Évangile d’une grand’mère/10

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 30-34).

X

L’ENFANT JÉSUS AU MILIEU DES DOCTEURS.




Les enfants étant tous réunis, la grand’mère commença ainsi :

L’Enfant Jésus vivait à Nazareth avec sa mère et avec Joseph ; il grandissait et il travaillait avec son père à l’état de charpentier. Tout le monde admirait sa sagesse, sa douceur et sa bonté.

Tous les ans à la fête de Pâques…

Petit-Louis. Comment ? les Juifs avaient le jour de Pâques comme nous ? Ils mangeaient des œufs rouges ?

Grand’mère. Ils avaient une fête de Pâques, mais ils ne mangeaient pas des œufs rouges, et ils ne fêtaient pas le même événement que nous.

À la Pâque des Juifs, on fêtait le passage de la Mer Rouge, c’est-à-dire la délivrance des Juifs de la domination très-dure des Égyptiens. Notre Pâques, à nous, est pour fêter la délivrance de tous les hommes du joug très-cruel du démon.

Jeanne. Comment cela ? Je ne comprends pas.

Grand’mère. Quand tu auras entendu toute l’histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ (car c’est ainsi que nous appelons Jésus), tu comprendras comment il nous a délivrés, par sa mort, de la puissance du méchant démon…

Armand. Racontez-nous cela tout de suite, Grand’mère, je vous en prie.

Grand’mère. Non, avant de raconter la mort de Jésus-Christ, il faut que je vous raconte sa vie, ses miracles.

Henriette. Qu’est-ce que c’est des miracles ?

Grand’mère. Des miracles sont des choses si extraordinaires que Dieu seul et ceux auxquels il en donne la puissance, peuvent les faire, comme, par exemple, de guérir dans une minute une personne très-malade, ou un aveugle, ou un sourd. Mais, vous m’avez tant interrompue que je ne sais plus ce que je disais.

Camille. Vous disiez, Grand’mère, que tous les ans à la fête de Pâques

Grand’mère. Ah ! oui, merci, chère petite ; j’y suis. Tous les ans à la fête de Pâques, Marie et Joseph allaient à Jérusalem pour célébrer la fête. Cette année, l’Enfant Jésus étant arrivé à l’âge de douze ans, il les accompagna, selon la loi de Moïse. Cette première entrée de l’Enfant dans le Temple était une fête de famille qui ressemblait un peu à nos premières communions.

Louis. Et comment célébrait-on la Pâque ?

Grand’mère. Chaque famille tuait un chevreau ou un agneau, qu’on faisait rôtir tout entier ; et toutes les personnes de la famille étaient invitées à venir le manger en grande cérémonie chez le chef de la famille. Il fallait manger debout, en habit de voyage, le bâton à la main, pour rappeler comment Dieu avait jadis délivré les Juifs en les faisant quitter l’Égypte, où on les gardait comme esclaves. Il fallait manger l’agneau ou le chevreau tout entier, et s’il en restait quelques débris, on brûlait ces restes avec les os et les entrailles pour que la fumée montât vers le ciel. Lors donc que l’Enfant Jésus eut douze ans, Marie et Joseph l’emmenèrent à Jérusalem pour célébrer la fête de Pâques qui durait sept jours.

Marie-Thérèse. Était-ce l’hiver ou l’été ?

Grand’mère. C’était au printemps, du 15 au 22 du mois de Nisan, qui est notre mois d’Avril. Quand les fêtes furent terminées, les habitants de Nazareth et tous les autres s’en retournèrent chez eux. Marie et Joseph partirent avec leurs parents et leurs amis, et ils ne s’aperçurent pas que l’Enfant n’était pas avec eux ; ils croyaient que Jésus marchait avec ses jeunes compagnons, et ce ne fut que le soir, quand on s’arrêta pour souper et pour coucher, qu’ils commencèrent à s’inquiéter en ne le trouvant pas avec les enfants de Nazareth. Ils le cherchèrent partout et furent très-effrayés et fort inquiets quand ils surent qu’on n’avait pas vu l’Enfant Jésus depuis le départ de Jérusalem.

