, avec ou sans masque.
  190. Raspe, Tassie’s catal., n. 3564
  191. Ms. Reg., Tillerianus, n. 7907, A.
  192. Voy. Haesslinus, Von den Meistersaenger, in libro Gruteri, ap. Bragur., vol. III, pag. 17-109.
  193. On lit après chaque pièce dans le Térence du IXe siècle de la Bibliothèque royale, dans celui du Vatican et dans presque tous ceux qui ont suivi : Calliopius recensuit
  194. C’est-à-dire avec des masques qui ne couvrent que le visage.
  195. Voy. M. Raoul Rochette, Pompeï, première partie, Maison du poète tragique, pl. XIX, pag. 28.
  196. Grut., Inscript., pag. 1089, 9 (Orelli, n. 2635.). — Cf. Sueton., Ner., cap. XXV.
  197. Plutarch., Demosth., cap. VII.
  198. Cicer., De orat., lib. I, cap. LIX.
  199. Hesych. et Photius.
  200. Val. Max., lib. viii, cap. vii. — Cicer., Pro Archia poeta, cap. viii.
  201. id., De orat., lib. I, cap. XXVIII. — id., Pro Rosc.
  202. Vitruve (lib. V, cap. IX) attribue ce monument à Thémistocle. — Andoc., De myster., pag. 19, Reisk.
  203. Millin, Description d’une mosaïque antique, pag. 8.
  204. Appian., De bello Mithrid., cap. XXXVIII.
  205. Vitruv., ibid.Voy. l’explication d’une inscription relative au rétablissement de l’Odéon de Périclès. Académ. des Inscript., tom. XXIII, hist., pag. 189, seqq.
  206. Strab., lib. IX, pag. 396, D. — Pausan., lib. I, cap. XX, § 3.
  207. On lit dans Stace (Silv., lib. III, V, 91) : « Et geminam molem nudi tectique theatri. »
  208. Schol., in Aristoph. Vesp., V, 1104.
  209. Il est remarquable qu’on ait donné aux jubés de quelques-unes de nos vieilles cathédrales le nom d’odéon.
  210. Grut., Inscript., pag. 270, 6.
  211. id., ibid., pag. 331, 4. — On trouve encore Procurator scænicorum (Murator., Inscript., pag. 904, 9) et Procurator scænicus (Insc., ap. Schiass., Guido al Mus. Bol., pag. 127), peut-être avec un sens différent.
  212. Plutarch., Præcept. polit., cap. XVII, pag. 813, F.
  213. Boettig., Quid sit docere fabulam, prolus. pr., pag. 292, ed. Sillig.
  214. Aristot., Problem., sect. XIX, § 22.
  215. Je ne crois pas que le pythaule se tint sur la scène auprès des comédiens. Il est vrai que sur un vase du cabinet d’Hamilton (Tyschb., tom. IV, pl. X) et sur un bas-relief (Ficoroni, Le maschere scen., tav. XI, pag. 25, seqq., et Mus. Borbon., tom. IV, tav. XXIV) on voit des tibicènes occuper la scène avec les acteurs. Mais cette circonstance, qui se retrouve peut-être sur d’autres monumens, tient au système de représentation particulier aux vases peints et aux bas-reliefs, où tous les objets se présentent sur le même plan. Il n’y a non plus rien à conclure d’une peinture d’Herculanum (tom. IV, tav. XXXIV), où une joueuse de flûte figure dans une scène comique entourée de comédiens ; cette joueuse de flûte me paraît tenir là sa place comme actrice. J’en dis autant de la peinture décrite par Gerhard et Panofka (Napels antike bildwerke, n. 570).
  216. Plin., lib. II, Epist. 14. — Le mésochore était proprement le chef d’orchestre dans les pantomimes.
  217. Phil., De vit. Mos., II, med., pag. 659, Francf., ann. 1691.
  218. Fest., voc. Monitores. — Labus, Inscript. ap. Morcelli dissert. in tesseris theatral., pag. 46.
  219. Terent., Heauton., act. V, sc. I, v. 2. — id., Phorm., act. II, sc. I, v. 4.
  220. Tertull., Apol., 30.
  221. Cirer., Tuscul., lib. IV, cap. XXIX.
  222. Donat., ad Terent. Phorm., act. II, sc. II, v. 1. — Mme Dacier croit que cette anecdote se rapporte à une répétition, quoique la phrase de Donat et surtout le mot acturus pussent donner l’idée d’une représentation publique. J’adopte l’opinion de Mme Dacier, surtout à cause des mots : hos Terentio pronunciavit versus, qui me semblent ne pouvoir s’appliquer qu’à une répétition faite devant le poète et pour le poète.
  223. Museo Borbonico, tom. IV, tav. XVIII.
  224. Poll., lib. IV, § 120. — Le bâton droit différait du pedum ou bâton courbé, λαγωβόλον, que les paysans portaient sur la scène (Voy. Poll., ibid.). — Plusieurs pierres gravées nous montrent des poètes comiques appuyés sur le bâton droit. Ficoron., Le masch. scen., tav. LXXVI.