Jeanne. Comme c’est mal d’avoir perdu ce pauvre petit Jésus !

Grand’mère. Ce n’était pas mal, chère enfant, parce que la Sainte Vierge n’a jamais fait le mal et ne pouvait pas le faire. Le bon Dieu la protégeait depuis sa naissance et la rendait si bonne qu’elle n’avait jamais envie de mal faire ; mais le bon Dieu avait voulu que Marie et Joseph ne s’inquiétassent pas de l’Enfant Jésus, parce qu’ils savaient ce qu’était l’Enfant Jésus, et ils comprenaient qu’il n’était pas nécessaire de le surveiller comme un enfant ordinaire ; ensuite, parce que Jésus devait accomplir ce jour-là la volonté de Dieu son Père et se faire voir plus savant que les prêtres juifs et les Docteurs de la loi.

Armand. Qu’est-ce que c’est, les Docteurs de la loi ?

Grand’mère. C’étaient des hommes chargés d’expliquer la loi de Moïse ; ils passaient pour savants, et ils croyaient alors (comme le croient les savants d’aujourd’hui) tout savoir et tout comprendre.

Quand Marie et Joseph furent bien sûrs que l’Enfant Jésus n’était pas avec leurs compagnons, ils ne voulurent ni manger ni se reposer avant de l’avoir trouvé, et repartirent à pied pour Jérusalem. Ils apprirent par les personnes qu’ils connaissaient, que l’Enfant Jésus y était resté et qu’on l’avait vu dans le Temple. Marie et Joseph le cherchèrent pendant trois jours ; ne sachant plus où le trouver et le demander, ils entrèrent dans une des salles qui entouraient le Temple, et ils trouvèrent l’Enfant Jésus assis au milieu des Docteurs de la loi. Il les écoutait, les interrogeait et leur expliquait si clairement et si bien les passages des Écritures que les Docteurs de la loi ne comprenaient pas, qu’ils étaient tous dans l’admiration et dans une grande surprise de la sagesse de ses réponses.

Joseph et Marie furent très-étonnés de ce qu’ils voyaient et de ce qu’ils entendaient ; Marie s’approcha de Jésus et lui dit :

« Mon fils, pourquoi nous avez-vous causé cette grande inquiétude ? Voyez avec quelle tristesse nous vous cherchons depuis trois jours. »

Jésus leur répondit gravement :

Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je devais m’occuper des affaires de mon Père ? »

Mais ils ne comprirent pas ces paroles ; ils ne savaient pas que les affaires dont s’occupait le divin Enfant étaient de faire déjà comprendre aux hommes, que lui, Jésus, était le Fils de Dieu, le Christ, le Messie attendu par les Juifs.

Et Jésus, se levant, les suivit ; car si dans les choses divines il obéissait uniquement à son Père céleste, dans tout le reste il obéissait parfaitement à sa bienheureuse Mère et à saint Joseph. Ils arrivèrent à Nazareth. Il demeura avec eux jusqu’à la mort de saint Joseph, et il leur était soumis. L’Enfant Jésus croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes, qui l’admiraient de plus en plus. Et sa Mère conservait dans son cœur le souvenir de toutes ces choses, c’est-à-dire de toutes les paroles, de toutes les actions de Jésus. De douze à trente ans, Jésus ne fit que travailler, prier et obéir, devenant ainsi le modèle de tous les chrétiens, et en particulier des enfants et des jeunes gens. Quel enfant oserait refuser d’obéir et de travailler, quand le Fils de Dieu lui-même en a donné un si bel exemple !

Saint Joseph mourut doucement dans les bras de Jésus et de Marie ; il est, à cause de cela, le protecteur des mourants. Jésus avait environ trente ans quand saint Joseph mourut.